Retour sur une courte semaine de food-retail, au cours de laquelle Jef a montré son côté le plus généreux alors que les webshop alimentaires ont fait pleuvoir de l’argent gratuit. Mais attendez… un Filet Pur alors que la campagne Try Vegan bat son plein ? Ce ne peut être qu’une imitation, non ?
Collecter des points
Alors, vous avez déjà installé la nouvelle application Xtra ? Une foule de nouvelles possibilités, promet Colruyt, et c’est vrai, mais vous n’en bénéficiez pas automatiquement. Votre ticket de caisse, par exemple, ne s’affiche pas spontanément dans votre appli : vous devriez photographier et charger vous-même le ticket papier. Il en va autrement chez certains concurrents. La fonction de paiement est également un peu compliquée, puisqu’il faut d’abord remplir des paperasses pour les doter ensuite des cachets et signatures appropriés. Bienvenue en 2022. Toutes ces formalités doivent sans doute se justifier, mais quand même : l’installation d’Apple Pay sur mon iPhone ne m’a pas pris dix secondes. Mais nous connaissons nos zozos : à Halle, on préfère généralement jouer la sécurité.
Le chemin vers le statut d’assistant personnel – car telle est l’ambition ultime de Xtra – semble donc encore long. En revanche, la nouvelle action de fidélité fonctionne très bien. Comme chez les concurrents, les clients les plus fidèles peuvent désormais collecter des points. Mais contrairement à ce qui se fait chez ces mêmes concurrents, ces points ne donnent pas droit à des remises ou à des produits gratuits, mais à des arbres et à des fleurs – et même pas dans votre propre jardin. Le pouvoir d’achat n’est-il pas LE sujet du moment ? Certes, mais Jef, en bon visionnaire, voit plus loin : l’inflation, c’est pas cool, mais l’environnement, c’est bien pire. Et ils sont de toute façon les moins chers. Alors… Sur le fond, Jef a amplement raison. Reste à savoir si cela l’aidera à amortir ces 200 millions de coûts supplémentaires…
Argent gratuit
Par contraste, j’ai récemment été frappé par la générosité plutôt improbable dont font preuve les acteurs du food-retail en ligne pour attirer et fidéliser – du moins l’espèrent-ils – de nouveaux clients. L’argent gratuit est manifestement la nouvelle arme des startup de l’e-commerce. eFarmz, le marché en ligne des produits frais qui se lance à la conquête de la Flandre, la joue encore modeste : cinq euros de remise sur votre première commande. Cela risque de faire court, car la concurrence a sorti les bazookas. Faites vous-même le calcul.
Première commande chez Lokkal, la sympathique application « en direct du producteur » ? Voici quinze euros, ne nous remerciez pas. Première commande chez Crisp ? Voici quinze euros, ne nous remerciez pas. Et un beignet de pommes en prime. Conseil d’un pro : n’hésitez pas à attendre quelques semaines avant de passer une deuxième commande, il y a de fortes chances que vous obteniez quinze euros supplémentaires. Et un tote bag gratuit. Ailleurs, c’est encore mieux. Car que propose ShipTo, le service de livraison à vélo de Carrefour ? Trente euros – certes répartis sur trois commandes, mais quand même. Idem chez Rayon, le supermarché en ligne de Smartmat – et donc de Colruyt : trois fois dix euros. En bref, il faudrait être fou pour encore se rendre dans un magasin. Si je le fais encore, c’est uniquement pour le travail.
Pirates
Combien recevra-t-on quand on demandera à Carrefour de déposer directement ses courses dans le réfrigérateur et le congélateur ? Aucune idée, car ce service, inspiré d’Amazon et de Walmart, n’est actuellement disponible que pour un panel de testeurs sélectionnés en France. Le secret ? Une serrure intelligente qui donne au livreur un accès exclusif à votre cuisine. C’est toujours un peu bizarre, des étrangers dans sa maison. Sans compter le fait que ces appareils numériques intelligents comportent toujours le risque d’être piratés.
Ce qui nous amène sans transition au Boucher Végétarien, grand adepte du piratage de la viande qu’il n’hésite pas à remplacer par des substituts végétaux. Car mardi, c’était le World Vegan Day et pendant tout le mois, la campagne Try Vegan essaiera de nous convertir à un mode de vie purement végétal. Et surtout parce que sous le hashtag #MakeNoMisteak, le producteur des Specks’kes et autres Poulettekes fait actuellement campagne afin d’éviter au gouvernement belge de commettre une erreur fatale : interdire les noms évoquant la viande pour les produits à base de plantes.
Complot
C’est en effet ce qu’ourdit notre Service Public Fédéral Économie dans le plus grand secret. Officiellement pour protéger le consommateur innocent, en réalité pour laisser un peu de répit à une industrie de la viande à l’agonie. Heureusement, il existe des multinationales woke comme Unilever pour mener la résistance civique contre ce funeste complot. Ben oui, quand on se dit boucher pour mieux prêcher le végétarisme, il ne faut pas être choqué si les vrais bouchers lancent une cagnotte pour engager un bon lobbyiste. Ce qui n’a pas marché il y a deux ans en Europe pourrait donc réussir au niveau fédéral.
Mais rien n’est acquis, bien entendu. Car il y a un risque, bien sûr : une alimentation plus végétale est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques. Le gouvernement va-t-il se tirer une balle dans le pied ? Et pensez-y : comment un emballage qui indique « végétarien » en grosses lettres peut-il être trompeur ? Les consommateurs qui se diront ensuite floués – si tant est qu’ils existent – ne l’auront-ils pas un peu cherché ? Sans parler des nombreux noms de viande tout aussi mensongers qui garnissent les étals : rappelons qu’il n’y a aucune trace d’oiseau dans les oiseaux sans tête. Une honte !
Un peu de patience
Mais nous avons aussi eu droit à quelques nouvelles plus réjouissantes : Eataly, ce temple tout sauf végan de la « slow food » italienne, arrive enfin à Bruxelles : ils ont obtenu leurs autorisations. C’est déjà ça. Les amateurs de charcuterie raffinée et de fromages exquis devront toutefois faire preuve de patience : les travaux de rénovation n’ont pas encore commencé et ils prendront plusieurs années. Si tout va bien, l’ouverture est programmée pour 2026. Dans le même bâtiment, vous pourrez également découvrir un nouveau concept urbain de Delhaize longtemps resté secret. À voir.
Alors, des Nugettekes ou des Boulettes Very Chouettes ce soir ? Quel que soit votre choix, n’oubliez pas d’ajouter des frites tant que vous le pouvez encore : si l’on en croit certains politiciens, ce plan lisier désastreux pourrait sonner le glas de ce pan de notre culture populaire. Comme si la production des pommes de terre n’était pas déjà menacée par le réchauffement climatique. Comme le disait Mark Twain : « Aucune quantité de preuves ne persuadera jamais un idiot. » À la semaine prochaine !