Quand les médias commencent à attaquer Colruyt, Filet Pur se doit de riposter. Sur le ton passif-agressif habituel, certes, mais quand même. Quels sont les points communs entre Jef et la reine Elizabeth ? Un peu de clickbait n’a jamais tué personne, n’est-ce pas ?
Concessions
Nous devons tous travailler plus longtemps, sauf quand on est PDG d’une multinationale florissante du secteur des produits de grande consommation : dans ce cas, 60 ans, c’est déjà largement assez. Alan Jope, le patron d’Unilever, prendra sa retraite dès l’année prochaine. Une décision volontaire ? Ou bien veulent-ils s’en débarrasser à bon compte après l’accord manqué avec GSK ? Pas impossible. Une année de plus avec quelqu’un qui traîne les pieds : pas idéal non plus….
Ou peut-être est-ce un travail difficile, PDG d’Unilever ? Un travail bien payé, voilà qui est certain. Elles peuvent se le permettre, ces multinationales : après tout, leurs marges sont cinq fois supérieures à celles d’un détaillant alimentaire moyen. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Geoffroy Gersdorff, le premier PDG belge de l’histoire de Carrefour Belgique. Il lance ainsi un avertissement à l’approche des délicates négociations de fin d’année. L’essentiel du message est clair : ces multinationales vont devoir faire des concessions. Ça promet. Ceux qui veulent se préparer correctement à ces négociations doivent absolument acheter un billet pour notre Trade & Shopper Marketing Congress du 20 octobre, où vous apprendrez notamment comment augmenter les prix sans accroc. Véridique.
Plafond de verre
Et chez Carrefour ? Tout va comme sur des roulettes, affirme le PDG. Le redressement est en marche. Hourra ! On le voit d’ailleurs dans les rayons des magasins : le réapprovisionnement peine à suivre le rythme effréné des ventes. Très fort ! Par conséquent, le détaillant alimentaire remanie également son comité exécutif : chaque format de magasin disposera à nouveau de son propre conseil opérationnel, sans quoi la situation est intenable. On comprend.
Mais l’annonce de la sortie de l’infatigable directrice des opérations, Hilde Decadt, au bout de 28 ans a tout de même provoqué une petite onde de choc dans le secteur. Mince alors, n’était-elle pourtant pas l’un des visages de Carrefour Belgique ? Nous ne pouvons qu’espérer que sa collision avec le plafond de verre n’a pas été trop brutale. Une chose est sûre : ce n’est pas demain la veille qu’elle prendra sa retraite. Je suis curieux de voir où elle réapparaîtra.
Renouvellement de mandat
Frans Muller, pourtant à la tête d’Ahold Delhaize depuis 2018, n’est pas près non plus de prendre sa retraite. Le conseil d’administration est décidé et prévoit de lui proposer un beau renouvellement de mandat. Il faut croire que sa fermeté tranquille plaît. Il a guidé le groupe à travers la pandémie sans trop de dommages collatéraux et, pour l’instant, il semble également limiter les dégâts causés par la crise du pouvoir d’achat et de l’énergie, ce qui n’est pas le cas partout.
Le groupe a d’ailleurs multiplié les bonnes nouvelles cette semaine. L’ouverture officielle de l’impressionnante usine de mise en bouteille de vin, par exemple, un événement pour lequel même le Premier ministre a libéré du temps dans son agenda. Pas d’autres priorités, apparemment. Ou ce nouvel accord social chez Delhaize, qui a permis d’éviter de justesse une grève. Du moins si le groupe parvient à pourvoir les nombreux postes vacants. Pas évident. Si jamais il avait encore besoin de conseils : RetailDetail organise bientôt un HR Congres à ne pas manquer… à bon entendeur.
Pessimiste
En résumé : la semaine semblait paisible, le soleil a même pointé le bout de son nez entre les gouttes, il fallait donc bien que quelqu’un vienne gâcher la fête. Un rôle qu’est toujours prêt à endosser le pessimiste Jef Colruyt qui, dans les circonstances actuelles, ne pourrait pas prendre sa retraite même s’il le voulait. Les choses s’annoncent mal, a déclaré le dirigeant morose à ses actionnaires. Baisse des volumes, explosion des coûts, diminution des marges, augmentation des prix, consommateurs désespérés… Autant d’ingrédients d’un cocktail mortel. Si le leader du marché voit son chiffre d’affaires augmenter, monsieur Colruyt n’y gagne rien. Et les actionnaires ne reçoivent, eux aussi, que quelques miettes. Merci, Jef !
Par conséquent, les actions Colruyt sont en promotion. Certes, avec -20 %, on est encore loin du 1+1 gratuit, mais quand même. C’est la panique sur la bourse. Comme si Colruyt risquait de devenir le prochain Makro. Soyons réalistes : Colruyt sera la dernière chaîne de supermarchés à tomber. Les analystes et investisseurs devraient tout de même s’en rendre compte, avec toute leur expertise financière. Non ?
Jef & The Queen
Les critiques de Colruyt ont également pris des proportions inédites dans les médias. Et puis, parfois, ils appellent RetailDetail. Cette fois-ci, ils n’auraient peut-être pas dû. Car que lisons-nous aujourd’hui dans un journal populaire qui voulait savoir si le PDG ne ferait pas mieux finalement de prendre sa retraite ? « Jef est la reine Elizabeth de la distribution ! » Une citation de notre Captain of Retail autoproclamé, bien sûr. Une explication s’impose.
Disclaimer : notre capitaine ne faisait évidemment référence qu’au sens du devoir et à l’abnégation inébranlables du PDG. Et à son refus catégorique de démissionner, peut-être aussi. Certes, il n’y a pas à Halle un Charles impatient de prendre la relève.
Terrible bain de sang
Il y a une chose sur laquelle l’optimiste Geoffroy Gersdorff et le pessimiste Jef Colruyt sont d’accord : nos nombreux gouvernements doivent d’urgence se réveiller et travailler sur des mesures pertinentes pour soutenir le secteur plutôt que de se contenter de multiplier les réceptions inaugurales. « Quel commerçant peut survivre à ça pendant deux ans ? » se demande Jef. « Qu’ils commencent eux-mêmes à économiser, là-bas, à Bruxelles », a-t-il ajouté d’un ton acerbe.
Qui va lui donner tort ? Unizo vient tout juste d’annoncer une nouvelle alarmante : sept supermarchés indépendants sur dix sont déjà déficitaires. Certes, l’organisation ne se refuse pas à quelques exagérations lorsque cela l’arrange, mais même si ce n’est qu’à moitié vrai, un terrible bain de sang s’annonce. Combien vont sombrer ? Faites vos jeux : un sur trois ? Et si le gouvernement ne les sauve pas, leurs franchiseurs le feront-ils ? La question est ouverte… À la semaine prochaine !