Bien entendu, la presse du régime a bien pris soin d’occulter la véritable raison pour laquelle le leader du marché a modifié ses prix rouges. Classique. Filet Pur, en revanche, vous donne une leçon de communication et dévoile la triste vérité. Exclusif !
Gorilles dans la brume
Ces livreurs express autoproclamés le découvrent : un reality check n’a rien à voir avec un chèque en blanc. Ceux qui étaient sur le point de bouleverser l’industrie de la grande distribution sont à leur tour victime d’un phénomène disruption. De disruption financière, plus précisément : les investisseurs ont perdu l’appétit du risque et les consommateurs n’ont plus d’argent après leur dernière facture d’énergie.
Conséquence ? Les rois du quick commerce tombent de leur trône. C’est d’abord Gorillas qui s’est retrouvé dans la brume, avec l’annonce d’une restructuration majeure de son siège berlinois. De plus, « toutes les options sont envisagées » pour les activités qui ne sont plus prioritaires – dont les belges. Quand une entreprise utilise cette expression, vous savez ce qu’il est…
À l’ancienne
Côté Turc, le tsunami est encore plus violent : chez Getir, qui compte pourtant quelques années de plus au compteur, ce sont 4500 lettres de licenciement qui ont été envoyées. En Grande-Bretagne, Zapp – nettement plus petit – a décidé de se replier sur Londres. Des vents contraires se lèvent d’un peu partout à la fois : villes qui interdisent les dark stores dans les zones résidentielles, syndicats qui exigent des contrats de travail en bonne et due forme pour les coursiers à vélo, consommateurs qui surveillent leurs dépenses, investisseurs en capital-risque qui ne veulent plus prendre de risque…. Le tout dans un monde où l’inflation atteint des niveaux stratosphériques et les perspectives macroéconomiques s’effondrent.
Les livreurs express disparaîtront-ils du marché aussi vite qu’ils sont apparus ? Peu probable. Inflation ou pas, les consommateurs restent des enfants gâtés. Le marché – ou du moins la niche – existe. Mais il semble clair que le mouvement de consolidation qui avait déjà commencé à se dessiner prend de l’ampleur. L’avenir de la livraison express réside peut-être dans un partenariat plus étroit avec le bon vieux supermarché – éventuellement par le biais de simples fusion-acquisitions à l’ancienne. Wait and see.
Plein le c*l
Colruyt a également eu droit à son reality check la semaine dernière. Qu’espéraient-ils ? Qu’ils allaient s’en sortir avec ce « noir sur blanc » ? Que cet ajustement soi-disant mineur de la communication des prix passerait inaperçu avec ce long week-end ensoleillé ? Que les consommateurs et les analystes laisseraient passer cette nouvelle interprétation de la notion « prix rouges », un demi-siècle plus tard ? Et ce, dans une période d’inflation sans précédent, de concurrence accrue sur les prix et de diminution effrayante des marges ?
Si, à notre avis, ils n’ont pas vraiment à se plaindre du traitement que leur a réservé retaildetail.be, les porte-paroles ont passé leur temps à dénoncer les « raccourcis » des médias sur les réseaux sociaux. Un message mal compris, intentionnellement ou non. Des spéculations déplacées, etc. L’une d’elles a même écrit en avoir « plein le c*l » (l’original, en néerlandais : « stenen kl*ten »). Littéralement. Nous pensions pourtant la connaître comme quelqu’un de sympathique, calme et bien élevée. Comme quoi…
Je ne sais pas si Jef tolère ce genre de langage, mais hé, qu’ai-je appris à l’unif il y a bien longtemps, à l’occasion de mon premier cours de communications ? Si le destinataire ne comprend pas le message, c’est peut-être à l’autre bout que se situe le problème : l’expéditeur aurait dû s’exprimer plus clairement. Et dans la situation qui nous occupe, c’est sans doute au moins en partie le cas.
Deuxième lecture
Parce que d’accord, les propres promotions de Colruyt seront désormais un peu mieux mises en valeur. C’est vrai et ce n’est pas idiot dans le contexte d’une guerre de perception. Mais c’est une réflexion du point de vue du détaillant. Les clients, de leur côté, peuvent se sentir un peu trompés à présent qu’ils ne voient plus quand Colruyt abaisse ses prix en réaction à une manœuvre sournoise d’un vil concurrent. Et c’est ce qui pose un problème.
Encore plus déroutant : manifestement, la communication interne et externe sur l’initiative halloise n’était pas parfaitement synchrone. La version « officielle » provenant du siège social du Wilgenveld n’évoque qu’une simplification de la communication qui profitera à tous. Simple. Mais nous pouvons déduire des débats qui ont enflammé divers médias sociaux qu’il existe une autre lecture. Et c’est là que cela devient vraiment intéressant.
Fausses soldes
De fidèles employés du groupe Colruyt, qui se qualifient d’ailleurs fièrement de « Colruytgroupies », sont montés au front. Ils ont fait feu de tout bois pour défendre la décision de leur employeur. Et ils ont insisté de manière très marquante sur un argument que le communiqué de presse passe étonnamment sous silence : la loi.
Plus précisément la traduction belge de la fameuse directive européenne Omnibus, qui oblige depuis samedi les commerçants à inclure un prix de référence – le prix le plus bas des 30 derniers jours – chaque fois qu’ils accordent des remises. Histoire d’empêcher les « fausses soldes » ou les abus du Black Friday. Vous connaissez la chanson : des escrocs prennent bien soin d’augmenter leurs prix avant d’afficher une réduction de 70%. La pratique est désormais interdite. OK, mais quel est le lien avec la disparition des étiquettes rouges « en réaction à la concurrence » ? Nous nous sommes aussi posé la question.
Formerly known as Prix Rouges
Et comme le savait déjà ce bon vieux Socrate, comprendre la question apporte déjà la moitié de la réponse. Vous nous suivez ? Quand Colruyt baisse le prix d’un produit en réponse à l’action d’un concurrent, le discounter doit désormais également mentionner le prix le plus bas du mois écoulé. Mais comme Colruyt garantit de toute façon les prix les plus bas, il y a de fortes chances que ce prix réduit, anciennement connu sous le nom de prix rouge, ne soit guère inférieur au prix d’il y a deux ou trois semaines, par exemple : il y a toujours une action quelque part, et Halle réagit toujours.
Autrement dit : Colruyt devrait désormais reconnaître ouvertement qu’un grand nombre de ces prix rouges ne sont pas aussi rouges qu’on pourrait le croire. Plutôt orange pâle, en fait. Comme dans : « nous avons réduit le prix d’un centime en réponse à un concurrent. » Exemple fictif, je le reconnais, mais quand même. Essayez d’aller à la guerre (des prix) avec ça : vous ne ferez pas grande impression, même si le message est 100% correct.
Déception
Il n’est donc pas totalement incompréhensible que l’équipe marketing de la chaussée d’Enghien ait décidé, la mort dans l’âme, d’abandonner ses prix rouges. Et ait ensuite conçu un cadre de communication ingénieux pour vendre cette modification plutôt radicale de la philosophie du prix le plus bas au fidèle détenteur d’une carte Xtra. Ainsi qu’aux investisseurs, analystes, journalistes critiques et autres vermines…
C’est peu de le dire : le message n’est pas trop bien passé. Les spéculations sur la fin de la garantie du prix le plus bas n’ont cessé de déferler. Et ce, deux semaines avant la publication des résultats. Mauvais timing. Sauf pour ceux qui veulent acheter des actions Colruyt au prix le plus bas. C’est le moment, je pense.
Mal aux yeux
D’ailleurs, vous savez depuis longtemps ce que nous pensons du fond du problème : notre Grand Timonier prédit depuis environ cinq ans la fin du prix le plus bas – un principe tout simplement intenable, et d’ailleurs dénué de toute pertinence. Jusqu’à présent, on nous a royalement ignorés à Halle. Du moins c’est ce qu’ils prétendent. Pour combien de temps encore ?
Oh, et encore ceci : déjà la nouvelle collection de vêtements Festivaldi fait mal aux yeux, mais ils ont opportunément oublié une composante vestimentaire essentielle à Erpe-Mere. Heureusement, Lidl a eu la gentillesse de nous le faire remarquer, par le biais d’une photo amusante sur Facebook. S’il est permis de jurer, autant y aller à fond. À la semaine prochaine !