Corrigées de l’inflation, les ventes au détail de produits alimentaires en Europe ont chuté de 7,1 % l’année dernière, les consommateurs étant plus attentifs aux prix. La pression sur les marges se poursuit. Les détaillants se réfugient dans la coopération et la poursuite de l’automatisation.
Hausse des prix, baisse des volumes
La forte inflation des denrées alimentaires a eu un impact important sur le comportement des consommateurs en 2022 : les ménages ont vu leurs coûts augmenter plus rapidement que leurs revenus et ont donc acheté des produits moins chers, davantage de marques de distributeur, plus souvent chez les discounters. Les ventes totales de PGC ont encore augmenté de 2,9 % en Europe, mais cette croissance est le résultat d’une hausse des prix de 10,7 %, contre une baisse des volumes de 3,6 % et un effet ‘downtrading’ de 3,6 %.
Le volume total des PGC a été supérieur de 2,3 % aux niveaux de 2019 l’année dernière. En Belgique, les ventes du secteur ont augmenté de 1,8 %. C’est ce qui ressort du dernier rapport « The State of Grocery Retail » d’EuroCommerce et de McKinsey.
Le commerce en ligne stagne, les discounters gagnent.
La part des marques de distributeur a augmenté de 1,9 %. Seuls 0,8 % de cette augmentation s’expliquent par le fait que les consommateurs échangent des marques A contre des MDD. Les autres facteurs en jeu sont des augmentations de prix plus élevées que la moyenne pour les marques privées et une croissance plus élevée que la moyenne pour le canal discount, où les marques privées sont dominantes.
En effet, les discounters ont gagné 1,4 % de parts de marché en Europe l’année dernière, au détriment de tous les autres formats de magasins. Les ventes de produits alimentaires en ligne ont également stagné dans la plupart des pays l’année dernière. Au Royaume-Uni et en Suède, elles ont baissé d’environ un point de pourcentage. En Belgique, les tendances sont encore plus prononcées : les ventes au détail en ligne dans notre pays ont chuté de 2,7 % en 2022, tandis que les ventes des discounters ont augmenté de 2,6 %.
Les marges se réduisent encore
La combinaison de l’inflation des coûts, de la baisse des volumes et de clients plus sensibles aux prix a produit un cocktail toxique pour les détaillants alimentaires européens : ils ont vu leurs marges diminuer de trois points de pourcentage en moyenne entre 2019 et 2022. La marge d’EBITDA a reculé d’un point de pourcentage, tandis que la marge d’EBIT a stagné.
Une amélioration est-elle en vue ? L’inflation s’atténue désormais quelque peu, mais devrait rester assez élevée tout au long de l’année. La confiance des consommateurs revient progressivement, mais elle reste nettement inférieure à ce qu’elle était avant la pandémie. Une enquête menée auprès de 47 PDG de détaillants alimentaires européens montre que 44 % d’entre eux s’attendent à ce que l’année 2023 soit pire que 2022. Selon eux, la pression sur les marges va se poursuivre, les consommateurs vont continuer à se détourner des produits de consommation courante et l’importance des marques de distributeurs va encore augmenter. Seuls 23 % d’entre eux s’attendent à une amélioration cette année.
À la recherche d’économies d’échelle
Selon McKinsey, les prix à la consommation ne reviendront pas à la normale avant le second semestre 2023. Ce n’est qu’à ce moment-là que les baisses de volume prendront également fin. Toutefois, les consommateurs continueront à surveiller les prix : après tout, ils semblent très satisfaits des marques de distributeurs et des discounters.
Pour les détaillants, la pression sur les marges se poursuit, en partie parce que les salaires continuent d’augmenter. Dans le même temps, ils doivent faire face à d’importants investissements dans la numérisation, l’automatisation et la durabilité. Et ce, alors que les fonds de roulement deviennent nettement plus coûteux. Les petits détaillants, en particulier, devront chercher à réaliser des économies d’échelle. Cela pourrait déclencher une vague de franchises, de partenariats, de combinaisons d’achat, de fusions et d’acquisitions en Europe. Cette tendance était déjà visible l’année dernière : pensez à l’acquisition de Jan Linders par Albert Heijn aux Pays-Bas, à la sortie d’Aldi du Danemark ou au partenariat de marque de distributeur entre Coop et Carrefour en Scandinavie.
Les médias au service du commerce de détail
Bien que le commerce en ligne ait stagné en 2022, les chercheurs s’attendent à nouveau à une croissance à long terme. Il est remarquable de constater que 75 % des consommateurs britanniques commandent en ligne auprès d’un autre détaillant qu’en ligne. Les « pure players » menacent les acteurs traditionnels et de plus en plus d’entre eux atteindront le seuil de rentabilité, voire la rentabilité tout court, estime McKinsey. Rohlik, le supermarché en ligne tchèque qui espère conquérir l’Europe, est déjà sur la bonne voie. Les sociétés de livraison de repas se développent plus rapidement que les services d’épicerie en ligne et peuvent espérer une meilleure rentabilité, grâce à des marges plus élevées.
Les médias constituent une source de revenus de plus en plus importante pour les détaillants. Les médias de détail sont un canal très attractif pour les annonceurs, car ils leur permettent de cibler des publics spécifiques de manière très ciblée et de calculer précisément leur retour sur investissement publicitaire (ROAS). Le partenariat entre Carrefour et Publicis ou l’acquisition de la plateforme numérique Adhese par Ahold Delhaize en sont des exemples typiques.
IA et durabilité
La technologie est un autre levier de création de valeur pour les distributeurs alimentaires. L’automatisation des centres de distribution devient l’un des principaux postes d’investissement pour les détaillants européens. La modernisation des systèmes informatiques est également une priorité. Les applications analytiques avancées pourraient améliorer les marges EBIT d’un point de pourcentage. McKinsey pense ensuite à l’optimisation des prix et des assortiments, ainsi qu’à l’amélioration de la planification des approvisionnements. Ce potentiel devient beaucoup plus important grâce à l’IA générative, qui peut être utilisée pour une interaction personnalisée avec les clients.
Enfin, les détaillants sont confrontés au grand défi de la réduction de leurs émissions de carbone. Les émissions dites « Scope 3 », en amont et en aval de la chaîne d’approvisionnement, obligeront les détaillants à collaborer plus étroitement avec leurs fournisseurs et à impliquer davantage les consommateurs dans ce problème urgent.