Quand les prix flambent dans les supermarchés, un peu de populisme ne coûte rien. Et même deux fois rien cette semaine. Mais Filet Pur dévoile les mensonges et découvre un gagnant inattendu de la crise énergétique. Devinez qui ?
Merci monsieur Macron !
Cela promet : il n’a pas encore gelé qu’on recense déjà les premières victimes parmi des commerçants incapables ou pour qui il n’est pas question de financer les superprofits des fournisseurs d’énergie. Des boulangeries surtout, mais aussi quelques supermarchés de proximité. Et ce n’est pas fini. Le tremblement de terre qui n’a pas eu lieu pendant la crise sanitaire pourrait être imminent. Ceux qui n’ont pas de réserve n’ont aucune chance. Un désastre pour les entrepreneurs concernés, mais pas pour le secteur dans son ensemble : tout le monde est d’accord pour dire que la Belgique compte trop de supermarchés. Ils pourraient être moins nombreux dans quelques mois. Et cette évolution est aussi porteuse d’opportunités pour des repreneurs potentiels avides de faire bouger les choses en important leurs prix néerlandais.
Bien que : les prix néerlandais ne sont plus si intéressants ces jours-ci. L’inflation frappe tout aussi durement outre-Moerdijk, et Colruyt n’existe pas là-bas. Non, ce sont les prix français qui inquiètent nos supermarchés : au moins nos voisins du sud prennent-ils de vraies mesures pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs, et les frontaliers belges ainsi subventionnés par le contribuable français sont trop heureux d’en profiter. Merci monsieur Macron ! L’Auchan de Roncq peut à peine suivre et de longues files d’attente se forment aux stations-service.
Populisme à bon compte
La situation a même inspiré un tweet audacieux à notre ministre de l’Économie : il souhaiterait qu’une enquête soit rapidement ouverte afin de savoir pourquoi les supermarchés belges sont plus chers que leurs homologues des pays voisins, insinuant presque qu’ils ne sont qu’une bande de voleurs et d’escrocs. Voire d’incompétents. Non, le populisme à bon compte n’a pas encore atteint ses limites. La réponse de Dominique Michel, le CEO de Comeos, ne s’est pas fait attendre : « La réponse est simple : c’est à cause de vous », ou à peu près. Pierre-Yves Dermagne en est resté bouche bée.
Le populisme était aussi en promo chez Test-Achats cette semaine, d’ailleurs. Deux pour le prix d’un, en quelque sorte. « Promotions trompeuses », ont-ils titré en réponse à la multiplication d’actions en faveur du pouvoir d’achat dans les supermarchés. La plupart des médias ont immédiatement copié-collé le communiqué de presse, car nourrir la colère des consommateurs reste la meilleure façon de générer des clics. RetailDetail a cependant décidé de passer quelques coups de fil. Et oui, il est vite apparu que certains ne savaient tout simplement pas compter au sein l’organisation de défense des consommateurs, alors que d’autres avaient mal compris certaines actions, intentionnellement ou non. Un peu honteux, ils ont discrètement modifié le communiqué de presse à plusieurs reprises dans la journée. Mais le mal était fait.
Marges minimes
Car fondamentalement, on peut difficilement reprocher à nos supermarchés de ne pas faire de leur mieux pour limiter les hausses de prix. Ils sont même prêts à se couper l’herbe sous le pied, par exemple en menaçant de ne plus vendre les produits d’un géant comme Danone. Bien qu’après plus de deux semaines de rayons vides, ils soient redevenus les meilleurs amis du monde rapporte Delhaize. Nous ne connaîtrons malheureusement jamais les détails de ce combat de coqs, et nous ne pouvons donc pas conclure qui en est sorti vainqueur. S’il y en a un, bien sûr. Ce ne sera en tout cas pas le consommateur : les prix vont de toute façon augmenter. Lidl a d’ailleurs décidé de maintenir la pression, mais eux n’ont tout simplement pas besoin de Danone.
Oui, ces pauvres supermarchés qui persévèrent dans la guerre des prix doivent se contenter de maigres marges de 2 à 3 % – quand ils ne travaillent pas à perte – alors que les méga-multinationales font étalage de solides résultats trimestriels dans des communiqués triomphants. Évidemment, ça pique, et pas qu’un peu. Le fait que ces marques A pratiquent parfois des prix plus élevés dans notre petite Belgique n’aide pas non plus. Les directeurs des achats exigent donc une contribution de crise. Les multinationales pourraient elles aussi faire un effort, expliquent-ils. Comme tout le monde, les producteurs devraient eux aussi apprendre à vivre avec un peu moins de profits. Mais chez Fevia, c’est la panique : 40 % des entreprises alimentaires pourraient faire faillite. Ces pauvres hères qui ne sont même pas cotés en Bourse, sans doute. L’automne promet en tout cas d’être intéressant.
Fou
Où « intéressant » devient un euphémisme pour « misérable ». Pourtant, cette crise énergétique pourrait aussi produire un gagnant inattendu. Vraiment ? Absolument : c’est une bénédiction pour l’e-commerce. La croissance des ventes en ligne a ralenti depuis la fin de la crise sanitaire ? Plus pour longtemps. Mieux encore : l’e-commerce devient enfin rentable. Car rappelons que les webshops n’ont pas des centaines d’immeubles mal isolés à chauffer, des milliers de réfrigérateurs à faire tourner ou des loyers indexés à payer. Eux rechargent tranquillement leurs camionnettes électriques grâce aux panneaux solaires qui garnissent les toits de leurs centres de distribution. Et les consommateurs y réfléchissent désormais à deux fois avant de prendre la voiture. Bingo !
Il suffit de demander à Andy, le sympathique livreur de boissons qui, selon ses propres termes, réussit à gagner de l’argent en proposant des livraisons gratuites. Enfin, pas encore tout à fait, mais bientôt, c’est sûr. La promesse de toute start-up. Les clients qui vont encore chercher eux-mêmes leurs bacs de bière et leur eau dans le magasin sont fous, affirme leur business-plan. Si vous n’êtes pas convaincu, vous pourrez le leur dire en personne le 22 septembre, lors de la journée RetailDetail – Izy Coffee, le challenger de Starbucks, sera également présent pour raconter son impressionnante ascension. Pour les billets, c’est par ici.
Irrésolution
Et Andy n’est pas seul. Car qui marche d’un pas sûr et typiquement hollandais sur la Flandre ? Qui avez-vous vu cette semaine sur tous les abribus et en prime time avant et après les émissions les plus populaires de la nouvelle saison télévisuelle flamande ? Qui s’est attaché les services de la grande Sofie Dumont ? Crisp, en effet. Le marché du frais en ligne ne se contente pas de humer la température : il vient pour gagner. Ils ne le cachent pas.
En tout cas, Crisp enregistrerait déjà plusieurs milliers de commandes chaque semaine et a donc logiquement décidé de mettre le paquet, crise ou pas. Du bluff ? L’application est en tout cas beaucoup plus conviviale que celle de n’importe quel supermarché. Téléchargez-la et apprenez des meilleurs, mesdames et messieurs. L’assortiment est également à saluer : vraiment distinctif et en provenance directe du producteur ou de l’artisan. Pas outrageusement cher non plus. Pas qu’ils pourraient concurrencer Aldi, mais de quoi viser la clientèle des supermarchés.
Le contraste est frappant avec les initiatives de circuit court comme Lokkal, malgré toutes leurs bonnes intentions. Ou avec Rayon, la boutique en ligne sans application presque invisible de Colruyt Group, où ce n’est pas la première fois qu’on élève l’irrésolution au rang d’art. Bien sûr, cette tête brûlée de Tom Peeters pourrait se fracasser sur le mur des réalités l’année prochaine. Mais l’heure n’est pas à se reposer sur ses acquis, pas vrai ? Eh bien prouvez-le ! À la semaine prochaine !