Les hausses des prix ? Les marques en ont besoin, les consommateurs adorent. Vraiment ? Oui, c’est le principal enseignement de cette semaine dans le food-retail. Petit fact-checking, la spécialité de Filet Pur.
Tout le monde est content
Cette semaine, nous avons eu droit à une nouvelle série de résultats trimestriels des grands acteurs de l’agroalimentaire. Avec un fil conducteur : tous cherchent leur salut dans des hausses des prix. De sacrées hausses, d’ailleurs. Et ce n’est qu’un début. Mais jusqu’ici, ça marche : pas un centime de perdu. Manifestement, les consommateurs adorent quand les prix flambent. La Bourse aussi. Alors, tout le monde est content ?
Ou pas ? Tout a commencé lundi, quand on a appris que le Coca-Cola avait augmenté de 7%. En moyenne, certes, et on sait que les moyennes ne veulent rien dire (l’être humain moyen n’a-t-il pas un testicule et un sein ?), mais quand même. Malgré ces hausses de prix, les volumes ont augmenté de 11%. Conclusion ? Si nous augmentons encore nos prix, nous vendrons encore plus. Logique. D’ailleurs : la guerre en Ukraine n’a eu aucun impact sur le géant des boissons gazeuses. On note.
Accros
La hausse des prix des matières premières non plus : après tout, 98% de ce qu’ils vendent est de l’eau. Seules les cannettes peuvent devenir un problème. Combien de temps pourront-ils continuer à ce rythme ? Au moins jusqu’à ce qu’ils se fassent racheter par Elon Musk. Car c’est ce qu’a tweeté le (presque) nouveau propriétaire de Twitter cette semaine, et on ne sait jamais s’il faut le prendre au sérieux.
Quand Coca-Cola fait l’actualité, PepsiCo ne peut rester en retrait. Avec un message légèrement différent : la fameuse « opération spéciale » déclenchée par M. Poutine pourrait coûter au groupe la modique somme d’un demi-milliard de dollars. Merci, Vlad ! Comment vont-ils payer la facture ? C’est évident : en augmentant les prix. Car ses activités sont « résilientes », pour reprendre les termes de la multinationale. Un euphémisme pour dire que les consommateurs restent accros aux boissons gazeuses et aux chips, quoi qu’il leur en coûte. Les affaires roulent.
Nuage
Mondelez en arrive à la même conclusion. Le fabricant de biscuits doit faire face à une brutale hausse des coûts consécutive à la fermeture de deux usines en Ukraine – dont la ligne de production de Cent Wafers, délocalisée de Belgique l’année dernière. La facture pourrait atteindre un peu moins de 400 millions de dollars sur l’ensemble de l’année. Et donc ? « Nous nous voyons contraints d’augmenter encore les prix sur plusieurs marchés. » Sans blague. Le réconfort du chocolat n’a pas de prix. Et on ne peut pas s’en passer, de toute manière…
On ne peut pas non plus se passer de savon, d’ailleurs. Et on le sait parfaitement chez Unilever. Qui a augmenté ses prix de 8,3% dans le monde entier. Et même de 12,5% pour les produits de beauté et de soins. De quoi dissuader les consommateurs ? Hum, un peu quand même : les volumes ont baissé de 1%. Le premier nuage noir dans un ciel par ailleurs bleu azur ? Nous le saurons bientôt : les prix continueront à augmenter au cours du second semestre, affirme la multinationale. D’accord. On verra bien…
Idiot et paresseux
Heureusement, les consommateurs ne sont pas seulement idiots, ils sont aussi paresseux. Malgré la récente hausse de ses tarifs, HelloFresh se porte ainsi très bien sur tous les fronts : chiffre d’affaires, nombre de clients, nombre de commandes par client et valeur moyenne des commandes sont en hausse. Une formule magique dopée par la hausse des prix. Autrement dit : nous savons ce qui nous attend pour les trimestres à venir.
D’autant plus que les ingrédients de ces repas hautement instagrammables augmentent aussi, et pas qu’un peu. Il suffit de voir les récentes hausses de prix dans nos supermarchés. Les tomates, par exemple, ont augmenté d’un tiers : le gaz dont ont besoin les horticulteurs pour chauffer leurs serres est hors de prix. On sait aussi ce qu’il en est des pâtes et l’huile de friture. Même le café et la moutarde s’envolent. Les consommateurs attentifs aux prix devraient manger des fruits, pas des pizzas. Et pas uniquement pour leurs qualités nutritionnelles.
Vive la crise !
Ou pas ? Pour la Banque mondiale, c’est clair : les prix se maintiendront à des niveaux historiquement élevés au moins jusqu’à la fin de 2024. Nous revivons la crise des années 1970, disent de leur côté les experts financiers. Carrément. Je suis assez âgé pour me rappeler plus ou moins les 70’s, et j’ai une bonne nouvelle : la crise a été à l’origine d’une explosion de créativité sans précédent – surtout à partir de 1975, quand le punk, la new wave et le disco ont révolutionné non seulement la musique, mais aussi la mode et les arts visuels. Sans parler de la vie nocturne. J’en salive d’avance !
Manifestement, il y a aussi des nostalgiques chez Colruyt. Cette semaine, le leader du marché a accueilli Studio Brussel à Halle pour l’émission StuBru at Work. Ce qui implique que les quelque 33 000 employés ont pu choisir leurs chansons préférées. Une idée désastreuse, car il y a toujours quelqu’un pour proposer les affreux de Coldplay, voire du Rammstein. Le choix de Jef (une improvisation de trente-trois minutes de Ravi Shankar) n’a pas été retenu. Et qui était numéro un ? Eh oui : Don’t stop me now. De Queen. En 1978. CQFD. À la semaine prochaine !
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