Hourra : les vrais gagnants de l’inflation ont enfin été démasqués. Ils s’obstinent à le nier, mais les chiffres sont là. Ou pas ? Filet Pur jette un peu plus d’huile de friture sur le feu.
Frites nationales
Vive la science ! Enfin… Dans la mesure où l’économie est véritablement une science et pas une idéologie déguisée en un méli-mélo de psychologie appliquée et de sociologie confuse sur un lit de statistiques prouvant tout et rien à la fois. Il n’empêche : grâce à un économiste, nous savons enfin qui sont les véritables picsous qui ont fait flamber les prix des courses. Spoiler : il ne s’agit PAS des supermarchés, qu’alliez-vous penser. Ceux-ci n’ont vu leurs marges que se réduire comme une peau de chagrin, malgré leurs conflits héroïques avec les multinationales des marques.
Mais il ne s’agit pas non plus des fournisseurs des célèbres marques A, qui reviennent invariablement en pleurs des négociations de prix avec leurs acheteurs ; à l’exception peut-être de Ferrero, qui est vraisemblablement plus un trafiquant de drogue qu’un fabricant de produits alimentaires. Non, les vrais gagnants de l’inflation dans le secteur alimentaire vivent heureux dans la clandestinité. Ce sont surtout les avides et sournois fournisseurs de matières premières et de produits de base qui entendent leurs caisses enregistreuses biper si fort qu’ils risquent de développer des acouphènes. L’un d’entre eux a même annoncé sans vergogne une augmentation de ses bénéfices de près de 6 000 %. Non, il n’y a pas trois zéros de trop. Je vais même l’écrire en toutes lettres pour éviter toute confusion : six mille pour cent ! Un producteur de nos frites nationales, en plus.
Profits indécents
« C’est parce que nous innovons beaucoup », a protesté l’accusé. En effet, en indiquant « Airfryer » sur l’emballage, il peut purement et simplement doubler le prix. Bingo ! Les cultivateurs de pommes de terre ont-ils donc également empoché leur part de ces profits indécents ? Pas vraiment, mais ils ne s’en plaignent pas : l’agriculture contractuelle a du bon. C’est pourquoi nous n’avons pas vu les tracteurs prendre d’assaut Nieuwkerke ces dernières semaines.
Il est indéniable que les marges dans la chaîne alimentaire sont inégalement réparties. Seulement voilà, ces agriculteurs déversent depuis le début leur colère contre le mauvais ennemi. Heureusement, ils peuvent compter sur Filet Pur pour les guider en période difficile : n’ai-je pas suggéré il y a deux semaines le lancement d’un label pour les légumes sans esclaves et le filet de porc de chez nous ? Alexia Bertrand l’a également lu. C’est prévu : un label « fair price », qui garantit que tous les maillons de la chaîne reçoivent un prix équitable pour leur dur labeur. Une interdiction des promotions chocs sur les produits frais est également envisagée.
Drôles de clients
Voilà une nouvelle qui ne doit pas être au goût d’Intermarché (cette semaine : 3+3 gratuits sur la saucisse fermière), mais soit. C’est sûrement pour notre bien, n’est-ce pas ? Car cette fameuse transition protéique ne se fera pas sans heurts en Flandre ; et nous ne parlerons pas de la Wallonie, où personne n’est assez fou pour penser à manger des pois chiches. Ces cinq dernières années, nous avons acheté à peine moins de viande et seulement un peu plus de produits veggie, alors que ce n’est pas le choix qui manquait. Créatures d’habitude : catastrophe climatique ou pas, pas question de toucher à notre bout de viande quotidien.
Bien sûr, certains détaillants font des efforts, dans une plus ou moins grande mesure, pour nous encourager à mieux consommer. De plus en plus de magasins Delhaize commercialisent désormais les produits sains et végétaux de Kazidomi ; apparemment, le tofu et le kombucha font fureur. Vraiment ? Drôles de clients, ces acheteurs Superplus.
Chacun sa réalité
Les Lions ont d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre cette semaine. Suite à la publication des résultats annuels d’Ahold Delhaize mercredi, chacun y est allé de son point de vue : les médias belges ont sans surprise insisté sur les bonnes performances des supermarchés Delhaize repris, mais aussi sur le coût élevé de cette restructuration. Aux Pays-Bas, l’ambiance était remarquablement morose, avec des titres tels que « La coupe est pleine », « Les bénéfices sont en chute libre », etc. La presse financière, plus sérieuse, a noté sèchement que le détaillant avait répondu aux attentes.
Et c’est ainsi : avec Frans Muller, la force tranquille en personne, on sait exactement à quoi s’en tenir. No alarms and no surprises. L’action a donc augmenté. La bourse a toujours raison : il n’y a aucun problème avec Ahold Delhaize. Cette baisse des bénéfices est en grande partie due au plan d’avenir en Belgique. Ce n’est pas un poste de frais, c’est un investissement qui rapportera. Ces magasins franchisés vont considérablement gagner en chiffre d’affaires et en parts de marché, prouvant de facto que les piètres performances de ces 20 dernières années étaient uniquement du fait des syndicats. Le plan est parfait.
Enfant chéri
De plus, dans le cadre d’un important programme international de transformation numérique, Delhaize lancera bientôt une nouvelle super appli, à l’instar de toutes les autres chaînes de supermarchés du groupe en Europe. Quoique. Toutes ? Pas vraiment : Albert Heijn est la seule à pouvoir conserver sa propre application. Comment devons-nous l’interpréter ? Cela donnerait-il une idée de la répartition des pouvoirs au sein du groupe ? Par exemple : l’enfant chéri de Zaandam bénéficie d’un statut distinct, l’application commune est destinée aux chaînes dans les pays en développement ? D’accord, c’est noté. À la semaine prochaine !