2023 ne sera pas une année de fanfare et de splendeur, mais une année de sobriété et de robustesse parfois surprenante. Les gens s’adaptent, il en va de même pour leurs entreprises. C’est en tout cas ce que prévoit Gino Van Ossel, prof en Retail Management à la Vlerick Business School.
L’incertitude est la seule certitude
« Nous aspirons à une année normale, mais l’incertitude nous en empêche. L’incertitude reste la seule certitude, et cela pousse à la prudence, » constate Gino Van Ossel en ce début d’année. Cependant, les gens se lassent de s’inquiéter. À un moment donné, ils s’adaptent et cherchent à retrouver un quotidien ordinaire.
« Même si le sens de libération post-Covid se calmera cette année, à un moment donné, les consommateurs veulent sortir de la morosité. On l’a pu observer en période de fin d’année : les articles de Noël se vendaient comme des petits pains. Les gens voulaient se cocooner et se faire plaisir, mais ils ont principalement choisi les canaux bon marché. On avait envie de dépenser, mais il ne fallait pas que ça coûte trop cher. »
La principale source d’incertitude reste l’inflation, dont les macroéconomistes de tout poil ont dû ajuster les prévisions chaque mois l’an dernier. La situation reste donc très difficile à prévoir. Ainsi, les entreprises ont beaucoup de mal à établir leur budget cette année, surtout parce que les performances sont également très volatiles. De nombreux détaillants se plaignent de la pression exercée sur la rentabilité, mais les chiffres d’affaires sont très variables. « Comme d’habitude d’ailleurs. »
Il n’y a pas que des perdants
Certes, les joueurs internationaux s’y cassent la tête, note Gino Van Ossel. En Wallonie, par exemple, le pouvoir d’achat est plus faible et les ventes ne se développent pas comme en Flandre. En outre, pas tous les consommateurs sont affectés de manière pareille par l’inflation. « Prenons l’exemple d’un fonctionnaire dont le salaire a augmenté plusieurs fois l’année dernière, qui a des panneaux solaires et qui bénéficie toujours d’un tarif d’énergie fixe. Lui, il a même gagné en pouvoir d’achat. »
La liaison automatique des salaires à l’indice est d’ailleurs unique en Belgique. Pour la première fois, le contraste est si fort que les départements belges ne parviennent plus à l’expliquer à leurs sièges. Les sièges internationaux demanderont alors de réduire les coûts, soupçonne Van Ossel.
Pénurie structurelle sur le marché du travail
Par conséquent, on peut s’attendre à peu d’innovations spectaculaires cette année. Les entreprises tenteront surtout de rester sur les rails, estime Van Ossel. « Nous sortons d’une période financièrement difficile et l’amélioration n’est pas certaine. Le résultat est une double prudence, mais aussi un exercice d’équilibre difficile. Les entreprises doivent continuer à se préparer pour l’avenir, tout en s’assurant de passer le cap du présent. »
En particulier, le resserrement de la main-d’œuvre crée un cercle vicieux. Le chômage recommence à augmenter, ce qui offre aux détaillants davantage de possibilités de recrutement, mais ils ne doivent pas oublier qu’il existe également un problème structurel. De toute façon, à long terme, le vieillissement de la population entraîne une diminution de la main-d’œuvre. Une marque employeur forte reste donc plus que jamais nécessaire, tout comme la durabilité et la numérisation.
« C’est un investissement, mais grâce à la numérisation, les détaillants peuvent économiser sur le personnel et les coûts. Ils doivent juste s’assurer qu’ils font forte attention aux liquidités. » Les magasins sans personnel, par exemple, sont envisageables s’ils sont rapidement rentables, mais s’ils sont encore trop chers, l’expansion sera freinée pour le moment. Amazon en est la meilleure preuve : surtout dans les magasins high-tech chers, il faut en finir avec moins de personnel. Des projets de prestige comme les robots de livraison et ménagers s’arrêtent même.
La fin du mois, pas du monde
De même, les consommateurs et les entreprises pensent actuellement plus à la fin du mois qu’à la fin du monde. Toutes les enquêtes montrent que les consommateurs continuent à trouver la durabilité importante, mais « les gens ne font pas toujours ce qu’ils disent – et ne disent pas toujours ce qu’ils font ». « La durabilité qui génère des retours financiers immédiats oui, mais des investissements de luxe probablement pas. Vous pouvez voir que l’accent est fortement mis sur ces gains rapides, tels que les bornes de recharge, l’énergie et la réduction des emballages. »
« Heureusement, il y a une certaine robustesse parmi les grands joueurs. Les maillons les plus faibles ont déjà disparu. Les cartes sont moins favorables pour les commerces indépendants », conclut Gino Van Ossel. En termes de chiffre d’affaires, de nombreuses entreprises et secteurs étaient déjà sortis du creux de la pandémie avant la guerre en Ukraine, ce qui offre des perspectives favorables.