Une interview qui vous révèlera le retour à un retail sexy, la relance de la franchise, la pâte à tartiner aux noisettes et bien d’autres choses encore.
Monsieur Eeckhout, vous avez provoqué une véritable révolution. Sous votre direction Delhaize a subi un ‘downgrade’ (une régression)
M.E. : “Tout d’abord j’aimerais dire que le mot ‘downgrade’ (régression) ne me semble pas le mot approprié pour décrire ce que nous faisons. Je parlerais plutôt de ce que nous appelons ‘value leadership’, c.-à-d. la combinaison de nos atouts majeurs – la qualité, l’assortiment, le confort, le service envers le clients, etc. – et de la perception des prix et le niveau des prix. Autrefois nous misions avant tout sur la première donnée de l’énoncé, à savoir « passion for food ». J’y ai ajouté une deuxième donnée en essayant de créer un équilibre entre les deux.
Il ne s’agit pas d’un’ downgrade’ car nous n’avons pas touché au premier paramètre. La qualité, le service et le confort n’ont pas régressé, au contraire nous continuons à investir dans ce domaine. Ainsi nous avons maintenant parmi nos propres labels, le label ‘taste of inspiration’, un autre type de marque Delhaize un peu plus cher avec l’accent sur le goût et la qualité.
Mais, effectivement nous avons diminué nos prix afin de nous rapprocher de Colruyt pour les marques nationales. Pour les labels privés par contre nous sommes de 15 à 30% moins chers que les produits nationaux. Pour les produits de notre marque 365 nous sommes meilleur marché que Lidl et Aldi.
C’est grâce au ‘three tier-approach’ des labels privés en combinaison avec la diminution des prix des produits des marques nationales, que la perception des prix évolue de façon positive. On ne peut donc pas parler de ‘downgrade’ (régression) ! C’est plus sophistiqué. Nous sommes probablement en Belgique ceux qui ont le mieux réussi à combiner ces deux éléments. »
Vous ne jurez que par une politique de prix nationaux.
M.E. : “Oui et non. Les prix nationaux ne sont pas pour nous une religion. Durant un certain nombre d’années nous avons pensé qu’une politique de prix nationaux était intéressante, parce qu’à ce moment-là le marché indiquait que c’était la stratégie adéquate.
Nous avons renoncé à cette stratégie avec l’arrivée d’Albert Heijn à Brasschaat. Selon les opportunités ou la nécessité nous ferons de même ailleurs. Cela dépend vraiment du marché. D’autre part nous sommes en mesure de gérer des prix locaux. Notre gestion et notre système permettent une politique de prix locaux »
H.M. : “Notre philosophie, au niveau des prix surtout, est d’être concurrentiel sur tous les marchés. En soi cette approche locale n’est pas nouvelle. Bien entendu, à Brasschaat au niveau des prix si, mais nous avons toujours fait des efforts au niveau des promotions locales et de la communication locale. Ce que nous ne voulons pas, c’est de faire payer plus cher à nos clients d’une certaine région pour compenser les prix plus bas d’une autre région, ce que font par contre certains autres. »
Quelle est la chaîne de supermarchés la moins chère en Belgique?
M.E. : “Cela dépend de quel point de vue l’on considère les choses. Lorsqu’on analyse comment le client Delhaize fait ses courses, on s’aperçoit que dans son caddie il y a la moitié de marques nationales et l’autre moitié de marques Delhaize. Sachant que pour les marques nationales nous ne sommes que 3% plus chers que Colruyt et pour les marques Delhaize 15 à 30% moins chers que les marques nationales, si on fait le calcul, effectivement nous sommes meilleur marché que Colruyt.
Colruyt compare uniquement les produits nationaux et se base là-dessus pour dire qu’ils sont 9% moins chers que Delhaize. Nous affirmons qu’ils sont 3% moins chers. »
Vous avez rompu votre politique de prix nationaux pour Albert Heijn à Brasschaat. Allez-vous faire de même dans le cadre d’autres ouvertures prévues de magasins AH ?
M.E. : “Delhaize réagira de façon appropriée. Notre stratégie consiste à être concurrentiel au niveau local. Nous ferons ce qui est nécessaire pour maintenir cela. Ainsi à Brasschaat, nous sommes 5% moins chers qu’AH pour des produits comparables.
De façon générale nous réagissons à tous nos concurrents. C’est pourquoi par exemple nous vendons les produits de notre gamme 365 moins chers que les produits de Lidl et d’Aldi. Par rapport à Colruyt nous misons sur les marques nationales. »
Dernièrement Carrefour disait vouloir également concourir pour le plus bas prix.
M.E. : “Qu’ils le fassent. Notre plan Excel contenait 5 points à réaliser. Premièrement augmenter notre chiffre d’affaires. C’est ce que nous sommes en train de faire. Deuxièmement une expansion était prévue au programme. Troisièmement l’amélioration de la perception des prix et la diminution des prix.
Quatrièmement une meilleure organisation de notre système d’achat, ce qui a été réalisé. Et cinquièmement une plus grande efficacité, par exemple au niveau du transport et de la logistique.
Nous avons appliqué ce qu’on appelle le ‘productivité loop’, où les bénéfices obtenus par une plus grande efficacité sont réinvestis dans la diminution des prix. Ceci génère une hausse du chiffre d’affaires, qui entraîne une plus grande rentabilité, qui est à nouveau réinvestie dans les prix. Ainsi la boucle est bouclée. S’il le faut nous continuerons à baisser les prix. Nous en avons les moyens. »
On ressent très nettement une nouvelle ambiance compétitive. Ce revirement de votre culture d’entreprise ne s’est-il pas fait au détriment de vos collaborateurs ?
H.M. : “On pense souvent que quand il s’agit d’efficacité, il est question du personnel. Dans une organisation comme la nôtre il y a de nombreux domaines que l’on peut optimaliser. La logistique est un point extrêmement important. L’année dernière, en remplissant mieux nos camions, nous avons réussi à rouler 4 millions de km en moins, ce qui représente une énorme économie. »
M.E. : “Nous appliquons continuellement cette nouvelle démarche, et cela se passe très bien. Il faut savoir qu’en étant prévoyant au niveau de l’efficacité, on peut repositionner les gens par une formation. On en a le temps. C’est pourquoi il est très important de regarder en avant. Il faut avoir une idée précise de ce qu’on veut atteindre d’ici deux ans et comment atteindre ce but. Ainsi ces repositionnements – par formation, adaptation etc. – se déroulent très bien. Il y a du travail pour tout le monde ! »
50% de votre chiffre d’affaires provient des labels privés? N’est-ce pas beaucoup ?
M.E. : “C’est plus en tout cas la moyenne belge. Grâce aux efforts que nous fournissons depuis des années, la marque Delhaize a gagné la confiance des clients. Les gens ont l’habitude. De plus, avec nos marques propres nous innovons. Comme nous l’avons déjà dit nous avons ce ‘three tier-model’ : le premier label ‘taste of inspiration’ avec son emballage noir très attrayant, ensuite le label Delhaize principal, et enfin le label 365 constitué de produit de base, mais de très bonne qualité. Si nous n’arrivons pas à maintenir certaines normes de qualité pour le label 365, nous l’abandonnerons. »
H.M. : “En considérant les produits premiers prix sur le marché, nous constatons que certains concurrents proposent des produits qui nous ne proposerions pas dans notre assortiment parce qu’ils se situent en-dessous de nos standards. A titre d’exemple, la pâte à tartiner aux noisettes : notre marque 365 contient 13% de noisettes, alors que chez certains concurrents elle ne contient que 3,5% de noisettes. »
Comment la qualité de vos marques propres se positionne-t-elle par rapport à celle de la concurrence?
M.E. : “La qualité est notre obsession absolue. Les normes de qualité sont au centre de nos préoccupations. Il faut donc les peaufiner constamment. Nous avons une équipe ‘qualité’ de 25 personnes, sous la direction d’un médecin. Nous ne ferons jamais de concessions au niveau de la qualité en faveur du prix. Jamais. »
Chez Delhaize on parle toujours d’une meilleure qualité par rapport à d’autres. Pourriez-vous nous en donner quelques exemples ?
H.M. : “ Pour la viande nous avons un cahier des charges très strict et des contrôleurs qui sélectionnent pour nous les carcasses dans les abattoirs. D’autre part nous sommes en pourparlers avec une coopérative wallonne pour la livraison de viande de bœuf bio via une chaîne très courte.
Pour le poisson, nous avons des délais très courts. Entre la pêche et la mise en rayon en magasin, on compte maximum trois jours, alors que chez la plupart des concurrents il faut compter environ 8 jours. Autre point important, notre collaboration avec WWF pour une pêche durable. Nous nous sommes engagés d’ici fin 2012 à ne vendre que du poisson issu d’une pêche durable. Cela va loin. Nous avons par exemple retiré certaines sortes de poissons de notre gamme (dont l’anguille) parce qu’il n’y pas d’offre durable pour ces sortes de poissons. A terme nous voulons étudier les possibilités d’appliquer cette démarche à d’autres catégories que le poisson frais.
J’ai déjà cité l’exemple de la pâte à tartiner aux noisettes. Nous ne descendons pas en-dessous des 13% de noisettes alors que d’autres sur le marché descendent jusqu’à 3 ,5%. C’est un choix voulu, car la pâte à tartiner aux noisettes est un produit destiné aux enfants et les principaux ingrédients sont les graisses, le sucre et les noisettes. La différence entre 13 et 3,5% de noisettes est donc compensée par les graisses. Bien qui nous puissions proposer une pâte à tartiner avec 3,5% de noisettes à un prix très avantageux, nous ne le faisons pas.
Autre exemple : le pain. Nous avons réduit la quantité de sel dans 16 millions de pains. Au total cela représente 38 tonnes de sel en moins par an. Nous avons retiré 30 tonnes de graisse par an de nos lasagnes marque Delhaize. Nous avons également revu les céréales de notre marque propre, afin de diminuer la quantité de sucre et de graisse, tout en augmentant la teneur en fibres. Ainsi notre marque propre crunchy comporte aujourd’hui 5x plus de fibres que le produit analogue de la marque nationale n°1 de céréales. Avec nos labels privés nous visons toujours la qualité des marques A et parfois même notre qualité surpasse celle des marques A. L’aspect nutritionnel est primordial dans notre démarche. »
Que pensent les exploitants indépendants de cette approche agressive des prix de Delhaize? Dernièrement ils se sont regroupés.
M.E. : “Je pense que les indépendants en général sont très satisfaits de notre démarche commerciale et de notre repositionnement, parce que cela se traduit par une hausse du chiffre d’affaires. Globalement un indépendant qui se joint à Delhaize constate une hausse de son chiffre d’affaires. Un indépendant comprend qu’une baisse des prix, renforcera sa position sur le marché.
Leur souci était avant tout celui de la marge. Globalement la marge sur les produits est constante, voire même en hausse. Il est vrai que pour quelques produits la marge a été temporairement négative, parce que nous suivions les prix d’un concurrent. Mais depuis nous travaillons activement, afin de redresser cette situation.
D’autre part par le passé certaines actions commerciales n’offraient pas suffisamment de transparence. Nous l’admettons et nous nous efforçons d’y remédier. Nous travaillons également en permanence à un renforcement de la communication et du dialogue avec nos franchisés. »
Question venant des indépendants : Comment Delhaize compense-t-il la dévaluation du stock de ses franchisés suite aux différentes baisses de prix?
M.E. : “J’espère que nos indépendants ne font pas de stocks. Il s’agit d’alimentation, donc la rotation est très rapide. De ce fait il n’y a donc pas de dévaluation. Ce serait grave s’ils avaient des stocks de produits frais. »
H.M. : “La rentabilité d’une entreprise – et c’est valable tant pour les indépendants que pour nos propres magasins – ne dépend pas uniquement des marges en pourcentage. C’est le bénéfice, donc la marge multipliée par le chiffre d’affaires. Si l’on considère la marge globalement, et elle est plus ou moins stable, alors que le chiffre d’affaires augmente de façon significative, cela signifie de ce fait que le bénéfice de l’indépendant augmente.
Je voudrais revenir un instant à cette marge globale. Tous les produits n’ont pas une marge élevée. Sur un certain nombre de marques nationales aucun distributeur en Belgique ne gagne quoi que ce soit. Oui, nous avons eu des produits où la marge était négative, mais depuis nous avons travaillé activement pour y remédier.
Il faut se rendre compte que nous vivons dans une situation de forte inflation des matières premières. Si en tant que distributeur, pour des raisons de timing du contrat, l’on doit conclure un contrat un mois plus tôt que son concurrent au moment où le prix des matières premières est plus élevé et qu’ à moment-là les prix de vente sur le marché sont bas, le risque de marge négative, dans une situation d’inflation, est plus grand. Pour les produits comme la gamme 365, où les matières premières jouent un rôle important dans le prix de revient, on est donc prisonnier de ce coût plus élevé et de la nécessité de proposer un prix très réduit. Aujourd’hui c’est une réalité à laquelle nous sommes plus souvent confrontés qu’avant. »
Spar connaît une forte croissance. Albert Heijn se lance dans le franchisage… Le marché des supermarchés indépendants semble en pleine expansion.
M.E. : “Effectivement les formules de franchisage et d’affiliation ont la cote et ce en partie grâce à l’exemple donné par Delhaize avec ses franchisés. Cette formule nous réussit bien.
Il est certain que Colruyt suit cette même tendance. Nous constatons que Spar est très dynamique, ainsi que Carrefour. On peut également affirmer que, maintenant que la distribution intégrée ne peut ouvrir le dimanche et que les consommateurs de plus en plus font leurs courses le dimanche, il est donc normal que cette tendance se développe. La proximité et l’ouverture le dimanche sont deux facteurs très en vogue pour l’instant et constituent un véritable boost pour le marché des franchisés. »
Mais qui en fera les frais ?
H.M. : “Il ne faut pas oublier que le segment des franchisés est aussi le segment où le marché connaît la plus forte hausse, du fait qu’il est plus facile d’ouvrir des magasins indépendants, entre autres grâce à l’ouverture le dimanche, … etc.
Non seulement les indépendants se regroupent de plus en plus sous une enseigne, mais l’inverse est vrai aussi. Les nouvelles surfaces de vente – pas seulement pour Delhaize – sont occupées par des magasins indépendants. Les nouveaux magasins sont souvent des magasins d’indépendants. La tarte entière devient donc plus grande dans ce segment. C’est précisément parce qu’une grande partie de la croissance du retail alimentaire est due aux indépendants, que cette croissance ne se fait pas au détriment de quelqu’un. »
Pensez-vous qu’Albert Heijn pourrait chiper des franchisés chez Delhaize ?
M.E. : “Ils essayeront, mais je pense qu’un affilié réfléchira à deux fois avant de quitter la formule à succès de Delhaize pour s’aventurer avec Albert Heijn. Tout le monde est libre évidemment, mais les indépendants – pour qui j’ai d’ailleurs beaucoup de respect – travaillent avec leur propre capital et ne se lanceront pas inconsidérément dans l’aventure. Je suppose qu’ils ne prendront pas des décisions trop risquées.
Nous avons établi un très bon dialogue avec nos franchisés. Nous les aidons par exemple dans leur gestion en leur proposant tous les outils de gestion que nous avons développés pour nos propres supermarchés. »H.M. : “La meilleure défense face à la concurrence (face à de nouveaux concurrents, mais également face aux concurrents existants sur le marché) est d’avoir des franchisés qui financièrement se portent bien avec une croissance saine et d’avoir une bonne collaboration. »
Y a-t-il encore place pour un quatrième grand acteur sur le marché ?
M.E. : “Ce ne sera pas facile. Cela peut paraître un peu prétentieux de dire que nous n’allons pas lui faciliter les choses, mais nous sommes en bonne voie et nous continuons dans cette dynamique.
Je pense que le paysage du retail en Belgique est un paysage sophistiqué avec des clients exigeants au niveau de la qualité et de l’offre. D’autre part c’est un marché hyperconcurrentiel. Un nouveau-venu devra s’adapter à ce marché commercial très dynamique, mais aussi très agréable. »
Chez Delhaize, le nombre de références par m² est quasi unique. Ne craignez-vous pas de créer l’embarras du choix pour le client ?
M.E. : “Lorsque nous avons proposé le plan Excel, nous avons tempéré certains excès. Entre autres pour les huiles d’olives (où nous avions jusqu’à 20 références) , nous avons éliminé quelques références. Toutefois nous n’avons pas ramené le nombre à deux ou trois. Le client belge veut avoir le choix et certainement chez Delhaize, réputé pour son assortiment.
Ce qui nous caractérise c’est que notre assortiment correspond au comportement d’achat des clients dans tel magasin dans tel environnement. Nous tentons d’adapter le plus possible notre gamme à la situation du marché local. »
Vous parlez de ‘tel environnement’. Y a-t-il tant de différences au niveau de l’assortiment?
M.E. :”Oui, certainement. Les produits sont différents dans le nord et dans le sud du pays. L’assortiment des régions rurales diffère de celui des régions urbaines. Il y a vraiment des différences. Les données de la carte de fidélité du client permettent de bien cerner le profil du client. Nous adaptons notre assortiment d’après le profil de nos clients’.
H.M. : “La formule que nous utilisons pour la sélection des produits – et c’est valable aussi pour la proportion entre les marques A, les marques B et les marques propres – est une formule de méritocratie. Chaque produit, quelque soit la marque, doit mériter sa place dans le rayon. Le produit doit mériter sa place à deux niveaux : la rentabilité d’une part et l’importance pour le client d’autre part. D’une part nous nous posons la question de ce que nous rapporte le produit et d’autre part de la loyauté du client. Si nous constatons qu’un produit n’est pas un produit top, mais que nos bons clients estiment que c’est un produit important, il mérite sa place dans le rayon. Les trois paramètres sont la rotation, le rôle et la rentabilité. Qu’il s’agisse d’une marque A, d’une marque B ou d’une marque propre, importe peu. »
Question plus personnelle : Monsieur Eeckhout, c’est difficile à croire, mais vous avez 61 ans. Vous arrive-t-il de penser à votre départ ?
M.E. : “Tout a une fin, c’est vrai. Je ferai mes adieux avant mes 65 ans.Tout ceci est le résultat d’un travail d’équipe. La force de Delhaize réside dans la compétence de ses employés à tous les niveaux. En magasin nous pouvons compter sur un personnel très motivé. La culture Delhaize est très forte. Je peux dire que chacun des 17.000 membres du personnel est concerné ,à 100%, par les intérêts de l’entreprise et du client. C’est ce qui fait la force de Delhaize. Je travaille chez Delhaize depuis 30 ans, durant lesquels j’ai essayé de maintenir cette culture et de la transformer avec respect et ce avec le soutien de toute mon équipe management.
Au niveau de la succession je peux dire que nous mettons tout en œuvre pour renforcer le management. En soi c’est une suite logique de notre ambitieux plan Excel, que nous avons démarré il y a 4 ans. On ne peut pas transformer une entreprise comme Delhaize sans une équipe compétente à la barre. Je crois très fort au travail d’équipe et à la délégation. Lorsqu’on permet aux gens qui vous entourent de se développer, il n’est pas difficile de passer le flambeau. »
Quelles sont les questions que vous vous posez, monsieur Eeckhout ?
M.E. : “En tant qu’entreprise il faut continuellement se remettre en question. Créer une culture où l’on peut se remettre en question et effectuer des changements rapidement, ce n’est pas facile. Je me demande comment font nos concurrents. Comment font-ils face à ce besoin constant de changement ? Je me pose souvent la question.
Comment par exemple Colruyt se réinvente-t-il? Sainsbury et Tesco sont des exemples d’entreprises qui se sont réorientées avec brio. Je crois que c’est là que réside la force du retail. On dit toujours qu’AH s’est brillamment réinventé il y a quelques années. Eh bien, j’ai étudié ce modèle avec attention. J’ai des contacts très étroits avec AH depuis 30 ans. Je ne vous cacherai pas que nous nous sommes fortement inspirés de leur modèle.
Mais nous voulons garder notre spécificité : le client belge est différent du client hollandais. Selon moi, il devra encore couler beaucoup d’eau sous les ponts de l’Escaut avant qu’AH ne comprenne cela. C’est du moins ce que je pense. »
En parlant d’innovation : Comment se porte Red Market?
M.E. : « Il s’agit comme nous l’avons toujours dit d’un projet-pilote. Actuellement nous continuons à tester cette formule. Quant à l’avenir de ce concept, rien n’a encore été décidé. »
Que pensez-vous du changement ?
M.E. : “J’ai une attitude très positive face au changement. Je suis très dynamique à ce niveau-là. L’une de mes devises est la suivante : tout changement doit se faire rapidement. Il ne faut planifier des changements sur 20 ans.
Le consommateur lui aussi change très vite. Lorsqu’on considère le temps que l’on consacre encore aujourd’hui à cuisiner : dans les années ’50 on passait 2 heures par jour à cuisiner, aujourd’hui en moyenne 8 minutes. Combien de familles mangent encore tous ensemble à table ? C’est ce qui rend notre métier passionnant, nous sommes étroitement concernés par la sociologie humaine. Cette sociologie évolue très rapidement. Pensez par exemple aux nouvelles tendances bio, éco, repas préparés, … etc. Il faut suivre cette évolution, la comprendre et y répondre de façon appropriée.
Toutefois ce n’est pas facile. Parfois l’on pense que le marché s’oriente dans telle direction, alors que le consommateur prend la direction opposée. C’est pourquoi nous devons avoir une organisation très flexible, capable de se réorienter si nécessaire. C’est le côté le plus passionnant de la distribution, selon moi.
D’ailleurs nous engageons beaucoup de jeunes. Autrefois la distribution avait une image ennuyeuse. Les jeunes constatent que la distribution est un secteur qui évolue très vite et qui utilise des méthodes de management top of mind. »
H.M. : “Ce qui a été longtemps sous-estimé et ce que comprennent aujourd’hui les jeunes, c’est la force innovante du secteur. Innovation au niveau du produit, du marketing et de la démarche commerciale, de la logistique, l’IT … Le retail est un fer de lance à tous les niveaux.
D’autre part Delhaize encourage fortement le développement multidisciplinaire de son personnel. »