La solution à la crise actuelle ne réside pas dans des baisses de prix aveugles, mais dans une innovation réfléchie, affirme Olivier Lemay (P&G). Car le consommateur accepte toujours de payer pour des produits de qualité supérieure. « Nous disposons d’un énorme pipeline d’innovations pour les années à venir. »
« Supériorité irrésistible »
« Nous n’ignorons pas le débat sur la hausse des prix. Je comprends que nos clients misent désormais sur le pouvoir d’achat », déclare Olivier Lemay, Country Leader pour la Belgique chez Procter & Gamble depuis le 1er janvier 2021. « Les marques de distributeur vont probablement gagner du terrain, mais le besoin d’innover demeure. Nous en sommes convaincus : il ne faut pas tout miser sur le prix. Nous allons réduire les coûts là où c’est possible, mais il n’est pas question de désinvestir, au contraire : nous voulons passer à la vitesse supérieure au niveau de l’innovation. Nous avons un énorme pipeline pour 2022-2023. »
P&G a déjà introduit une gamme de premiers prix, rappelle-t-il, mais l’initiative n’a pas porté ses fruits. Afin de créer de la valeur à la fois pour le consommateur et pour la catégorie, le groupe privilégie dès lors une stratégie de « supériorité irrésistible » : « Je suis persuadé que nous devons continuer à commercialiser des produits plus performants, avec un conditionnement de qualité supérieure, une meilleure communication… »
Retournement de tendance
Il cite notamment les tablettes pour lave-vaisselle Dreft Platinum Plus, qui sont encore plus efficaces et donc vendues à un prix plus élevé. Ou au détergent Dreft Max Power, dans un emballage antifuite révolutionnaire. « Nous ne l’avons lancé qu’en février et il atteint déjà une part de marché de 20 % dans sa catégorie chez certains clients ! »
La pandémie n’a pas été une période facile pour P&G. Elle a certes été marquée par une forte croissance dans l’alimentation, mais le confinement a beaucoup pesé sur d’autres catégories comme les produits de rasage et les lessives. La tendance est cependant en train de s’inverser : Les assouplissants ont renoué avec la croissance : +2 %. Nous sommes désormais leader sur le marché belge. »
P&G mise notamment sur des promotions personnalisées pour stimuler les achats d’essai de ses produits innovants. « Nous disposons d’une vaste base de données de consommateurs. Les promotions sont indispensables, mais elles doivent être réfléchies. Les Belges sont de grands utilisateurs de coupons de réduction. »
Offre en ligne
Le paysage du retail ne cesse d’évoluer. L’e-commerce a explosé pendant la pandémie, y compris pour les produits de grande consommation. P&G est très présent en ligne : « Chez nos clients, mais aussi sur les grandes plateformes. En Belgique, l’e-commerce était sous-développé, mais il est désormais en plein boom. Les Belges achètent désormais 20 à 30 % de leurs couches en ligne. Grâce à notre expertise, nous pouvons aider les retailers à optimiser leur offre en ligne et à opter pour la bonne stratégie promotionnelle. Nous entrevoyons toujours un fort potentiel à condition d’améliorer la coopération. En ligne, les consommateurs ont également tendance à acheter des produits de qualité pour des montants plus élevés, comme nos brosses à dents électriques haut de gamme ou des capsules de lessive. »
La proximité a également le vent en poupe, constate P&G. « Nous avons beaucoup travaillé sur l’assortiment et nous avons investi dans nos équipes de vente pour couvrir ce canal. Dans les plus petits magasins, il est crucial de faire les bons choix. Nous accompagnons les commerçants dans ce processus. Les ventes y sont moins motivées par les promotions. »
Trois grandes tendances
Olivier Lemay nous accueille dans le Consumer Lounge, un bâtiment du campus P&G où les marketeers reçoivent chaque année un millier de consommateurs pour discuter des produits et de leur comportement. « Nous sommes présents à Strombeek-Bever depuis 1963. C’est LE centre de recherche et de développement de P&G pour les détergents et lessives que nous vendons dans la quasi-totalité du monde, en dehors des États-Unis. Un millier de personnes de 40 nationalités y travaillent – dont 700 scientifiques et ingénieurs. Nous sommes une véritable machine à innover : les capsules de lessive ont été inventées ici, comme le Dreft Max Power. Saviez-vous que le logo d’Ariel était inspiré de l’Atomium tout proche ? Cette marque a été créée ici et c’est maintenant la plus grande marque de lessive en Europe. »
Le géant du FMCG, qui n’a pas son égal pour prendre le pouls des consommateurs, constate que même après le Covid, trois grandes tendances conservent leur pertinence sur le marché de la grande consommation. « Tout d’abord, les consommateurs ont envie de se faire plaisir et d’essayer de nouvelles choses. En Belgique, 25 % des consommateurs disent y attacher de l’importance, ce qui est plus qu’en 2016. Nous devons donc continuer à innover. »
« Une illustration ? En 2021, la brosse à dents électrique la plus vendue en Europe était la Oral B iO, une ligne performante et avancée, mais aussi plus chère, avec des prix conseillés à partir de 200 euros. Un autre succès est Ariel Black, une lessive pour les vêtements noirs et sombres. Nous avons été les premiers à lancer un tel produit au Benelux. Je pense aussi à la ligne King C de Gillette, pour un soin digne d’un barbier : tondeuses, baumes, huiles de soin… »
Hygiène et durabilité
La deuxième tendance est la demande de protection et d’hygiène, en forte hausse depuis la pandémie : 40 % des consommateurs y attachent de l’importance. « Nous avons constaté une forte croissance des produits de nettoyage. Dans la lessive, nous avons lancé Dash Platinum et Ariel Ultra, avec une formule hygiénique qui reste efficace à basse température. Nous devons bien expliquer les avantages de nos propositions : si vous optez pour un programme court à 30°, vous consommez moins d’énergie et gagnez du temps. »
La troisième tendance, c’est la demande d’une consommation plus responsable, avec un impact réduit sur l’environnement. Elle est importante pour 56 % des consommateurs. « Nous avons introduit les protège-slips et les serviettes hygiéniques Always avec une couche supérieure en coton biologique. Nous avons également apporté une innovation pertinente dans la catégorie des couches jetables : P&G a développé Pampers Harmony, avec des ingrédients à base de plantes, et Pampers Harmony Hybrid, des couches en partie réutilisables, en partie jetables. Elles ont un côté extérieur lavable et réutilisable. »
Pour P&G, le développement durable n’est pas un simple slogan, poursuit Olivier Lemay. « Dans notre secteur, nous évoquons souvent une situation gagnant-gagnant-gagnant qui bénéficie à la fois au fournisseur, au retailer et au consommateur. Mais nous voulons y ajouter un quatrième gagnant : la société. C’est pourquoi nous nous attaquons à nos émissions : l’objectif est d’atteindre la neutralité CO2 d’ici 2030 et le zéro émission nette en 2040. »
Cycle de vie
Comment la multinationale compte-t-elle y parvenir ? « Tout d’abord, nous voulons 100 % d’emballages recyclables ou réutilisables à l’horizon 2030. Nous réduisons de 50 % l’utilisation de plastique vierge dans nos emballages. Vous avez peut-être remarqué que nos systèmes de rasage Gillette sont présentés dans des emballages en carton depuis l’année dernière. Nos usines en Europe tournent entièrement à l’électricité renouvelable. Nous avons également lancé des recharges pour le shampooing Head & Shoulders. Enfin, nous utilisons de plus en plus d’ingrédients naturels, comme dans les assouplissants d’origine végétale Lenor. »
Mais il ne s’agit pas seulement d’ingrédients et de matériaux d’emballage : « Si nous analysons l’ensemble du cycle de vie de nos produits, nous constatons que leur utilisation par les consommateurs à la maison a également un impact environnemental majeur. Beaucoup de Belges lavent leur linge à des températures trop élevées, par exemple. Dash a mené une campagne en collaboration avec National Geographic pour promouvoir les lessives à 30°. Nous avons lancé la première capsule capable de garantir un résultat impeccable à basse température. C’est une petite prouesse technologique, avec trois liquides différents dans une capsule soluble dans l’eau. Pour la vaisselle, nous recommandons d’utiliser plus souvent le cycle court. Nos tablettes seront à la hauteur. Évitez également le prélavage, il n’est pas nécessaire. »
Rôle social
P&G est un des plus grands annonceurs de Belgique. Cette position implique une grande responsabilité, estime Olivier Lemay. « Nous avons un rôle social à jouer et pouvons toucher de nombreuses personnes. Avec Always par exemple, nous luttons contre la précarité menstruelle. Une personne sur quinze n’a pas les moyens de se procurer des produits menstruels. Parmi elles, on trouve de nombreuses filles scolarisées, qui restent alors chez elles et manquent l’école. Nous avons déjà fait don de 500 000 produits. »
Et le nouveau visage de la marque de soins capillaires Pantène est un modèle transgenre : la danseuse de ballet Nora Monsecour, dont l’histoire a inspiré le célèbre film Girl.
Malgré l’époque turbulente, Olivier Lemay reste optimiste. « Quand je suis arrivé ici en janvier 2021, il y avait encore beaucoup de restrictions sanitaires. Ce n’était pas facile : notre organisation recrute un grand nombre de jeunes collaborateurs, et ils ne pouvaient pas se rencontrer. Entre-temps, nous avons également dû intégrer les collègues de Merck (dont P&G a acquis les activités grand public en 2018, NDLR). Heureusement, il est aujourd’hui possible de revenir au bureau, l’organisation revit. »