Après une nouvelle année record, IKEA baisse ses prix. Tolga Öncü, Retail Operations Manager du holding Ingka, devra trouver des économies ailleurs. Mais il choisit résolument de continuer à investir dans de nouvelles formules de magasins, solutions et expériences. « Heureusement que nous ne sommes pas une entreprise cotée en Bourse. »
27 % de parts de marché en Belgique
IKEA a clôturé le dernier exercice sur une croissance de ventes de 5,7 % et un chiffre d’affaires de 41,7 milliards d’euros. Tolga Öncü, Retail Operations Manager d’Ingka Group, est également fier de l’augmentation des parts de marché : Ikea atteint ainsi une moyenne mondiale de 6 %. Le groupe affiche même 27 % de parts de marché en Belgique et 12 % aux Pays-Bas.
Après les problèmes qui ont perturbé les chaînes logistiques en 2022, la disponibilité mondiale s’est améliorée. Ikea a ainsi pu lancer à nouveau des activations commerciales, comme des campagnes et des promotions. « Dans une période comme celle que nous connaissons, IKEA tend à acquérir de nouveaux clients et à attirer des personnes qui avaient déjà fait des achats chez Ikea, mais s sont tournées vers d’autres fournisseurs ces cinq à dix dernières années. Nous constatons que les clients reviennent, comme en 2008. »
Sur l’exercice clôturé fin août, Tolga Öncü observe une croissance sur tous les canaux : dans les magasins, en ligne, via l’application, mais aussi dans les ventes à distance, une activité relativement neuve, mais qui ne cesse de se développer. Par vente à distance, on entend la possibilité laissée aux clients de passer des appels vidéo aux conseillers IKEA sur rendez-vous. « Les investissements consentis dans notre service ont porté leurs fruits : nous avons réduit les prix du dernier kilomètre, investi dans des délais d’exécution plus courts et amélioré la précision. Toutes ces initiatives se sont traduites par une amélioration de l’expérience client. »
L’innovation plutôt que la performance
IKEA a également accéléré ses investissements dans de nouveaux magasins urbains, à des endroits où l’on travaille ou on se détend. Ingka a ainsi ouvert de nombreux établissements en ville ces deux dernières années et en récolte aujourd’hui les fruits, poursuit Tolga Öncü. L’entreprise y touche souvent une nouvelle clientèle. Pourtant, il n’y a pas (encore) de besoin clair de magasins urbains dans tous les pays, notamment l’Allemagne et la Belgique. En cause : le manque de problèmes de mobilité, pourrait-on dire : « Ces besoins sont plus importants dans les villes où il est plus complexe de se déplacer d’un quartier à l’autre. »
Les « points de planification et de commande » ou « studios de planification » sont encore plus petits, puisqu’ils ne dépassent pas 100 mètres carrés. Mais les consommateurs peuvent y acheter tous les articles de la gamme IKEA grâce à des écrans et un personnel qui aident les visiteurs à faire leur choix. « Le passage à des formats plus petits nous oblige à redoubler de créativité et trouver de nouvelles façons d’exposer 9 500 articles. C’est à cette fin qu’une “immersive room” a été développée pour les petits magasins en France, mais aujourd’hui, les plus grands souhaitent également cette solution. Vous les verrez donc apparaître dans la plupart des pays, en complément de l’expérience IKEA existante. »
Tolga Öncü croit fermement à la complémentarité des formats. C’est pourquoi IKEA continue également à développer LIVAT, avec ses grands centres commerciaux et ses projets immobiliers multifonctionnels souvent gigantesques. Deux nouvelles ouvertures en Chine ont récemment été annoncées. Une décision audacieuse alors que l’économie chinoise est en perte de vitesse. « En matière de concepts, l’innovation ne s’arrête jamais. Nous continuons à chercher de nouvelles formules et de nouvelles façons d’encore améliorer l’expérience IKEA. Nous continuons également à investir dans nos magasins existants. L’innovation n’est pas liée à la gestion ou aux performances quotidiennes, sans quoi nous devrions constamment arrêter nos projets, les recommencer et les arrêter à nouveau. »
L’automatisation pour réduire les prix
L’automatisation reste une autre priorité. À Zagreb, en Croatie, l’installation d’une solution de gestion des commandes dans le magasin existant permet à un seul magasin de prendre en charge des commandes en ligne pour tout le pays sans prendre un seul mètre carré d’espace commercial. « Nous sommes en train d’implémenter une solution identique au Portugal : les délais de livraison seront considérablement réduits. Le plus important est d’intégrer les magasins existants au réseau de distribution omnicanal : nous pourrons ainsi les utiliser au lieu de construire de nouveaux entrepôts externes ou centraux. »
La réduction des coûts opérationnels a encore gagné en importance depuis qu’IKEA a annoncé des réductions de prix. Dans la plupart des marchés, certains prix ont été abaissés le 1er septembre. « C’est la bonne chose à faire. Mais les marges sur les produits vont naturellement en souffrir, c’est pourquoi nous devons continuer à investir dans d’autres éléments du compte de résultats. Heureusement, nous ne sommes pas cotés en Bourse. C’est ce qui nous permet de prendre ce type de décisions, même si elles impliquent une grande responsabilité. »
Tolga Öncü est d’autant plus convaincu que c’était la bonne décision que la réponse a été très positive, tant en termes de volumes de ventes que de nombre de visiteurs. « Notre vision est très claire : nous voulons améliorer la vie quotidienne du plus grand nombre. Et, aujourd’hui, tout spécialement aujourd’hui, alors que de nombreuses personnes éprouvent des difficultés à boucler leurs fins de mois, nous avons l’opportunité d’utiliser les économies dont nous venons de parler. L’objectif est de faire profiter nos clients des économies que nous avons réalisées dans la chaîne d’approvisionnement. »
Oubliez le long terme, investissez dans la flexibilité
Quels sont les projets d’IKEA pour l’année prochaine ? Après cinq ans en tant que Retail Operations Manager, Tolga Öncü a appris à ne pas trop se projeter dans l’avenir. « Le monde ne cesse de nous surprendre, et c’était particulièrement le cas ces trois dernières années. Par conséquent, nous nous concentrons davantage sur les ambitions, objectifs et plans à court terme. Nous investissons avant tout dans le maintien de notre flexibilité. Je veux donc rester prudent et ne pas promettre de chiffres. L’an dernier, nous avons mis l’accent sur les solutions de rangement à domicile et cela a été un grand succès. Nous allons donc poursuivre sur cette voie l’année prochaine. »
En Belgique, IKEA a récemment lancé des casiers permettant d’enlever les commandes en ligne à l’extérieur du magasin. Comme il n’existe pas de norme industrielle pour ses gros articles, l’entreprise a dû développer son propre système de casiers, explique Tolga Öncü. Il le regrette, car il est « plus rentable et plus durable d’utiliser une solution existante ».
Pour l’instant, les casiers seront disposés dans les parkings des magasins, mais Tolga Öncü n’exclut pas d’autres possibilités. Au Danemark par exemple, IKEA a lancé une camionnette de livraison itinérante. Lorsqu’elle s’arrête à proximité du domicile d’un client, ce dernier reçoit un SMS et peut venir enlever ses articles sur place. « Mais chaque marché a ses propres besoins et ses propres innovations, c’est ce qui est intéressant. »