Attention : le Péril Jaune devient vraiment dangereux ! Pendant ce temps, on s’accroche à Halle et on donne l’alerte antiterroriste à Kobbegem. Et un nouveau scénario à la Makro est-il en train de se mettre en place à Fleurus ? Filet Pur vous dit tout !
Feu d’artifice
Quand on n’est pas grand, il faut être nombreux. Chez Jumbo, on s’est enfin rendu compte que ces dialogues à la bonne franquette avec les fournisseurs n’étaient qu’une coûteuse perte de temps. Ils vont donc changer leur fusil d’épaule. Plus encore, ils vont s’engager avec le négociateur le plus redouté de l’hémisphère occidental : Gianluigi Ferrari, Robin des Bois autoproclamé du foodretail, qui, à la demande d’Edeka, combine deux alliances de retailers pour prendre en tenaille les grandes méchantes multinationales.
L’homme se contente plus d’un rôle de portier qui exige quelques conditions « en plus » aux grandes marques en guise de droit d’entrée. Non, il s’est fixé l’objectif ambitieux de mettre fin une fois pour toutes aux fameuses restrictions territoriales de l’offre, ce mécanisme pervers utilisé par les marques pour pratiquer arbitrairement des prix exorbitants dans chaque État membre du soi-disant marché unique européen afin d’optimiser encore leurs bénéfices déjà excessifs. Attendez-vous à un feu d’artifice.
Fête
Jumbo compte sur lui pour augmenter significativement ses marges, car il est hors de question de reproduire le maigre pour cent de l’année dernière. Des prix plus bas figurent également en tête de la liste des souhaits de Ton van Veen, qui doit lutter contre des concurrents plusieurs fois plus grands. Cela semble surtout être une mauvaise nouvelle pour Colruyt, qui espère enfin gagner de l’argent cette année : les bénéfices devraient doubler. Bon, deux fois rien, c’est toujours pas grand-chose, mais c’est quand même mieux que rien du tout, dira-t-on. La part de marché atteint de plus des niveaux sans précédent. La célébration des 50 ans des meilleurs prix donnera lieu à une grande fête cet automne.
Mais après ? Comparé à Epic et Everest, Agecore, le club d’achat de Colruyt Group, fait toujours office de petit Poucet parmi les alliances européennes de retailers. Sans parler du trio que prépare Ahold Delhaize avec Rewe et E.Leclerc. Ce n’est pas de la petite bière. S’ils veulent vraiment garantir les meilleurs prix pour les cinquante prochaines années, ils devront trouver mieux. Heureusement, la nouvelle direction en place Halle semble avoir envie d’en découdre : une guerre des promotions s’annonce. Carrefour a tiré une première salve avec son 2+3 cette semaine, Colruyt a promis d’y « répondre de manière appropriée ». D’accord.
Bon vent
À la Chaussée d’Enghien, on continue également à fulminer contre le plan de franchisage de Delhaize, accusé de fausser la concurrence : à terme, les charges salariales seront jusqu’à 30 % plus basses dans ces magasins indépendants – comme chez Jumbo et Albert Heijn, d’ailleurs. Mais bon, les discussions sur la révision des commissions paritaires dans le retail n’avancent pas d’un pouce. Les intérêts divergent comme jamais, et Colruyt, seul grand food-retailer belge restant, risque de se retrouver complètement isolé. Voilà. Stefan Goethaert demande à présent au gouvernement d’y remédier. Inutile de demander deux fois à Pierre-Yves Dermagne : il est déjà en route !
Mais les élections approchent et on ne remédiera à rien dans ce pays au cours des neuf prochains mois. Surtout pas un conflit social qui traîne en longueur… À Kobbegem, on commence à en avoir assez des syndicats : cette dernière offre est vraiment la dernière, le grand dialogue de sourds va s’arrêter après sept mois. Si ce modèle de concertation ne donne lieu à aucune concertation, autant le mettre à la poubelle. Bon vent. Dans une semaine et demie, le premier entrepreneur rouvrira fièrement son Delhaize de Denderleeuw. Fête !
Wallons militants
Que la commune s’équipe d’une brigade antiterroriste en nombre suffisant. Le magasin de Denderleeuw a déjà été la triste victime d’actes de vandalisme, comme le Delhaize Flagey d’Ixelles, une fois de plus cette semaine. Et à Anvers, où une grenade de plus ou de moins n’effraie plus personne depuis longtemps, des caddies ont été incendié. Comme l’a écrit le grand Isaac Asimov, « la violence est le dernier refuge de l’incompétence » – et pour une fois, ce n’était pas de la science-fiction. Chez Intermarché et Mestdagh, l’opération de franchisage se déroule presque tranquillement : hop, trois de plus. 35 down, 16 to go. Aucun militant wallon n’y a été repéré.
Ils étaient probablement trop occupés à lire notre inquiétante analyse de la chaîne d’hypermarchés Cora, qui ne tient plus qu’à un fil et se trouve confrontée à la tâche quasi impossible de trouver un repreneur avant que tout ne s’effondre définitivement. Et de préférence pas un spécialiste des soins palliatifs pour entreprises ou un expert en restructuration. Les similitudes avec le cas Makro sont frappantes, ce qui n’a pas échappé à l’inévitable syndicaliste Myriam Delmée. La direction veut juste maintenir à flot un navire en perdition et demande en échange aux salariés de renoncer à leurs pauses et à leurs primes – ou simplement de s’en aller, c’est également possible. Selon les syndicats, il s’agit que d’une manœuvre destinée à assainir un peu le bilan avant une vente. Qui vivra verra.
Légèrement embrumé
Enfin, encore ceci. Deux initiatives remarquées cette semaine illustrent à nouveau à quel point même d’éminents retailers ont perdu tout contact avec le grand public. On dirait des politiciens. Tout d’abord, la décision d’Aldi de retirer le sympathique pirate de ses paquets de chips. Pour continuer à garantir des prix bas, c’est désormais le logo Sun Snacks, d’une fadeur désespérante, qui ornera l’emballage. L’agitation sur les réseaux sociaux a brièvement rappelé la révolte Cara, mais à Erpe-Mere, on n’envisage pas de revenir sur la décision.
Et à Halle, on estime qu’il n’est plus approprié d’offrir aux clients du vin gratuit pendant qu’ils font leurs courses. « L’époque a changé », se justifient-ils. La généreuse bouteille ouverte à l’entrée disparaît à jamais. Une dégustation ne peut désormais se faire que « sous surveillance ». Cela risque de leur coûter des ventes, parce qu’un client à l’esprit légèrement embrumé est moins critique au moment d’acheter. Heureusement, ils continuent à tirer de nombreuses bières de fermentation haute sans poser de questions au Carrefour le samedi matin. Je sais où j’irai désormais faire mes courses. Pas vous ? À la semaine prochaine !