Grâce à Jef, nous savons désormais qui sont les plus grands paresseux du food-retail belge. Et à Kobbegem, on sabre le champagne à tout-va. Filet Pur annonce également le grand vainqueur du championnat de Belgique des jeux de mots moisis.
Entrepreneurs dépités
On se moque parfois de notre gouvernement Vivaldi – ou on le bombarde d’injure, aussi – mais on prend peut-être un peu trop à la légère l’extraordinaire polyvalence dont font preuve ces ministres jour après jour. Cela mérite tout notre respect, non ? Prenons l’exemple de David Clarinval qui, sous sa casquette d’expert autoproclamé du franchisage, va personnellement éplucher tous les contrats Delhaize pour juger en dernier ressort s’ils sont suffisamment équilibrés. On a hâte de voir.
Ce, à la demande pressante des organisations d’indépendants, qui affirment représenter entre-temps 124 entrepreneurs mécontents : des affiliés qui râlent parce qu’ils devront désormais suivre l’assortiment Delhaize dans leurs magasins. Sans compter que leurs collègues repartiront avec les meilleurs morceaux du futur parc de magasins franchisés.
Hamburger purée
J’ai peut-être manqué quelque chose, mais je n’ai jamais entendu les franchisés McDonald’s protester parce que leur contrat ne leur permettait pas de servir de la purée de carottes avec le Big Mac. Ce serait pourtant bien plus sain que les frites en carton. Mais c’est un niet catégorique. Non négociable. Ceux qui veulent faire ce qu’ils veulent n’ont qu’à ouvrir une friterie. Un business tout aussi lucratif. Soyons réalistes : les contrats de franchise ne sont jamais vraiment équilibrés. Ils servent en premier lieu les actionnaires du propriétaire de la marque. Évidemment : sinon, tout ce système n’aurait aucune raison d’être, pas vrai ?
Mais les repreneurs de ces – désormais – 51 magasins sur 128 ne s’en émeuvent pas : ils comptent sur le fait qu’il y aura suffisamment de miettes et autres restes qui tomberont de la table pour en faire un bon dîner. Et effectivement : quiconque a déjà analysé les bilans de ces affiliés sait qu’il est possible de devenir étonnamment riche en exploitant quelques supermarchés. Au point d’avoir encore suffisamment de temps pour présenter des émissions de radio et jouer dans des séries, par exemple. Par conséquent…
Serrer les dents
En passant au crible cette liste de 19 noms supplémentaires – un exercice toujours intéressant –, j’ai pu constater que même le supermarché où il m’arrive de faire mes courses avait trouvé un couple de repreneurs. Je les connais et je suis assez confiant : tout ira bien. On ne peut que constater que les Lions accélèrent et que les syndicats font grise mine. Pour couronner le tout, Delhaize a remporté hier un troisième Golden Effie Award consécutif, cette fois pour sa campagne P’tits Lions. Combien de bouteilles de Vranken ont-ils bien pu s’enfiler la semaine passée à Kobbegem ?
Jef Colruyt, quant à lui, regarde tout cela en serrant les dents. Pour lui, abuser de la commission paritaire la moins chère du food-retail revient à fausser la concurrence. En conséquence, il estime normal qu’on améliore les conditions salariales dans les magasins franchisés. Question de revoir un peu les marges. Mais ailleurs, les coûts de main-d’œuvre devront baisser, prévient-il à l’attention des syndicats. Son bon ami Pierre-Yves lui a promis une proposition. Nous voilà rassurés.
Bande de paresseux
Jef n’a pas encore voulu dire combien de Match et de Smatch il compte franchiser. Mais s’ils savent lire les lignes, ses nouveaux collègues peuvent se préparer à un petit coup au derrière. Telle qu’il a livrée le week-end dernier dans De Standaard, la description subtile de la culture d’entreprise qui règne dans sa nouvelle acquisition est en tout cas éloquente : « Le rythme de travail est différent, si je puis m’exprimer ainsi ». Un vrai diplomate, ce Jef. Mais il n’est pas stupide non plus : sans ces précautions oratoires, l’interview aurait été publié sous le titre « Bande de paresseux ». Là, c’est juste Nikske Soft, « Rien de soft ». Le président déteste l’appellation « soft-discounter ». Comme à peu près tout le monde à Halle, en fait. Ne l’oubliez pas lorsque vous devrez à nouveau négocier quelque chose.
La semaine n’a d’ailleurs pas été mauvaise pour le leader du marché, avec notamment l’ouverture un nouvel Okay Direct 100% automatique – quelqu’un vient-il d’évoquer les charges salariales ? La démission de l’éminent Dirk Van den Berghe en tant qu’administrateur du Colruyt Group sera interprétée comme une bonne ou une mauvaise nouvelle selon le point de vue. De toute façon, à quoi sert une pointure si on ne l’écoute quand même pas ? Ce bon Dirk est pourtant encore parvenu à nous surprendre : un appât à clics, ce monsieur. Nous ne nous attendions pas à ce qu’il soit aussi populaire. Quoi qu’il en soit, il échange les meilleurs prix dans l’alimentation contre les meilleurs prix dans la mode chez Takko.
Scandaleux
On n’est pas non plus paresseux chez Aldi : une petite tornade déferle sur l’organisation. Après avoir créé un holding pour ses activités à l’étranger il y a quelques semaines, c’est cette semaine le dernier membre de la famille fondatrice qui a quitté la direction. Peut-être ne pouvait-il plus suivre le rythme effréné de Torsten Hufnagel ? Lequel veut ouvrir rapidement 700 magasins supplémentaires, histoire d’attendre le joli chiffre rond de 6 000 supermarchés en Europe à l’horizon 2026. Chez nous, Aldi a été élu hier soir « Fairtraide Frontrunner » (tout comme les rivaux Lidl, d’ailleurs) et a ouvert un magasin urbain ultra-compact. Le rythme de travail y est en effet différent.
Rythme toujours : on continue à faire la fête chez Carrefour. Car on en est fermement convaincu à Zaventem : résultats dans le rouge ou pas, le retail sera joyeux ou ne sera pas. Quiconque entre par hasard dans l’un de ces quelque 780 magasins ces jours-ci sera accueilli par des collaborateurs surexcités qui, dans leur T-shirt bleu vif, passent leur journée à prendre des selfies devant les dernières promotions chocs qu’ils viennent de mettre en rayon. C’est la scanmania… On ne sait pas encore si la première vraie grande action commerciale depuis 2013 remettra d’aplomb les hypermarchés, mais cette campagne leur vaut au moins de remporter haut la main le championnat de Belgique des jeux de mots moisis. Scandaleux, en effet. À la semaine prochaine !