Les commerces des zones touristiques ont perdu près d’un quart de leur chiffre d’affaires en 2021 par rapport à 2019 ; dans les grandes villes, le recul s’établit à 14,5%. Les consommateurs ont consacré moins de temps au shopping et ont fait leurs achats plus près de chez eux, privilégiant – plus encore qu’avant – la facilité.
Jamais aussi ciblé
« Le shopping n’a jamais été aussi ciblé », conclut RetailSonar. Le spécialiste de l’analyse des emplacements commerciaux a comparé les données commerciales de plus de 650 commerces en Belgique avec celles du marché, des algorithmes d’IA et les résultats de l’année 2019, avant la pandémie. Plusieurs tendances claires, et peut-être durables, se dessinent.
Par exemple, la pandémie a réduit la fréquentation des magasins. Et quand les Belges se sont rendus dans les magasins, ils ont ciblé leurs achats : ils y ont ainsi passé moins de temps, mais y ont dépensé davantage. Dans le non-food, la fréquentation a baissé de 9%, mais les dépenses des clients ont augmenté de 5%. Comme l’horeca est resté fermé pendant une grande partie de l’année 2021, ce n’est pas le cas dans le foodretail, mais les consommateurs ont passé en moyenne trois minutes de moins dans les supermarchés. Dans le non-food, les visites des magasins ont duré sept minutes de moins en moyenne.
Même en ligne, les consommateurs ont gagné en efficacité : les retours ont baissé de 2,5% (mode) et 1,5% (autres produits non-food) par rapport à 2019. Les montants des achats ont pourtant augmenté de 5%. L’achat moyen atteint 54 euros dans les boutiques de mode en ligne, 51 euros pour les autres articles non-food.
Commodité
« Ce shopping ciblé est directement lié au souhait des consommateurs de faire leurs achats de la manière la plus efficace, la plus pratique et la plus sûre possible. Les emplacements les plus accessibles et les magasins qui proposent un parcours client hors connexion fluide ont été plus performants que jamais », poursuit RetailSonar. Les commerces centrés sur la commodité ont vu leurs résultats progresser de 24% par rapport à l’année précédente, tandis que ceux qui privilégient l’expérience n’ont pas atteint leurs objectifs.
Les commerces de périphérie (regroupements de magasins de meubles, moyennes surfaces sur les voies d’accès, parcs commerciaux) sont toujours en plein essor : après une croissance moyenne de 6% en 2020, leurs ventes ont augmenté de 4% en 2021. L’explication ? « Le côté convenience est très marqué, l’inoccupation est presque nulle et il y a beaucoup de parking et d’espace. »
Les magasins sans contact et automatisés opèrent une percée dans le sillage d’exemples étrangers comme Amazon Go. Nous avons ainsi vu des coins sans personnel chez Wundermart, le premier système sans caisse d’OKay et des robots pour aider les clients chez Delhaize.
Halo
Le phénomène n’est pas neuf, mais il prend de l’ampleur : les ventes en ligne enregistrent un pic depuis un an et demi. Même en période de contraintes sanitaires minimales, le chiffre d’affaires moyen en ligne a augmenté d’au moins 20% chaque mois. Les résultats progressent mois après mois, même si la hausse est moins marquée qu’en 2020. Les commerçants non-food ont vu leurs ventes en ligne augmenter de plus de moitié (54%) par rapport à 2019, alors que les ventes en ligne de produits alimentaires ont doublé (91%) en 2021. RetailSonar y voit la preuve définitive de la percée de l’e-commerce, qui atteint désormais toutes les couches de la population. C’est par exemple chez les 55-64 ans que la croissance a été la plus marquée l’année dernière.
Mais on constatera aussi que la plus forte croissance se situe à proximité des magasins physiques. Même avec la percée de la numérisation, le retail est loin d’être déconnecté de l’emplacement physique : quelque 99% des commerçants ont enregistré une augmentation de leurs ventes en ligne dans les zones proches de leurs magasins physiques.
La proximité de magasins « de briques » reste donc un avantage considérable dans la lutte contre les pure players en ligne, conclut le rapport : « Vous vendrez davantage en ligne autour de vos magasins physiques. Il faut y voir l’effet conjugué de la notoriété de la marque (vous êtes top of mind) et de la proximité (un magasin au coin de la rue suscite davantage de confiance). C’est ce que nous appelons l’effet de halo. »
Les emplacements les plus chers sont aussi les plus touchés
L’année 2021 a également été placée sous le signe du télétravail. Les voyages étaient fortement déconseillés et les écoles n’ont cessé d’ouvrir et de fermer. Les Belges ont évité les transports publics et les restaurants sont souvent restés portes closes. Ce qui n’a pas été sans conséquence pour les rues commerçantes…
Tourisme, bureaux et restaurants sont des « générateurs de trafic » typiques qui ont une influence non négligeable sur les commerces environnants. Leur disparition peut avoir un impact majeur sur le potentiel commercial théorique d’un emplacement. « 80-85% des clients des supermarchés font leurs courses près de leur domicile, 15-20% près de leur bureau. Si un client ne se rend au bureau qu’un ou deux jours par semaine, cela a évidemment un impact sur le chiffre d’affaires d’un supermarché », peut-on lire nans le rapport.
L’impact a été majeur sur les sites AAA dans les grandes villes et les centres commerciaux indoor. Les clients se déplacent moins pour faire du shopping et les régions à forte vocation touristique ont enregistré une baisse des ventes de 23%. Les magasins des grandes villes ont vu leur chiffre d’affaires chuter de 14,5% l’année dernière, bien que ce ne soit encore que la moitié du recul enregistré en 2020. Les grands centres commerciaux ont vu leur chiffre d’affaires se contracter de 7% par rapport à 2019.
Heureusement, les emplacements qui dépendent grandement des supermarchés, des pharmacies, de l’enseignement, des magasins frontaliers et/ou de l’horeca ont (presque) retrouvé leur chiffre d’affaires d’avant la pandémie. Le travail à domicile et le « click-and-collect » incitent davantage à faire ses courses localement, ce qui explique la bonne santé des petites villes depuis la pandémie. Après plusieurs années moroses, le chiffre d’affaires des retailers y a progressé de 8,5% en 2021.
Le rôle du magasin évolue
Tous ces changements affectent la fonction du magasin physique. Le magasin de briques est toujours « bien vivant », rassure RetailSonar, mais pour conserver sa pertinence en ces temps de forte croissance numérique, il doit se concentrer sur ses quatre rôles uniques :
- la convenience, qui peut se traduire de nombreuses façons, du choix de l’emplacement à l’aménagement
- l’expérience, qui reste importante dans le « parcours client » et pour laquelle rien ne vaut un magasin
- la visibilité, qui fait des magasins physiques un outil de marketing primordial
- l’omnicanal, les points d’enlèvement faisant des magasins un maillon indispensable du réseau omnicanal.
Les magasins voient ainsi leur fonction évoluer. Par exemple, le rapport prévoit des magasins moins nombreux, mais plus efficaces. Des concepts plus petits font également leur apparition. Le discounter de meubles JYSK, par exemple, prévoit d’ouvrir 400 magasins selon un nouveau concept compact, avec des rayons moins nombreux, mais plus hauts. Des enseignes comme Ikea et Kwantum optent également pour des petits magasins urbains destinés aux citadins sans voiture qui ne peuvent pas se rendre en périphérie.