Recul dramatique de la rentabilité
Entre 2010 et 2013 la rentabilité de Delhaize Belgique a diminué de 30%, indique le tout nouveau CEO belge Denis Knoops lors d’une conférence de presse suite au plan de réorganisation annoncé aujourd’hui par Delhaize. Dans les magasins en gestion propre il est même question d’une chute de 70%.
Pour expliquer ce recul, le groupe évoque le climat économique faible, le changement de comportement du consommateur, son handicap salarial face à ses concurrents et la concurrence accrue sur le marché belge. « La crise a radicalement changé le comportement du consommateur. Ces dernières années le marché belge est devenu l’un des plus concurrentiels en Europe », souligne Knoops.
« Le prix est un facteur déterminant », poursuit-il. « Sans oublier l’arrivée de nouveaux acteurs : aujourd’hui notre pays compte huit grands distributeurs, alors qu’il y a quelques années ils n’étaient que six. » De plus le consommateurs est bien plus attentif aux prix, avec pour conséquence une hausse des ventes de marques maison, mais également une augmentation des parts de marché des hard discounters.
Le segment moyen disparaît
Selon les chiffres de Nielsen publiés l’an dernier, la part de marché du hard discount en Belgique se situe aux alentours de 20%. Ce pourcentage témoigne du changement de comportement du consommateur, estime Jorg Snoeck, fondateur de RetailDetail : « Le segment moyen disparaît : ce groupe de consommateurs autrefois dominant est en forte baisse. Actuellement on voit émerger un nouveau consommateur totalement différent. Rien qu’en voyant les étudiants diplômés d’aujourd’hui par rapport à il y a dix ans, il est clair que le secteur du retail doit s’adapter aux nouveaux comportements et attentes des consommateurs. »
« Suite à la crise nous n’achetons plus ce que nous voulons comme autrefois, mais uniquement ce dont nous avons besoin. Aujourd’hui on voit apparaître ce qu’on appelle les ‘smart shoppers’ », poursuit Snoeck. « Il n’est pas rare de voir quelqu’un en Porsche faire ses achats à l’Aldi. Tout le monde recherche le meilleur prix et il est même considéré comme ‘branché’ de ne pas s’en cacher. »
Tout ceci se traduit dans les parts de marché, et ce au détriment des acteurs classiques du segment moyen, tels que Carrefour et Delhaize. Voici quelques chiffres de Marketing Map pour illustrer cette tendance : en 2005 le soft discounter Colruyt dépassait Delhaize en parts de marché. Entre 2001 et 2012 la part de marché des supermarchés Delhaize (y compris les magasins franchisés) a régressé de 19,2% à 18,5%. La part de marché des magasins en gestion propre (donc sans les entrepreneurs indépendants) quant à elle a chuté de 13,2% à 10,7% durant la même période. A l’inverse Colruyt a vu sa part de marché augmenter de 13,6% à 22,2%.
Handicap salarial historique jusqu’à 33%
Suite à tous ces facteurs, les marges dans les supermarchés en gestion propre sont devenues « intenables », selon Knoops, qui ajoute toutefois que les magasins affiliés, c’est-à-dire les magasins franchisés, sont moins touchés. Comment expliquer cette différence ? En raison des coûts salariaux élevés du personnel dans les magasins en gestion propre, estime le groupe. Ainsi le handicap de coûts concernant les conditions de travail et de rémunération se situerait entre 16 et 33% par rapport aux concurrents.
Delhaize – pour se distinguer de la concurrence – a opté pour un assortiment plus large et pour la qualité du service à sa clientèle, ce qui nécessite davantage de personnel que chez bon nombre de ses concurrents. Songez par exemple aux employés travaillant à l’accueil ou encore aux bouchers et boulangers ‘in-store’.
Par ailleurs Delhaize indique avoir accordé un nombre historiquement élevé « d’extras » à ses employés, ce que n’ont pas fait ses concurrents. A titre d’exemple, Knoops évoque les pauses payées des employés de magasin, qui à elles seules représenteraient pour Delhaize un handicap salarial de 7% par rapport à ses concurrents.
« Réagir maintenant qu’il est encore temps »
Selon le distributeur, la seule solution est de réduire les coûts de manière draconienne. A cet effet, Delhaize Belgique envisage dans un premier temps la suppression de 2.500 emplois et la fermeture de 14 magasins non-rentables. Et ce n’est pas tout. Alors que les licenciements toucheront uniquement les employés de magasin et le personnel des services centraux (pas les ouvriers, ni les cadres), Delhaize prévoit également d’ajuster les conditions de travail et de rémunération de l’ensemble de son personnel.
Selon Knoops, il faut absolument améliorer l’efficacité, notamment dans les centres de distribution, et ce grâce à des améliorations techniques et l’optimalisation des processus. « Aujourd’hui nous pouvons encore réagir, nous devons donc agir dès maintenant. Tout le monde sera touché par nos plans de transformation. »
Dans un premier temps Delhaize devra récolter 475 millions d’euros en vue de les réinvestir dans le déploiement accéléré de sa nouvelle stratégie commerciale. A cet investissement viendront s’ajouter les économies nécessaires annoncées précédemment par le président du groupe Frans Muller, mais dont les détails n’ont pas encore été communiqués.
Traduction : Marie-Noëlle Masure