L’année prochaine, Carrefour ouvrira la première succursale de l’enseigne brésilienne Atacadão en Europe. Quels sont les facteurs de réussite de cette chaîne de magasins discount unique, qui combine des éléments de Makro, Colruyt et Costco ?
Réponse à la crise du pouvoir d’achat
C’était l’une des surprises de la récente mise à jour stratégique d’Alexandre Bompard, directeur de Carrefour : le combattant des prix brésilien Atacadão arrive en Europe. La première succursale française ouvrira au printemps prochain en Seine-Saint-Denis, l’un des départements les plus pauvres du pays, situé au nord-est de Paris, selon le magazine professionnel français LSA. Il s’agit d’une banlieue connue pour son taux de chômage élevé, où vivent principalement des personnes issues de l’immigration. Cela ne peut être une coïncidence : avec sa formule brésilienne de cash-and-carry, Carrefour espère avoir une réponse à la crise actuelle du pouvoir d’achat.
Cependant, en plus de ses hypermarchés en Europe, Carrefour a déjà une enseigne de soft-discount, Supeco, qui vend une gamme limitée de produits frais, alimentaires et non-alimentaires à partir de palettes à des prix très bas dans des magasins sobrement meublés. Ce format de magasin, qui trouve son origine en Espagne, a depuis été déployé en France, en Italie et en Roumanie. Mais apparemment, le détaillant est à la recherche d’une arme tarifaire encore plus puissante. Et ça devrait être Atacadão. Carrefour a racheté cette chaîne en 2007 et l’enseigne est désormais présente hors du Brésil en Colombie, en Argentine, au Maroc…
Des volumes élevés, des prix bas
Il faut dire qu’Atacadão est encore d’un autre calibre que Supeco, ou que les célèbres combattants des prix européens. Sur une surface moyenne de 3 000 à 5 000 m², le détaillant vend une gamme de quelque 9 000 à 10 000 références – beaucoup moins qu’un hypermarché ou un grand supermarché, mais massivement présentées – à des prix de 10 à 15 % inférieurs à ceux pratiqués ailleurs. Le secret ? Acheter et vendre en grandes quantités. Cela ressemble à un grossiste plutôt qu’à un point de vente au détail pour le grand public. En effet, au Brésil, les magasins attirent un public mixte de consommateurs et de commerçants.
Ici, on achète des pâtes par paquets de 5 kilogrammes, du riz par 10 kilogrammes, de l’huile par 25 litres… Et plus on achète, plus la remise est importante. La chaîne ne mène pas de campagnes promotionnelles. Tout ici tourne donc autour d’un seul argument : le prix le plus bas tous les jours. Les magasins sont des entrepôts nus avec le stock sur le dessus des étagères, vous ne trouverez pratiquement aucun produit de marque connue ici. Il s’agit donc d’un concept difficilement comparable au super ou à l’hypermarché européen moyen. L’agencement dépouillé et les rabais de volume peuvent rappeler Colruyt, mais il y a aussi quelques similitudes avec des formules européennes comme Makro, et avec le concept américain de cash&carry Costco, qui a ouvert deux magasins en France.
Le bas du marché
Y a-t-il un potentiel ? Comme les hard discounters comme Aldi et Lidl se sont rapprochés un peu plus du milieu du marché ces dernières années, avec des magasins plus agréables, une gamme plus large de produits frais et une gamme limitée de marques nationales, ils ont peut-être laissé un vide dans le bas absolu du marché. Surtout en période d’inflation et de crise du pouvoir d’achat, cela pourrait ouvrir des opportunités. Bien que la récente débâcle européenne du discounter sibérien Mere montre que l’exécution est cruciale pour réussir dans ce segment de marché.
En outre, la question est de savoir si un concept comme celui d’Atacadão sera en mesure de séduire un large public. La formule cible un type de comportement d’achat fondamentalement différent de celui auquel les Français (et par extension les Européens) sont habitués aujourd’hui. Ces gros volumes peuvent être très bon marché au kilo ou au litre, mais encore faut-il avoir le budget d’achat – et l’espace de stockage. Reste à savoir si c’est la bonne offre pour les petites familles vivant dans des appartements exigus dans les banlieues pauvres de la ville.