Ceux qui comparent des pommes avec des poires se font jeter des citrons à la tête. Au moins, ce n’était pas des tomates pourries. L’ambiance était à nouveau bon enfant au sein du foodretail la semaine dernière. Les Russes, quant à eux, semblent être les bienvenus à Anvers, même s’ils préfèrent les simples saucisses au filet pur.
Lucratif
Drôles de créatures, ces consommateurs. Le constat est implacable. Ils se mettent à nouveau à boire de la Heineken, par exemple — mais pourquoi ? Qu’ils franchissent la frontière le coffre rempli de bouteilles consignées est en revanche parfaitement explicable : le tourisme de la consigne est et reste lucratif. Les frontières sont une notion très relative dans notre Europe unifiée, sauf pour nos responsables politiques qui pourraient encore se chamailler des années sur les mesures à prendre pour lutter contre les dépôts sauvages. En attendant, les consommateurs peuvent utiliser la petite monnaie récupérée pour acheter du chocolat qui devient de plus en plus inabordable, même si les producteurs de cacao ne peuvent toujours pas vivre de leurs récoltes.
Donnez aux jeunes parents la possibilité de calmer leurs enfants agités avec des sucreries pendant quelques heures le week-end, et vous marquerez des points. Surtout si vous y attachez un volet éducatif. Delhaize l’a prouvé : quelque dix mille personnes sont venues se régaler de dégustations au Palais 3 sur le Heysel. « Autant que lors de la première édition de Tomorrowland », a-t-on entendu. Ouais… Le décor était loin d’être aussi flamboyant qu’à Boom, mais avec un peu de chance, on pouvait y croiser quelques « célébrités » : Average Rob, Pascale Naessens, Sofie Dumont, Sven Ornelis, Peter Goossens… même votre serviteur s’y est promené, mais pas pour animer un atelier Cuisiner avec des asperges belges — ce qui est en quelque sorte une occasion manquée, mais bon.
Légumes magiques
Le festival Wonderfood Adventure n’a donc pas été un coup dans l’eau dans cette vaste offensive de charme menée pour séduire le groupe cible ô combien important des familles avec de jeunes enfants. Mais la semaine dernière, on a également appris comment Delhaize parvenait à baisser autant le prix de ces Petits Lioins et autres produits de petit-déjeuner : en augmentant les marges sur les fruits et légumes, qui, avec leur image saine, jouent pourtant un rôle crucial dans la stratégie de l’enseigne. Plus de 30 % plus cher que Colruyt, selon une comparaison de prix. Malgré la remise Nutri-Score de 10 %. Waow. Ce doit être des légumes magiques.
L’instigateur de cette guerre des prix dans le rayon des fruits et légumes a un nom : Lidl. Depuis plusieurs semaines, le discounter publie une comparaison de prix dans son dépliant pour prouver qu’il vend chaque jour les produits frais au prix le plus bas du marché. Au grand dam des concurrents, qui qualifient l’exercice de « trompeur » dans le meilleur des cas : on comparerait des pommes avec des poires, des baisses temporaires et des hausses cachées, sans prêter la moindre attention à des différences de qualité pourtant évidentes. Mais les médias s’en sont délecté. Étonnant : le leader du marché avait promis juré il y a quelques semaines à peine qu’il n’utiliserait jamais de produits agricoles pour des coups d’éclat publicitaires. À Merelbeke, ils n’ont pas ces scrupules. Et maintenant, Halle doit suivre.
Bras de fer
À leur grand soulagement, les clients de Jumbo accros au gras et aux sucres rapides peuvent à nouveau s’approvisionner à volonté en pizzas discount de Dr. Oetker et en confiseries Oreos et Milkare — mais pas en Pringles ni en bonbons Haribo pour l’instant. Le Péril jaune a conclu des accords de prix avec quatre grands fournisseurs (dont également Danone et Douwe Egberts), mais pas encore avec tout le monde. Un tel bras de fer apporte-t-il vraiment un avantage en termes de prix ? Les experts ont des doutes : « Le meilleur prix n’existe pas », a déclaré un responsable des achats chez Ahold Delhaize. Et les boycotts nuisent aux deux parties. Mais ils peuvent parfois donner lieu à des communiqués de presse intéressants.
Et ne doivent pas toujours coûter des ventes : malgré le boycott de Carrefour, PepsiCo sort d’un d’excellents trimestres en Europe. Contrairement à Unilever, dont les ventes de produits alimentaires ont déçu sur le Vieux Continent. Ailleurs, les « power brands » de la multinationale font ce que l’on attend d’elles. Nestlé, en revanche, doit encore compter sur des augmentations de prix.
Cauchemars
Puisqu’on parle de Carrefour : personne ne s’attendait à ce que le retailer réédite cette année le chiffre d’affaires record du mois de mars de l’année dernière, quand il récupérait des hordes entières de clients Delhaize dans l’incapacité de faire leurs courses dans leur magasin habituel. Finalement, ils ont réussi à limiter les dégâts. Curieux de connaître la suite.
En revanche, l’ère de la livraison express est complètement révolue. Le quick commerce aura disparu aussi vite qu’il était apparu. Getir se voit à présent contraint de se replier sur la Turquie, le seul pays où ils gagnent de l’argent. L’acquisition des Gorillas n’a manifestement pas été le meilleur investissement. Flink a entre-temps quitté la France. L’opportunité offerte par la pandémie était de trop courte durée. Ben oui, on n’entend plus non plus parler des fournisseurs d’écrans en plexiglas et de gels désinfectants, hein… Et qui se souvient des Clipeez ? Les six millions de poignées réutilisables de Colruyt qui doivent sans doute encore hanter certaines nuits de Jef se retrouvent malheureusement dans le container des déchets plastiques.
Fluo-frais
Enfin, encore ceci : ils l’ont fait, avec juste une bonne semaine de retard. Mais l’agitation était limitée : un quasi-non-événement, voilà comment on pourrait qualifier l’ouverture de ce quatrième MyPrice belge à Deurne. L’aspect nouveauté s’est déjà évaporé. Pas d’inauguration avec des feux d’artifice, ils ne sont pas fous non plus. Pas non plus de bourgmestre vent debout pour arrêter les Russes — il était trop occupé par les 10 Miles d’Anvers. Chacun ses priorités.
Pour résumer : c’est ouvert, c’est à un endroit où un Carrefour Market et un MyFood ont fait faillite, on y vend des saucisses lituaniennes et un tas d’autres denrées alimentaires douteuses à des prix défiant toute concurrence (ces boissons gazeuses fluorescentes viennent-elles de la région de Tchernobyl ?), des appareils de cuisines qui sont peut-être tombés d’un camion quelque part, et même un Bordeaux que nous n’avons pas goûté pour vous. Nous avons également évité les dégustations gratuites. Mais vous faites ce que vous voulez, bien sûr. C’est d’ailleurs ce que je vais faire ce week-end. Mais pas à Deurne. À la semaine prochaine !