Le championnat de Belgique de bras de fer a commencé, mais cela ne signifie pas que les prix vont vraiment baisser. Et quel est le lien entre l’e-commerce et le poisson frais ? Ou entre les carottes et le BDSM ? Filet Pur vous dit tout !
Coup de semonce
Un très grand sapin de Noël trône devant les bureaux de RetailDetail, les lumières scintillent et des clochettes retentissent toute la journée. Si vous n’étiez pas au courant de l’actualité, vous vous mettriez presque à rêver de la paix sur terre pour toutes les personnes de bonne volonté. Mais ce serait faire preuve d’une grande naïveté, et ce n’est pas notre genre. Car sans vouloir minimiser les foyers de violence qui s’allument un peu partout dans le monde : dans le food-retail, il n’est pas du tout question d’atmosphère de Noël.
En effet, rappelez-vous. La semaine dernière encore, nous pensions que les rayons des supermarchés étrangement vides seraient plutôt pour après les fêtes. Eh bien nous nous trompions ! Le premier coup de semonce a été tiré : il fallait absolument montrer qui était le plus fort dans les négociations entre Colruyt et AB InBev. Qui a mis ses menaces à exécution ? Impossible de le savoir évidemment, mais le résultat était visible de tous. Stella et Jupiler ont presque disparu des rayons, remplacées par l’affichette habituelle : « Nous négocions avec le fournisseur pour continuer à pouvoir vous offrir le meilleur prix ».
Patates pourries
Et ce, alors même que la Jup’ était en promotion. Mauvais timing. Mais bon, cette petite bière n’est-elle pas en promo toute l’année ? Et en cette époque de l’année, nous sommes plutôt champagne que pils, non ? Ils ont d’ailleurs rapidement trouvé un accord : les rayons seront à nouveau pleins la semaine prochaine, promet le leader sur le marché. Personne ne veut perdre un euro de chiffre d’affaires au cours de ce mois crucial. Quoi qu’il en soit, le ton est donné. Noël ou pas, on ne fera pas de quartier. Le tout dans le seul intérêt des consommateurs, cela va sans dire.
Par contre, difficile de blâmer les marques pour les prix alarmants atteints par des légumes généralement démocratiques comme les oignons et les carottes. Dommage. Et inévitable avec ce temps de chien… les patates pourrissent dans les champs. Mais hé : dans les rayons des magasins, les prix commencent à baisser. Bon, un tout petit peu, mais quand même. Et il ne faut pas s’attendre à beaucoup plus, préviennent les marques, car leurs marges se réduisent à peau de chagrin. Les producteurs réclament même des mesures de soutien et un ministre de l’Industrie au lieu de taxes supplémentaires. Bientôt, tout le monde fera ses courses en France.
La saison de la chasse est ouverte
Chez nos voisins du sud, la situation n’est d’ailleurs pas plus joyeuse. Mais plus intéressante. Intermarché et Auchan ne veulent pas seulement reprendre ensemble la plupart des Casino – ils espèrent ainsi prendre de vitesse leurs rivaux E.Leclerc et Lidl –, ils vont aussi acheter ensemble afin de mieux lutter contre l’appât du gain des marques. La suite s’annonce passionnante. Pour ceux qui s’interrogent sur les raisons de cette situation, il faut savoir qu’il est encore plus difficile d’ouvrir des magasins outre-Quiévrain que chez nous – si si, c’est possible. Les enseignes peuvent même oublier toute idée de nouvel hypermarché de plus de 10 000 m². La seule solution consiste donc à racheter des magasins existants. Il ne faudra pas leur dire deux fois : la saison de la chasse est ouverte.
Le problème, c’est que pour ce ça marche, il faut des magasins. Selon Frans Muller, l’e-commerce est surtout un petit extra qui permet d’attirer les clients dans les supermarchés pour qu’ils y fassent leurs courses. Ahold Delhaize pense que l’activité pourra être rentable d’ici un an ou deux, mais si ce n’était pas le cas, ce ne serait pas un désastre : un rayon de poisson frais n’est pas toujours rentable non plus, mais il attire les clients les plus exigeants. Qui achètent ensuite une bonne bouteille de Chablis – et en reçoivent une gratuite en bonus. Voilà.
Lego
En parlant de Delhaize : la livraison à domicile est loin d’être abandonnée. Plus précisément, ils sont en train de tester une mini-camionnette ultrafine à propulsion électrique pour les livraisons dans un centre-ville de Bruxelles complètement engorgé. De quoi slalomer entre les voitures de société à l’arrêt. Bien vu : si le fameux sommet sur le climat de Dubaï ne décrète pas une interdiction pure et simple des combustibles fossiles, le gouvernement bruxellois décidera probablement de lui-même de bannir les moteurs à combustion dans le centre historique. Auquel cas les Lions sont prêts. Et vous ?
Un bon slogan, c’est la moitié du chemin. Le « Lego de l’alimentation » : c’est avec cette promesse que Winning Foods vient tâter le terrain auprès d’une trentaine de ménage. Bien trouvé, non ? Le concept est également intéressant : présenter les éléments des repas comme des pièces du célèbre jeu de construction pour composer des recettes personnelles. Ils ne disent pas si leurs sachets font aussi mal quand on marche dessus. Quoi qu’il en soit, ma curiosité est piquée et je leur adresse tous mes vœux de succès, même si je ne participerai pas à leur prochaine levée de fonds.
Théorie et pratique
Il y a quelques décennies, Delhaize avait testé une stratégie similaire, notamment dans son magasin Hippodroom à Anvers Sud : tout un rayon frais de composants de repas dans des sachets sous vide. L’idée était que les consommateurs se mettent à combiner des légumes préparés, des sauces, de la viande ou du poisson, des préparations de pommes de terre ou de pâtes, etc. En théorie, c’était génial, mais vous connaissez le dicton : en théorie, la théorie et la pratique sont la même chose, mais pas en pratique. Un flop monumental.
Les êtres humains aiment leurs habitudes, et il est compliqué de leur en faire changer. Surtout avec des produits surgelés. Souvenez-vous de Mealhero, qui voulait devenir le concurrent glacé de HelloFresh. RIP. Car si les surgelés présentent de nombreux avantages rationnels, ils n’ont aucun argument émotionnel à faire valoir.
Esprit pervers
Enfin, encore ceci. Gaston le Chicon a une amoureuse : elle s’appelle Charlotte la Carotte. Des noms imaginés par les enfants des employés d’Aldi. Soi-disant… Mais pourquoi pas… Au nord du pays en revanche, les choses prennent un tour assez étrange… Car dans la langue de KDB, Gaston le Chicon devient Willy Witloof, alors que Charlotte la Carotte s’appelle Wanda Wortel. Or tout le monde ne peut pas savoir – et certainement pas les jeunes des générations Z et Alpha – que Willy et Wanda étaient les noms sous lesquels Bob et Bobette ont tenté de conquérir le marché américain dans les années 1970. Sans grand succès d’ailleurs… Mais ce n’est pas tout, je suis convaincu qu’il y a un esprit pervers au sein du département marketing d’Erpe-Mere.
Quelque part dans les bureaux du discounter, quelqu’un doit en effet jubiler en pensant à cette référence manifeste à l’un des premiers hits mineurs du chanteur de charme alternatif anversois Guido Belcanto, en 1990 : la chanson Willy en Wanda raconte l’histoire d’un couple de gens ordinaire qui se plonge avec enthousiasme dans le BDSM. Avec Wanda en maîtresse impitoyable et Willy en esclave consentant. De quoi donner une saveur particulière à vos prochains chicons au gratin ou au stoemp de carottes de belle-maman, non ? À la semaine prochaine !