Cher, le caddie ? Il pleut des promotions 1+1 – sur les magasins comme sur le choco – et le populisme déborde des rayons des supermarchés. Un Filet Pur particulièrement onctueux révèle la véritable cause des problèmes de D€alhaize. En toute exclusivité, bien sûr.
Expérimentation sociale
Ce week-end, Delhaize teste le nombre de personnes prêtes à renoncer à leurs principes en échange d’un pot de Nutella gratuit. Une expérimentation sociale intéressante qui produira sans aucun doute des données utiles. Ça commence bien, cette offensive d’automne. C’est comme dans le plan de franchisage : tout doit disparaître ! Un quart de ces 128 magasins ont déjà trouvé un repreneur. Ils ont le sens du timing, les lions : en annonçant l’information juste avant la concertation sociale de la dernière chance, ils envoient un signal clair. Et de toute façon, de quoi ces syndicats veulent-ils parler ? Et qu’est-ce que nos mandataires politiques viennent faire dans ces discussions ?
Xavier Piesvaux a-t-il également distribué des pots de choco lors de la réunion de jeudi soir ? Cela reste strictement confidentiel. Le clivage communautaire dans les réactions qui ont suivi est à nouveau frappant : prudemment positives du côté du syndicat libéral flamand, résolument négatives chez leurs collègues socialistes francophones. Les retrouvailles avec le CEO n’ont finalement pas été si heureuses pour Myriam Delmée. Le facilitateur Robert Tollet prévoit certes encore quelques réunions, mais il clair qu’on n’y négociera plus qu’à la marge.
Cadeau
Entre-temps, les causes des problèmes financiers de Delhaize deviennent de plus en plus évidentes. Spoiler : cela n’a rien à voir avec les syndicats récalcitrants. Non, le vrai problème est ailleurs : des directeurs de magasin surpayés. Et pas qu’un peu. Comment, sinon, expliquer qu’un directeur de magasin après l’autre puisse racheter un supermarché Delhaize après quelques années de service seulement ? J’aimerais bien qu’on me l’explique. Dans des circonstances normales, une telle opération devrait se chiffrer en millions, non ?
Mais les circonstances sont-elles normales ? La seule autre explication possible serait en effet que Delhaize distribue ses magasins presque gratuitement à qui en veut – exactement comme les pots de choco –, histoire de se débarrasser le plus rapidement possible de ces gouffres sans fond. D€alhaize, plutôt… Cadeau, même ! Maîtrisez votre budget, etc. Le fait que deux magasins aient été vendus aux mêmes repreneurs suggère même une promotion 1+1, pas vrai ? Les contrats de franchise un peu plus stricts sont ainsi beaucoup plus faciles à digérer.
Artillerie lourde
On sait que les relations ne sont pas au beau fixe entre Delhaize et Colruyt depuis l’annonce de ce plan de franchise considéré comme anticoncurrentiel à Halle. Est-ce la raison pour laquelle le data-analyst Daltix, dans laquelle Colruyt détient une participation majoritaire, s’est empressé de sortie l’artillerie lourde contre les Petits Lions ? Nous n’oserions pas l’insinuer. Mais c’est ce qu’ils ont fait, et pour la deuxième fois déjà : il y aurait autant de hausses que de baisses de prix chez less lions, selon de nouvelles données.
Un communiqué qui n’a évidemment ravi personne à Kobbegem. De toute façon, qu’est-ce que ces chiffres sont censés prouver ? Allons allons, quels sont les produits dont le prix ne fluctue pas de nos jours ? Qu’ils comparent l’inflation chez Delhaize avec celle de ses concurrents, rétorquent-ils avec assurance. Ça, ce serait de l’information. Nous attendons.
Laisser-faire
Les choses peuvent changer : après les avertissements malheureux la semaine dernière d’Alexandre Bompard, directeur de Carrefour, les actions d’Ahold Delhaize sont également en baisse. Les investisseurs n’ont plus confiance : le consommateur fait attention à la dépense. D’autant qu’ils ont placé toutes leurs économies dans ce fameux bon d’État. Ce qui est tout profit pour un troisième larron : soudain, Colruyt, le grand perdant de ces trois dernières années, est à nouveau à la mode. Un fameux comeback. Quand l’argent se fait rare, le discounter vient à la rescousse. Jef rit sous cape, dans son camping-car quelque part au soleil.
Mais les grandes marques peuvent dormir sur leurs deux oreilles pendant quelque mois encore : les prix peuvent continuer à augmenter. Le discours musclé de Pierre-Yves Dermagne n’était que pour la galerie. Comme toute personne intelligente, le ministre se concentre sur ses points forts. Dans son cas : le laisser-faire. Après tout, le leadership directif est tellement dépassé. Il ne fera donc ab-so-lu-ment rien pour lutter contre la hausse des prix des denrées alimentaires dans notre pays. Les profiteurs ne seront pas cloués au pilori et il n’y aura pas de gel des prix comme en France avant cent ans. Voilà. Le parti de la sieste en action.
Populiste
Laissant à Testachats le soin de passer sa rage contre la shrinkflation et la greedflation, l’Observatoire des prix a fait ce pour quoi il est payé : apaiser les esprits avec une petite enquête peu convaincante qui doit démontrer que la situation n’est pas pire chez nous que chez nos pays voisins. Ce qui ne prouve donc pas que ces multinationales rusées n’ont pas augmenté leurs marges : nous savons juste qu’elles l’ont fait partout à peu près dans la même mesure, si elles l’ont fait. C’est clair. Par ailleurs, les consommateurs wallons ont augmenté leurs achats en France de 80 %. Tiens donc, pourquoi se donnent-ils cette peine ?
Peut-être parce qu’au-delà du gouvernement, les foodretailers aussi n’ont pas peur d’y prendre des mesures audacieuses ? Voyez monsieur Bompard : il vient d’annoncer qu’il dénoncerait ouvertement les producteurs qui se livrent à la shrinkflation dans tous les magasins Carrefour de France, via un étiquetage qui ne laisse rien à désirer en termes de clarté : « Ce produit a vu son grammage baisser et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter ». C’est dit. Belle hypocrisie, s’écrient en chœur les producteurs. Mais le populisme n’est pas réservé aux politiciens, pas vrai ? À la semaine prochaine !