Inflation ? Crise ? Comptes dans le rouge ? Rien du tout : le foodretail est une grande fête de baisses des prix, de réconciliations, d’ouvertures de magasins et d’innovations technologiques. Jetez déjà ce Filet Pur sur le barbecue !
Rave
Qui aurait pu imaginer que je participerais encore à une rave à mon âge ? Dans un contexte quasi-professionnel, en plus ? Une rave légale, évidemment. Pas à Brustem, mais à Boom, capitale mondiale du boom boom. Dans un Carrefour Express situé à quelques encablures du site de Tomorrowland, on a écarté les rayons pour faire place à une grande fête de m’as-tu-vu. Ils ouvriront bientôt un magasin au camping DreamVille, ceci explique cela. Entre-temps, un concours unique est promis aux clients. Avec ces billets tant convoités à gagner ? Nous n’avions pas le droit de le savoir, tout au plus cela est-il suggéré.
Bref, on peut dire ce que l’on veut, mais l’ambiance est au beau fixe chez Carrefour. On s’y fend la poire 24 heures sur 24, comme si les résultats allaient bientôt revenir dans le vert d’eux-mêmes. J’ai plutôt l’impression qu’ils dansent sur un volcan. Entre-temps, ils ont également réduit les prix de 110 produits. Cent-dix ! En revanche, ils n’ont pas dit combien de produits avaient augmenté. Au prix de négociations impitoyables avec les fournisseurs, se sont-ils vanté. Pour les glaces et les sauces cocktail, entre autres. Parce que le temps est aux barbecues. Je l’avais dit : c’est la fête !
Touristes
On aime aussi danser à Lierre, où un Jumbo flambant neuf a été construit sur les fondations de ce qui était jusqu’à récemment La Rocca (et avant ce fabuleux mégadancing, un café de grand-route à l’ancienne avec des sanseverias aux fenêtres, je connais la région). On peut dire ce que l’on veut, mais on ne peut pas reprocher aux Néerlandais de ne pas faire d’efforts pour séduire le consommateur flamand. Beau magasin, comptoirs élégants, prix compétitifs, personnel sympathique et enthousiaste : ils cochent toutes les cases.
Même si j’ai parfois l’impression que les rayons sont encore à la recherche d’un équilibre délicat entre l’offre « touristique » (ces produits hollandais farfelus, comme les cinq parfums de mayonnaise dans des tubes aux couleurs vives) et l’assortiment destiné au caddie hebdomadaire du Flamand moyen. Mais encore une fois, qui suis-je pour critiquer ? En tout cas pas le Category Manager. Qu’ils tirent leur plan.
Pas de Flexit
La flamandisation de la formule pourrait encore prendre un certain temps. Comme tout prend un peu plus de temps que prévu chez le Péril Jaune. Le compteur affiche 30 magasins, alors qu’ils en voulaient 50 ou plus depuis longtemps. Et le chiffre d’affaires ? Ben oui, pas facile d’attirer l’attention des consommateurs sur un marché flamand saturé sans recourir à des promotions monstres. Mais d’après ce que l’on sait, les premiers magasins arrivent au niveau attendu, trois bonnes années après leur ouverture. Le directeur Peter Isaac appelle à la patience, mais reste confiant.
Et son patron semble le soutenir dans cette démarche : le CEO Ton van Veen s’est même rendu en personne à Lierre pour admirer le magasin et rappeler à RetailDetail et tous ceux qui voulaient l’entendre qu’aucun Flexit n’était à l’ordre du jour. Même s’ils ne gagnent pas encore un centime ici et la situation est plutôt compliquée sur le marché intérieur, ils continuent à aller de l’avant. Les candidats franchisés feraient la file. Voyez-vous ça.
Oups !
Ah bon, là aussi ? Comme chez Delhaize ? Ce pays est en train de s’abandonner à des demeurés convaincus qu’ils vont devenir riches en investissant leur épargne durement gagnée et leur temps précieux dans un magasin d’alimentation physique à l’ancienne, un concept commercial pour le moins dépassé sur un marché hyperconcurrentiel. Ils ne préfèrent pas l’IA ou les biotechs ? Même un compte d’épargne rapporte plus qu’un supermarché de nos jours.
Pire encore : l’entêtement de Jumbo est évidemment aussi une mauvaise nouvelle pour l’ego de notre Grand Timonier, qui avait déjà annoncé avec toute l’assurance qu’on lui connaît la fin imminente de l’entreprise de famille à Veghel. Jusqu’à nouvel ordre, le Captain of Retail a tort. Et ce n’est pas dans ses habitudes. Oups. Mais on peut dire ce qu’on veut, il ne se laisse pas impressionner : « Les jeux ne sont pas faits », m’a-t-il déclaré depuis une plage près de Valence. Qui vivra verra. En tout cas, c’est noté, chef.
Piste de danse
Pas sûr que les responsables des achats chez Colruyt et les Key Account Managers de Mondelez se soient livrés à une petite danse de la joie après avoir enfin trouvé un accord sur les prix. Il n’y a généralement pas de gagnant dans ce genre de conflit, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les personnes impliquées préfèrent nous épargner les détails. Mais après cette Grande Réconciliation, on pourra enfin recommencer à s’empiffrer de bonbons. Reste à voir les prix…
Pour compenser le manque à gagner et les marges de plus en plus réduites, Jef a redoublé d’efforts dans la technologie. Désormais, ce sont des algorithmes qui détermineront le nombre de réassortisseurs et de collaborateurs aux caisses. Ou les endroits où les rayons doivent être réalimentés. Enfin, le nettoyage sera confié à des robots : eux ne se plaignent pas, ne font pas grève, ne demandent pas d’augmentation, n’exigent pas de primes de nuit et ne tombent pas malades – tout au plus la batterie tombe-t-elle à plat de temps à autre. Et l’astiquage n’a jamais été le passe-temps favori des employés de magasin. On n’y a rien à gagner, car ce sol en asphalte aura exactement le même aspect après le nettoyage qu’avant – il ne brillera jamais. Ce n’est pas une piste de danse.
Main dans la main
Dirk Van de Put, directeur de Mondelez, n’était pas là pour signer l’accord avec le discounter : il se trouvait en effet à Kyoto. Avec son compagnon Frans Muller, qui pèse près de neuf fois le chiffre d’affaires de Colruyt. Ça se respecte. Main dans la main, les deux patrons tireront l’ensemble de l’industrie des produits de grande consommation vers la neutralité climatique au cours des deux prochaines années. Car c’est en travaillant ensemble qu’ils y parviendront, pas en se faisant la guerre. Voilà. Des héros.
Quoique. Pas pour tout le monde. Oui, cela fait un certain temps que Ahold Delhaize est exemplaire en achetant par exemple des fèves de cacao chez Tony’s Open Chain, l’initiative d’approvisionnement 100 % traçable de Tony’s Chocolonely qui lutte contre le travail esclave. Mais on ne peut pas en dire autant de Mondelez, qui parvient à imposer des hausses de prix de 20 % et plus, mais refuse obstinément de verser un salaire décent aux producteurs de cacao. Ces beaux programmes de développement durable ne sont finalement que des prétextes pour éviter de s’attaquer aux vrais problèmes. Ce n’est pas moi qui le dit, mais Douglas Lamont, CEO de cette marque de chocolat complètement folle, qui, dans une interview avec RetailDetail, n’a pas eu peur de faire des déclarations fracassantes dont il n’a pas retiré une virgule par la suite. Voilà un travail gratifiant, même si ce chocolat est en train de fondre.
Bon. La bière est fraîche, le barbecue est allumé ? Ce week-end tropical peut officiellement commencer. À la semaine prochaine !