Des problèmes intestinaux compliqueraient les actions de grève chez Delhaize. Et que se passe-t-il chez le Péril Jaune ? Le leader du marché sera-t-il le grand gagnant du week-end pascal ? Filet Pur retourne chaque pierre, mais n’en jette aucune dans les vitres.
Dupe
Le food-retail est-il sur le point de s’effondrer ? Bah, ne compliquez pas les choses. En fait, c’est très simple : le constat est unanime, les prix dans les supermarchés sont trop élevés. Il faut donc les baisser. Éventuellement par le biais d’un panier anti-inflation. Et pas question d’interdire promotions 1+1, qui font le bonheur des clients le week-end. D’accord. Pourquoi pas ?
Mais attendez : bien sûr, il ne faut pas que les agriculteurs en pâtissent. Ils devraient au contraire obtenir davantage pour leurs poireaux et leurs côtelettes, tant que les consommateurs ne sont pas pénalisés. Nos PME aussi sont déjà suffisamment en difficultés : elles méritent un prix équitable pour leurs produits artisanaux. Et il est indispensable d’augmenter les salaires dans les supermarchés. La commission paritaire la plus avantageuse pour tous : est-ce trop demander ? Tant que notre ticket de caisse n’augmente pas. Et pas de fermeture de magasins, hein : la concurrence profite à tout le monde ! Avec toutes ces multinationales qui se gavent sur notre dos et ces escrocs de supermarchés. Voilà.
Brosse de WC
C’est ce qu’on appelle la quadrature du cercle. Un problème insoluble pour les mathématiciens, mais pas pour les délégués syndicaux. Ceux-ci souffrent déjà suffisamment de devoir se retenir toute la journée depuis que Delhaize a verrouillé les toilettes des magasins en grève. Une mesure d’hygiène préventive compréhensible : il n’y a plus assez de travailleurs prêts à manier la brosse de WC. On n’est jamais trop prudent dans l’industrie alimentaire : les conflits sociaux se doubleront bientôt d’infections à l’E.coli.
La semaine dernière a été marquée par une légère érosion de la motivation des grévistes, du moins dans notre belle Flandre si industrieuse. Un mois de perte de salaire, c’est au moins aussi douloureux que des crampes intestinales. Comment financer les prochaines communions ? Et puis, c’est les vacances, le soleil brille, les parcs d’attractions rouvrent et il y a une course cycliste intéressante quelque part tous les jours. Donc, ces barricades… bof. Même si je suis curieux de savoir ce qu’apportera cet important week-end pascal, d’autant qu’on se croise à nouveau les bras au centre de distribution des produits frais.
Bokito
En tout cas : la direction compte « tout mettre en œuvre » pour réachalander les rayons et ouvrir les magasins. Avec l’aide d’huissiers et de la police si nécessaire ? Ben oui, mettre le feu à des palettes et bloquer la voie publique reste illégal. Mais dans le sud du pays, on pense manifestement que Delhaize est un employeur si extraordinaire qu’il faut faire grève jusqu’à ce que l’entreprise soit réduite en cendres. Un vrai comportement de Bokito, dirait-on aux Pays-Bas, en référence au nom de ce gorille qui s’était échappé de sa cage pour tout renverser sur son passage dans un zoo de Rotterdam en 2007.
Et on a d’ailleurs décidé de faire appel aux grands moyens. Le tribunal, par exemple : « les employés ne sont pas de vulgaires marchandises », a déclaré le SETCA, qui accuse la direction de mensonges, de coups de poignard dans le dos et de tromperie. La loi Renault doit être respectée, poursuivent-ils, même s’il n’y a pas à proprement parler de licenciement collectif. Selon les experts, ils n’ont aucune base juridique sur laquelle s’appuyer. Le plan de la direction est juridiquement étanche. Mais il n’y aura jamais de plainte au pénal contre les syndicats non plus : les Maoris ont certes réussi à obtenir la personnalité juridique pour une rivière en Nouvelle-Zélande, mais les syndicats belges, c’est une autre pair de manches. Bon, souhaitons bonne chance à ce médiateur social : il en aura besoin.
Grande question
Selon certains de leurs plus ardents supporters, nous avons déjà écrit énormément de bêtises sur Jumbo. Mais voyez vous-même : ils sont aujourd’hui contraints de fermer un premier magasin belge, incapable de faire face à une concurrence mortelle à Zonhoven. Nous pourrions nous féliciter d’avoir tout prévu, mais vous nous connaissez : ce n’est pas notre genre. La grande question est cependant : sera-ce un cas isolé ? Ou est-ce le premier domino qui vient de tomber ? Comment les choses se passent-elles à Pelt, Beveren et Renaix ? Le nouveau venu ne veut pas baisser les bras : des ouvertures de magasins sont encore au programme.
Officiellement en tout cas. Et dans le planning à long terme. Mais le magasin de Lierre devait ouvrir en février, puis en mars, et nous sommes en avril. Ils recherchent des collaborateurs depuis le mois d’avril de l’année dernière. En vain : les voisins de Colruyt paient mieux… Un Jumbo aurait également dû être inauguré il y a longtemps à Bilzen – ce sera finalement pour le 19 avril. Genk, Hasselt et Dilsen-Stokkem n’ont pas encore de permis. Mais peut-être vaudrait-il mieux y réfléchir à deux fois avant de poser la première pierre. Les montants indécents déboursés pour acquérir des magasins Alvo appartiennent également au passé. Désormais, ils resteront sagement dans la famille Colruyt. La fin d’une époque.
Pourris gâtés
À noter, d’ailleurs : Colruyt ouvre et rouvre à nouveau des supermarchés. Roulers, Edegem et Zedelgem en une bonne semaine. Et des magasins intégrés, pas des franchises. Des ouvertures réglées comme de l’horlogerie suisse, sans le moindre retard. Colruyt n’est pas la SNCB. Ils trouvent également des gens de qualité qu’ils sont prêts à rémunérer à la hauteur de leurs compétences. Le Péril Jaune pourrait s’en inspirer.
Jef est déterminé : il faut regagner ces maudites parts de marché. Coûte que coûte. Pour ce qui est de la marge, on verra après. Mais tout va bien pour l’instant : ces clients Delhaize qui n’ont pas l’habitude d’accorder la moindre importance aux prix sont contraints de faire leurs achats de Pâques dans leurs entrepôts sombres et glacés. Reality check ! Ils peuvent aujourd’hui se rendre compte à quel point ils étaient pourris gâtés : bienvenue dans le monde réel. Qui est de toute façon en train de s’effondrer. Encore une excellente fête de Pâques et à la semaine prochaine !