Des fonds d’investissement secrets, des grévistes acerbes, des rayons vides, des clients avares et des promotions déplacées pour la Coupe du monde : c’est le résumé de la semaine écoulée dans le FMCG. Waar is da feesje ? Nulle part, sauf chez Filet Pur.
Troisième larron
Une semaine riche en questions, énigmes et cliffhangers. Prenez cette offre inattendue pour Makro. Que penser de ce mystérieux fonds d’investissement français dont nous ne savons pas encore qui tire les ficelles ? Quelles sont ses intentions ? Faire un Dirk Bron ? Les syndicats craignent le pire. Mais le tribunal a déjà decidé: Makro, c’est fini… Autre détail piquant : à présent que la liquidation générale a commencé, les clients reviennent. « Des vautours », a commenté l’employé d’un magasin. Mais bon, il faut bien continuer à payer les salaires, pour un moment encore du moins. À en croire les bookmakers, la bataille pour Metro est promise à Sligro, même si un troisième larron est entré dans la danse. Suspense.
Pendant ce temps, ça chauffe à Gosselies, où les employés de Mestdagh estiment qu’ils ont été tenus à l’écart assez longtemps. Car l’acquisition de ces magasins déficitaires par Intermarché ne sera effective qu’au 1er janvier, et ni le vendeur ni l’acheteur ne veulent apparemment prendre le moindre engagement avant cette date. Ce que ne supportent plus les employés laissés dans l’incertitude, qui ont donc décidé de se croiser les bras. Vous ne réagiriez pas autrement, pas vrai ? Ce ne sera pas un départ en beauté.
Réglé
Et maintenant, la minute nostalgie. Il s’appelait Benny, j’ai partagé avec lui le banc de l’école à mon tout premier jour de classe en première année, il y a un demi-siècle. Sa mère était caissière au Jawa, le seul supermarché du centre de la morne cité dortoir où j’ai passé une grande partie de mon enfance. Une véritable institution : jusqu’à il y a quelques mois, de nombreux habitants (âgés) d’Edegem disaient encore qu’ils étaient « allés au Jawa », alors que le magasin est passé sous la bannière Match en 1995. Maintenant, ils ne le disent plus, car le Match a également disparu.
Cela me fera tout bizarre quand ils diront dire qu’ils ont été « au Colruyt » à partir du printemps prochain. S’ils n’allaient pas déjà au Colruyt de Mortsel, Kontich, Berchem ou Wilrijk, bien sûr, à un jet de pierre. Saturation ? Bah, Edegem reste une commune à fort pouvoir d’achat, et comme le disait l’ancien gourou des supermarchés Bernardo Trujillo : « Poor people need low prices, rich people love them ». C’est aussi à lui qu’on doit le fameux « No parking, no business ». Et pour ce qui est de parking, on est servi à Edegem. Bref, tout ira bien.
Plus offrant
C’est moins sûr pour Match, ou plutôt le retailer qui se cache derrière cette formule en voie de disparition. Car ce changement fait à nouveau planer un gros point d’interrogation sur l’avenir du groupe Louis Delhaize en Flandre. En tout cas pour ce qui est des grands supermarchés.
Il ne leur en reste que trois sous la bannière Match : dans un Shopping Gent Zuid de plus en plus déserté, à Louvain, dans un bâtiment qui sera bientôt démoli pour faire place à des kots étudiants, et à Deurne, où, dans un bâtiment tout aussi décrépit – également un ancien Jawa –, l’enseigne doit affronter la concurrence de deux Jumbo, deux Colruyt, deux Delhaize, trois Lidl, trois Aldi et plusieurs magasins de proximité et/ou ethniques. Vont-ils vraiment le transformer en Open Market, ce nouveau concept Louis Delhaize ? Ou le céder au plus offrant ? La tension est à son comble…
Gruyère
Qu’écrivions-nous la semaine dernière ? « On peut s’attendre à retrouver des rayons vides dans les semaines et les mois à venir. » Bon, ce n’était pas une prédiction particulièrement difficile. Les faits nous ont donné raison ? C’est encore mieux : les faits nous ont immédiatement donné raison ! Merci à Delhaize, toujours premiers sur la balle. Nous en avons à peine cru nos yeux quand nous sommes entrés dans ce supermarché d’Anderlecht – pour des raisons qui ne vous regardent pas – en ce lundi de congé : quel gruyère ! Les trous qui garnissent la défense du club local, pourtant abondamment documentés dans la presse, faisaient pâle figure face aux rayons des magasins.
Avec parfois quelques panneaux d’information : « Ce produit est temporairement indisponible. » D’accord. Et, très occasionnellement, des explications plus détaillées : « négociations difficiles avec le fournisseur ». Car oui, il s’agissait apparemment d’une conjonction malheureuse de longs week-ends, d’un jour de grève et de pourparlers sur les prix. Pas seulement à Anderlecht : plusieurs entrepreneurs affiliés se sont excusés sur leurs médias sociaux, quelque peu gênés de ce désagrément. À en juger par leurs commentaires, certaines de ces ruptures de stock inexpliquées peuvent également être imputables à des annulations. De commandes ou de livraisons ? Difficile de le savoir. Oui, des problèmes logistiques chez Delhaize, cela ne surprend plus personne. Mais se disputer avec à peu près tout le monde ?
Bonne ambiance
On aurait pourtant pu le voir venir : le lion en chef Frans Muller avait déjà tiré un coup de semonce, et Delhaize n’avait plus qu’à mettre ce centre tendu au fond des filets. Il est d’ailleurs notable que Colgate Palmolive soit visé : la semaine dernière, EuroCommerce s’était également attaqué à la multinationale pour avoir pris le marché unique européen à contre-pied. Et la fédération de la grande distribution a dégainé un nouveau communiqué de presse cette semaine pour dénoncer les marges insolentes réalisées par les grandes marques. Impressionnant, vraiment. « Et purement à titre informatif », comme il se doit. Oui, l’ambiance est bonne.
C’était aussi le cas au Delhaize Foodshow cette semaine. C’est toujours un plaisir d’y avoir un avant-goût des prochaines Fêtes. Mais si cela en dépendait de Delhaize, le prochain Noël sera en grande partie végétal et sans alcool. Super, merci, c’est vraiment ce qu’il nous manquait. Heureusement, huîtres, truffes, foie gras et champagne étaient également au rendez-vous. « Nous pensons que les consommateurs vont faire des économies sur les cadeaux, mais pas sur les repas », a déclaré Xavier Piesvaux, CEO de Delhaize Belgique. « En tout cas, on croise les doigts », a-t-il cependant pris soin d’ajouter. Exact. Autre fait marquant : des entrepreneurs qui se sont déclarés satisfaits des efforts déployés par le siège en leur faveur en ces temps bizarres. Voyez-vous ça.
Pas question
Pendant ce temps, les consommateurs n’ont guère d’autre choix qu’économiser. Non seulement en achetant moins de légumes, mais aussi en évitant ostensiblement cet inutile merchandising des Diables Rouges. Rien ne se vend. Au point qu’un grand nombre de marques et de retailers sont passablement embêtés. L’événement sportif de l’année commence dimanche, et waar is da feesje ? Absolument nulle part. Et que faire dans ce cas ? Impossible de sortir l’artillerie lourde, mais ne rien faire n’est pas envisageable non plus, car ces licences coûtent cher.
Quoique. Chez Lidl, on vend des équipements de supporters non officiels à des prix défiant toute concurrence. Le pouvoir d’achat l’emporte sur le sport : le Belge est avant tout supporter de son propre portefeuille. Chez Jumbo, on avait déjà dégagé en tribunes avec une publicité totalement déplacée. En aucun cas une panenka, plutôt un rouge direct. « Nous célébrons le football, mais à la maison », a tenté un Frans Muller diplomate. Chez Carrefour, fidèle partenaire des Diables, c’est le calme plat. Coca-Cola distribue gratuitement du Coca Zéro cette semaine. Est-ce que c’est du luxe ? Et quelle est l’ambiance chez AB InBev ? Une marque de bière a bien osé une déclaration, et pas des moindres. Depuis sa position confortable d’outsider, certes, mais qui laisse quand même un léger sourire. Profitez quand même des matches si vous ne pouvez pas résister, et à la semaine prochaine !