Les supermarchés nous empoisonnent, les fabricants de produits de marques sont des escrocs, les Néerlandais savent toujours mieux que les autres et un homme invisible revient sur le devant de la scène. Besoin de conseils régime ? Votre Filet Pur est gratuit.
Vent favorable
Certains ont de la chance. À peine rentré de vacances, Rudi Petit-Jean peut déjà réserver son prochain voyage pour le début du mois d’octobre. Car chez Sligro, les Néerlandais sont persuadés qu’ils savent tout mieux que les autres. Résultat : exit la direction belge. Concédons-le : à quoi sert un manager qui reste en contact avec le marché local si, de toute façon, vous ne l’écoutez jamais ? La réponse est dans la question.
On peut craindre d’autres victimes. Le siège anversois, installé au-dessus d’un magasin difficile d’accès et en mal de fréquentation sur l’Eilandje, est presque redondant. La Belgique n’est que la treizième province du grossiste néerlandais en food-service. D’ailleurs, cette restructuration qu’il ne faut pas qualifier de restructuration ne méritait même pas un communiqué de presse, à en croire la société cotée en Bourse. RetailDetail s’en est donc chargé : gratuitement, à l’œil, pour rien, grâce à un vent favorable. Ne nous remerciez pas !
Bisous
Est aussi de retour de vacances : l’Homme Invisible, également connu sous le nom de Xavier Piesvaux. Après une période de repos qui lui a sans doute fait beaucoup de bien, le CEO participera, pour la première fois depuis ce funeste 7 mars, au dialogue social entre Delhaize et les syndicats – sous l’œil bienveillant du « facilitateur » Robert Tollet et du ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne. Attendez : n’est-ce pas le ministre qui veut légaliser le cannabis ? Eh bien faisons circuler un bon gros joint histoire briser la glace, alors. Et tout devrait bien se passer…
Évidemment, Xavier Piesvaux ne se rend à cette réunion que parce que sa chère amie Myriam Delmée, du syndicat socialiste francophone, le lui a gentiment demandé. C’est bien connu : il est impossible de lui refuser quoi que ce soit. Et elle sera ravie de le revoir après tout ce temps. Le dirigeant peut s’attendre à quatre gros bisous bien sonores claqués sur les joues… Si tout va bien ! Conseil gratuit de Filet Pur : apporter une fleur n’est jamais une mauvaise idée, Xavier. Il a quelque chose à se faire pardonner, après tout.
Gras et sucré
Ce fameux plan de franchise n’est pas le seul problème de Delhaize, a-t-on appris cette semaine. Car que lisons-nous avec perplexité ? Même s’ils prétendent que la santé prime, les supermarchés font tout pour rendre la population malade et obèse. Oubliez le greenwashing, tout supermarché un peu à la page fait aujourd’hui du healthwashing. Si l’on en croit une nouvelle étude de Sciensano, on aurait besoin d’une loupe pour trouver des produits que l’on peut ingurgiter sans mettre sa vie ou son intégrité corporelle en danger dans les rayons des supermarchés. Et dans ce domaine, le champion du Nutri-Score ne semble pas faire mieux que les discounters purs et durs comme Aldi et Lidl. Ça fait mal.
Quiconque prend la peine de lire l’étude plus attentivement comprendra ce qui se passe. Si Colruyt obtient un meilleur score, c’est uniquement parce qu’on n’y propose pas de bonbons aux caisses. Tout simplement parce que ces dernières ne sont pas équipées d’emplacement où déposer ces cochonneries. Et chez les hard-discounters, les produits de marques sont plus rares, alors que ce sont les principaux coupables. Car, bien sûr, ce ne sont pas les détaillants, mais bien les fabricants qui nous tentent avec des friandises trop sucrées et trop grasses. Et il est doublement difficile d’y résister – non seulement pour les consommateurs, mais aussi pour les responsables des achats des supermarchés.
Tsunami
Car ces derniers ne peuvent tout simplement pas se passer des budgets de ces maudits fabricants de produits de marque aux marges outrancières. Alexandre Bompard, le directeur passionné de Carrefour, le sait parfaitement. Pourtant, il a jugé nécessaire de réprimander certains de ses plus gros fournisseurs devant les caméras de télévision. Il n’a d’ailleurs pas hésité à donner des noms : selon lui, Procter & Gamble, Henkel et Unilever se remplissent les poches sans scrupules. Voilà, c’est dit. Il a même été suivi par son ministre de l’Économie, qui a cité d’autres noms et bloqué cinq mille prix dans la foulée. Ça t’apprendra, Pierre-Yves !
Bompard aurait vraiment mieux fait de se taire. Car les investisseurs n’ont retenu que l’autre moitié de l’interview : quand le CEO affirme craindre un « tsunami de déconsommation ». Aujourd’hui, les consommateurs ne peuvent même pas se permettre d’acheter un bout de savon, a-t-il déclaré. Si ses prédictions se réalisent, non seulement ça va sentir mauvais dans les magasins, mais les ventes de Carrefour vont tout simplement s’effondrer. Et on sait ce qu’il en est : la Bourse a déjà anticipé en envoyant l’action Carrefour dans la fosse des Mariannes. Leçon d’économie de base : le cours de l’action reflète les bénéfices attendus par les investisseurs. Et ils ne sont pas optimistes.
Vraiment manger
Et puis ceci : la gratuité existe ! Les lecteurs les plus attentifs l’ont remarqué : ce Filet Pur n’était pas derrière le paywall, et ce sera également le cas des épisodes suivants. Cela n’a rien à voir avec la lutte contre l’inflation, mais s’inscrit dans un nouveau projet d’envergure que RetailDetail annoncera officiellement sous peu, mais au sujet duquel je ne dévoilerai rien pour l’instant.
Après tout, il faut que j’aille d’urgence au magasin pour augmenter mon budget avec un e-deal flash à cinq euros. Vous non, peut-être ? Et si vous hésitez devant le rayon des biscuits, j’aimerais vous rappeler la directive claire donnée par Michael Pollan dans un classique vieux de 15 ans, mais toujours recommandable : In Defence of Food : an Eater’s Manifesto (En défense de l’alimentation : le manifeste d’un mangeur). À savoir : Mangez. Mais pas trop. Et principalement du végétal. Voilà. Comme quoi il est parfois possible de faire simple.
Mais sachez qu’il visait de la vraie nourriture. Pas d’air chaud reconstitué à base de n’importe quoi réhydraté maintenu ensemble par des émulsifiants, stabilisants et gélifiants. Capisce ? De rien ! À la semaine prochaine !