Le métavers ne sera pas une reproduction 3D de notre monde réel. Il s’agit de la prise de pouvoir par les consommateurs, estime Piers Fawkes, fondateur de l’agence américaine de tendances pour le commerce de détail PSFK. Ainsi, en 2022, la résilience redeviendra une question vitale pour les détaillants.
Quels sont les principaux enseignements de 2021 ?
« J’avais insisté sur la résilience en 2021, mais il semble qu’elle reste tout aussi importante pour 2022. Une structure flexible permet aux entreprises et aux organisations de réagir au changement. Et le changement reste le mot-clé. L’été dernier, nous pensions que les inquiétudes liées au coronavirus étaient derrière nous, mais nous avons tous vu à quelle vitesse le vent a tourné. Il est donc extrêmement important de s’armer de la résilience nécessaire pour être en mesure de surmonter toutes les vagues. »
L’e-commerce retombe-t-il à des niveaux « normaux » ? Comment va-t-il évoluer en 2022 ?
« Aujourd’hui, le commerce électronique est indissociable de l’omnicanal. La vente en ligne a indéniablement eu le vent en poupe, et ce vent ne va pas cesser de souffler. La pandémie a créé un comportement qui va perdurer. Dans certains pays, par exemple, les gens hésitaient à acheter de la nourriture en ligne, mais ce n’est désormais plus le cas.
Nous voyons même apparaître de nouvelles formes progressives de commerce électronique, telles que les services de livraison rapide, qui livrent en 15 minutes. L’Europe prend résolument les devants dans ce domaine, avec des acteurs tels que Gorillas et la société française Cajoo. La question est de savoir pourquoi, en tant que consommateur, continuer à fréquenter les magasins physiques. Je n’essaye pas de dire que les consommateurs ne retourneront pas dans les magasins, mais que ce sera un choix plus conscient. »
La rapidité et le sans contact resteront-ils les mots d’ordre, ou assisterons-nous à un retour de l’expérience high-touch ?
« La fluidité et la facilité doivent être la finalité. En ce sens, les achats sans contact ne sont certainement pas un phénomène propre à la pandémie ; ils existaient déjà auparavant. L’objectif du sans-contact est d’éliminer les frictions. Les consommateurs recherchent la commodité et la rapidité, alors supprimez les points de contact là où ils peuvent constituer un obstacle. En revanche, ajoutez des points de contact là où vous vous différenciez en tant que marque ou détaillant, là où ils apportent une réelle valeur ajoutée. Une caisse, par exemple, constitue un obstacle à la fluidité, alors qu’un comptoir de service client avec du personnel peut faire la différence.
Les attentes à l’égard du magasin physique évoluent. Les gens attendent des ‘magasins intelligents’, alors que l’expérience physique est encore assez dépassée à l’heure actuelle. Malheureusement, peu de détaillants l’ont compris. Les détaillants espèrent toujours que les choses vont redevenir comme avant, alors que le fossé avec les consommateurs ne cesse de se creuser.
Par exemple, un magasin doit savoir que j’entre dans le parking pour pouvoir préparer ma commande, m’accueillir et éventuellement ajuster automatiquement les prix ou les promotions. Le smartphone rend tout cela possible, mais l’expérience en magasin n’est souvent pas à la hauteur de l’ère de l’expérience mobile. C’est pourquoi les consommateurs apprécient le commerce électronique. »
Quelle est l’importance des nouveaux modèles de vente au détail, tels que le seconde-main, les abonnements, le leasing…?
« Nous assistons à l’essor de l’‘omniconsommateur’ : un consommateur tout-puissant qui a accès à tant d’informations qu’il prend le pouvoir. Les consommateurs du monde entier se partagent des informations, mais font également du commerce ensemble. Les nouveaux outils Web3 créent des forums permettant aux utilisateurs d’acheter et de vendre en groupe, entre eux.
On peut déjà observer ce phénomène dans le streetwear et les baskets : les baskets deviennent des produits d’investissement auxquels un groupe de consommateurs est particulièrement sensible. Les gens prennent conscience de la valeur des choses et commencent à ‘consommer’ d’une façon complètement différente.
Dans ce sens, je parle aussi du métavers, qui est sur toutes les lèvres en ce moment. Selon moi, la façon dont Facebook le présente est erronée : le métavers ne sera pas une reproduction 3D de notre monde réel. Il s’agira toutefois d’un système décentralisé où les ‘communautés’ se retrouvent pour acheter, partager et communiquer. L’année dernière, nous avons vu l’application Clubhouse, aujourd’hui il y a la plateforme de chat Discord. Pour moi, ce sont des exemples de ‘métavers’.
D’ici à la fin de l’année 2022, je pense qu’il y aura beaucoup de nouvelles entreprises sur des plateformes web3. Internet se démocratise, notamment avec des évolutions comme la blockchain et les contrats intelligents. Par exemple, on pourrait imaginer que les gens aient des passeports numériques pour tout ce qu’ils possèdent. De cette façon, ils pourraient échanger, louer et revendre leurs biens en toute sécurité. Actuellement le climat de confiance n’est pas tout à fait rétabli, mais post-pandémie le potentiel est grand. »
Selon vous, comme va s’articuler la reprise du retail ?
« Cela fait trop longtemps que l’on parle d’investir dans l’expérience. Parallèlement, de nouveaux détaillants apparaissent, soit en ligne, soit dans les petites rues commerçantes et les quartiers alternatifs, chez qui tout se déroule naturellement. Leur principal atout est qu’ils construisent réellement une communauté, ce qui est formidable. Ils créent le buzz parmi leur public cible et forment une communauté soudée.
Lorsque je me promène dans New York, je trouve toutes sortes de nouveaux détaillants et de marques dont je n’avais jamais entendu parler, mais qui sont en plein essor. Je recommande à tout le monde de se promener et de découvrir ce paysage renouvelé. Investissez également dans les interactions avec vos clients et votre groupe cible. Participez vraiment à la conversation. »