Les fabricants de produits alimentaires sont des sociétés criminelles, les militants syndicaux sont des poules mouillées, les organisations de consommateurs ne savent pas compter et la réduflation est une bénédiction pour la société : Filet Pur fait des ravages.
Avertissement
Des piquets de grève ? Des graffitis agressifs sur les façades ? Ou, au moins, une huée de désapprobation ? Eh bien non : des dragées, voilà ce que les syndicats présentent aux nouveaux exploitants indépendants de ces supermarchés Delhaize lorsqu’ils rouvrent officiellement leur nouvelle acquisition, encore loin d’être rentabilisée. Et une main tendue, aussi. Seraient-ils devenus des poules mouillées ?
Maintenant qu’ils ont enfin compris qu’il était impossible d’arrêter ce plan d’avenir, ils changent de tactique. En fin de compte, bon nombre de ces magasins emploient plus de 50 personnes et les syndicats continueront d’y jouer leur rôle, avec certes un peu moins de délégués permanents. Ces dragées servent surtout à mettre en garde les exploitants : pas touche aux conditions de travail et n’essayez pas de faire travailler ne serait-ce qu’une personne le dimanche contre son gré. C’est clair.
Sous contrôle
Mais à part ça : aucune fausse note. Ambiance détendue à Denderleeuw, sérénité à Izegem et, à Bouffioulx, pourtant près de la zone rouge de Charleroi, les syndicats n’ont même pas fait acte de présence. Et Nivelles ? Pas de nouvelles, bonnes nouvelles.
Dans leurs premiers commentaires, les exploitants n’ont pas mouillé le maillot ; il semble qu’ils aient reçu une formation aux médias. Ils saluent l’atmosphère chaleureuse qui règne au sein du personnel de « leur » magasin, ils examineront étape par étape les changements nécessaires (un produit local par-ci, un élargissement de la gamme de produits frais-là) et ils attendront jusqu’en décembre pour ouvrir les magasins le dimanche, du moins s’ils trouvent suffisamment de volontaires.
Au grand dam des amateurs de sensations fortes parmi nous. Ces transferts sans vagues ne produisent pas de pièges à clics. Peut-être que les réouvertures à Bruxelles mettront bientôt le feu au poudre… Mais je ne compterais pas trop là-dessus. Les Lions semblent avoir la situation bien en main. « Enfin ! », pourrait-on dire. Il était temps.
Avis non sollicité
Mais quand ce ne sont pas les syndicats qui vous mettent des bâtons dans les roues, c’est Testachats : « N’achetez pas de légumes chez Delhaize », a communiqué noir sur blanc l’organisation de consommateurs. Un avis non sollicité basé sur une nouvelle comparaison de prix, qu’elle a toutefois effectuée sans utiliser la carte de fidélité, passant ainsi à côté de nombreuses réductions, offres et promotions. C’est malin. D’autres conseils étranges ont suivi : acheter des produits blancs, par exemple. Peu appétissants, mais plus de deux fois moins chers. Mais ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’ils nous rendent malades.
Et pourtant… Parce qu’il est temps de parler un peu de vous. Oui, vous. En effet, la grande majorité des lecteurs de cette rubrique sont des trafiquants sans scrupules qui empoisonnent la population avec des drogues addictives et nocives. Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais le médecin britannique Chris van Tulleken dans son best-seller « Ultra-Processed People », à lire absolument ! (La traduction en français n’est pas encore disponible.) L’industrie alimentaire nous vend des cochonneries ultra-transformées dangereusement délicieuses qui ne sont même pas des aliments, mais dont nous ne pouvons pas nous passer. Les additifs, les émulsifiants et les amidons modifiés font des ravages dans notre métabolisme, si bien que nous continuons à manger, grossir et souffrir de maladies. Encore une vérité qui dérange.
Cadeau
Comme si ces pauvres multinationales n’avaient pas assez de soucis comme ça. En effet, cette nouvelle incrimination vient s’ajouter aux accusations d’inflation mensongère, et les fabricants de produits de marque en ont également plus qu’assez. Certes, les prix ont augmenté, mais pas suffisamment pour compenser l’envolée des coûts, sans compter les détaillants astucieux qui empochent la marge supplémentaire. Les fabricants de marques sont des bienfaiteurs, estime l’association européenne des marques AIM. En effet, les fabricants ne fixent pas les prix de vente, mais ils soutiennent les consommateurs sous pression en leur proposant des promotions irrésistibles afin qu’ils puissent continuer à acheter leurs marques préférées. Noble intention, n’est-ce pas ?
Dommage que ces promotions manquent royalement leur cible. Du moins à en croire l’analyse de GfK. Les réductions sont un cadeau fait à ceux qui n’en ont pas besoin : les consommateurs à hauts revenus. Car ce sont désormais les seuls qui achètent des marques. Les plus démunis doivent se contenter de Simpl, 365 et Everyday Selection. Un arsenal mortel déjà presque gratuit qui n’est donc jamais en promotion : ce serait tout simplement illégal.
Cocaïne
PepsiCo n’a pas trop de raisons de se plaindre : malgré une augmentation des prix de 16 %, la plupart des consommateurs restent fidèles à leurs marques ultra-transformées préférées. Ils ne peuvent pas faire autrement : les chips sont aussi addictives que la cocaïne, mais un peu moins chères, même s’il y a désormais facilement 25 grammes de moins par paquet. Ah, et il ne s’agit donc pas de réduflation ? Non : il s’agit simplement d’un élément intelligent du nouveau plan de Fevia et Comeos pour nous inciter à manger plus sainement, ou du moins un peu moins mal.
Le plan précédent n’a entraîné qu’une réduction de 2 % des calories achetées : rien qu’un coup d’épée dans l’eau vitaminée, en somme. Reste à voir si ce nouveau plan apportera une amélioration notable. Mais si les marques continuent sur leur lancée et réduisent d’au moins 10 % leurs paquets de tentations sucrées et grasses sans en réduire le prix, ne rendront-elles pas un grand service à la société, finalement ? En tout cas, c’est moi qui cuisine ce soir. En espérant que ça ne déborde pas. À la semaine prochaine !