Les consommateurs sont en difficulté en raison de l’inflation élevée et adaptent leurs habitudes d’achat. Si les fabricants de marques ne baissent pas leurs prix, ils risquent de perdre encore plus de clients au profit des marques privées, déclare Geoffroy Gersdorff, PDG de Carrefour Belgique.
Croissance pour les marques de distributeur
Lors de la foire d’automne de Carrefour Belgique, mercredi et jeudi derniers, il est apparu clairement que l’entreprise se concentre plus que jamais sur les baisses de prix de ses marques privées. A l’approche des fêtes de fin d’année, le distributeur alimentaire a développé une gamme modifiée, avec des portions un peu plus petites et des recettes moins chères à des prix acceptables. La fête du vin, qui commence maintenant, s’ouvre sur de fortes promotions 1+1 et d’importantes réductions de prix. Les promotions sur le pouvoir d’achat se poursuivent.
Une stratégie nécessaire, alors que les budgets familiaux sont sous pression et que les chiffres de Nielsen indiquent une baisse de volume de 5,4 % pour les produits de grande consommation. « En deux ans, les denrées alimentaires sont devenues 20 % plus chères. Par conséquent, davantage de clients doivent faire des choix », observe M. Gersdorff. « Nous le constatons dans le succès de nos marques Carrefour et Simpl : elles progressent plus fortement en volume et en chiffre d’affaires que les marques nationales. Les marques de distributeur ne sont plus des ‘me too’. Dans le domaine des produits végétaliens, par exemple, notre croissance est de 30 %, celle des marques de 15 % seulement. »
Que veulent les clients ?
Le fait que les prix des marques nationales n’aient toujours pas baissé, malgré la chute des prix des produits de base, est un problème majeur, selon le dirigeant. « Pour que les volumes augmentent à nouveau, les prix doivent baisser. C’est ce que montre l’impact de nos actions en faveur du pouvoir d’achat : lorsque nous baissons les prix, les ventes augmentent immédiatement. C’est pourquoi nous organisons actuellement une promotion avec des fruits et légumes à moins d’un euro. C’est important, car les clients ont de plus en plus de mal à composer un repas sain en raison du prix élevé des légumes. »
La croissance des marques de distributeurs représente un risque à long terme pour les marques nationales, prévient M. Gersdorff. « Les clients changent, ils trouvent nos marques privées attrayantes. Mais nous ne voulons pas d’une gamme ne comportant que nos marques de distributeur et des produits de marque en promotion, comme le font les hard discounters. Nous sommes le principal partenaire des fournisseurs de grandes marques en Belgique ; nous avons le plus grand assortiment, le plus grand nombre de promotions, de présentations théâtrales… Nous voulons continuer à les promouvoir. Dans tous les cas, c’est le client qui fait le choix. Si leurs produits sont jugés trop chers ou si la valeur ajoutée est insuffisante par rapport à nos propres produits, les consommateurs se détourneront progressivement des produits de grandes marques. C’est un risque pour leur avenir ».
Certains fournisseurs le comprennent, d’autres non, explique le PDG. « Beaucoup de fabricants partent d’une vision purement économique, alors qu’il faudrait commencer par se demander ce que veut le client. Et voilà que j’entends dire que les prix vont encore augmenter. Les négociations seront cruciales, nous défendons le pouvoir d’achat de nos clients. Grâce à la coopération renforcée au sein du groupe Carrefour, nous avons heureusement plus de poids. »
Un cri d’alerte
Les récentes déclarations d’Alexandre Bompard, chef de Carrefour, sur la déconsommation et l’inflation de la démarque inconnue, avec des accusations concrètes à l’encontre des fabricants de produits de marque, ont suscité un certain émoi dans le secteur. M. Gersdorff est d’accord avec son patron : « Il a lancé un véritable cri d’alerte, ce qui était courageux. Nous vivons un point de bascule. Nous devons assumer notre rôle et faire des choix : quelles marques, quelles marques de distributeur et quelles promotions allons-nous proposer ? Le client choisira parmi nos propositions. Il faut comprendre ce que veulent les clients, c’est eux qui ont le dernier mot ».
En Belgique, nous sommes encore relativement bien lotis en termes de consommation. En France, c’est pire : les consommateurs y achètent non seulement moins de bio, moins de marques et plus de promos, mais ils achètent tout simplement moins. « C’est ce qu’il faut éviter. Le gouvernement français a pris des mesures anti-inflationnistes importantes, mais on ne peut pas comparer la situation de ce pays avec celle de la Belgique », explique M. Gersdorff. « En France, les négociations sont limitées à deux mois par an, après quoi les tarifs sont fixés. Ce n’est pas le cas chez nous : il y a des discussions commerciales toute l’année, ce qui est une bonne chose, car cela donne plus de flexibilité. De plus, la concurrence est rude ici, avec cinq acteurs qui représentent 85% du marché. C’est la meilleure garantie pour le client ».