Une nouvelle étude prouve que les groupements d’achat entraînent effectivement une baisse des prix pour les consommateurs : les clients de la chaîne de supermarchés allemande Edeka ont payé en moyenne 12 % de moins pour les produits que le retailer a achetés par le biais de l’alliance AgeCore.
Des alliances controversées
Les alliances d’achat internationales des food-retailers européens sont controversées : selon certaines marques, elles ne servent qu’à augmenter les marges bénéficiaires des chaînes de supermarchés impliquées et accroissent les coûts d’approvisionnement. Selon les retailers en revanche, ces alliances sont indispensables pour créer des conditions plus équitables dans les négociations avec les multinationales et réduire les prix de vente dans les magasins.
Jusqu’à présent, peu de preuves empiriques venaient étayer cette affirmation. Une étude récemment publiée par Marcel Corstjens, professeur à l’INSEAD, une célèbre école de commerce parisienne, change la donne. L’étude, intitulée International Retail Buying Groups : A Force for the Good?The case of AgeCore/EDEKA, examine si l’adhésion d’EDEKA, leader du marché allemand, à l’alliance d’achat internationale AgeCore avait conduit à une baisse des prix à la consommation grâce à de meilleures conditions d’achat (EDEKA a entre-temps quitté l’alliance pour fonder un nouveau groupement baptisé Epic Partners, NDLR).
Baisse des prix de 12 % en moyenne
L’étude compare les prix en magasin des produits négociés par AgeCore avec ceux de produits qui n’ont pas été négociés par l’alliance. Et elle ne fait pas dans la demi-mesure : l’étude couvre un total de plus de six millions de données scannées pour 138 000 unités de gestion des stocks (UGS) dans 20 catégories de produits alimentaires, sur la base d’observations mensuelles sur une période de six ans. La méthode a encore été affinée en fonction du chiffre d’affaires et de la catégorie de produits afin d’éviter les surestimations indésirables.
Qu’en ressort-il ? Les prix de vente mensuels des UGS d’une catégorie de produits spécifique négociée par AgeCore sont en moyenne 12 % inférieurs à ceux des UGS similaires non négociées par AgeCore. L’effet varie de -36 % dans la catégorie des surgelés à -6 % pour les snacks. Dans certaines catégories – les boissons, par exemple –, les prix AgeCore sont plus élevés. Seules trois catégories de produits ne présentent aucun effet statistiquement significatif : les produits de boulangerie, les produits laitiers végétaux et la charcuterie.
Ruissellement
Les résultats de cette étude sont conformes à ceux d’études précédentes sur l’effet des groupes d’achat. En 2019, des recherches avaient montré qu’en France, le prix de l’eau en bouteille avait baissé de 7 % à la suite de négociations menées par trois groupements d’achat nationaux. Et une étude de 2020 sur l’alliance entre Metro et Auchan avait révélé une baisse de 5 à 7 % des prix en magasin – également en France.
Cette nouvelle étude est cependant – et de loin – la plus complète de ce type. Même si des recherches plus approfondies sont nécessaires pour identifier les facteurs qui pourraient être à l’origine des exceptions dans certaines catégories, « il semble raisonnable d’affirmer que les groupements d’achat internationaux de retailers contribuent effectivement à accroître la concurrence et à uniformiser les règles du jeu dans les négociations entre les food-retailers (principalement) nationaux et les fabricants multinationaux de produits de marque, et que cette amélioration des conditions d’achat entraîne, par un effet de ruissellement, une baisse des prix moyens à la consommation », conclut le rapport