Le paysage des supermarchés belges est en train de trembler, vu la fin de la coopération du Groupe Mestdagh avec Carrefour. Pas moins de 85 supermarchés sont à saisir. Qui obtiendra le butin tant convoité ? Le rédacteur en chef Stefan Van Rompaey évalue les candidats.
Un quart de tous les Carrefour Markets
« Un remembrement du marché alimentaire belge est imminente », prédit Van Rompaey, co-auteur de The Future of Food. Le Groupe Mestdagh prend une décision très radicale en rompant avec Carrefour. En mettant fin à l’accord de master franchise, l’opérateur de franchise de pas moins de 85 Carrefour Markets doit chercher un nouveau partenaire. Cela va assurément générer des remous.
Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a dû s’étouffer avec la dinde de Noël : sa chaîne voit soudain disparaître un quart de ses succursales du marché belge. La majeure partie de l’ensemble des succursales wallonnes disparaît même soudainement sans Mestdagh. Une perte sérieuse, que les mauvaises langues pourraient même qualifier de première étape du démantèlement de Carrefour en Belgique.
Une partie de poker menteur ?
Bompard va-t-il laisser faire ? Ces derniers temps, les Français se sont montrés très friands d’acquisitions et ont déjà indiqué qu’ils souhaitaient jouer un rôle dans la poursuite de la consolidation du paysage alimentaire. Bompard ne va-t-il pas ouvrir son portefeuille pour incorporer immédiatement ces Wallons rebelles ? 85 magasins supplémentaires, cela pourrait être un beau cadeau de fin d’année.
Ou est-ce exactement ce que veut Mestdagh ? Jouent-ils un habile jeu de poker menteur à Gosselies et s’agit-il surtout d’un moyen de pression ? Ce n’est un secret pour personne que le Groupe Mestdagh connaît des difficultés depuis des années. Peut-être veulent-ils avant tout de meilleures conditions ? Mais n’oublions pas que Carrefour est également actionnaire minoritaire de son franchisé renégat, ce qui ne fait que compliquer les choses.
Une opportunité unique pour AH et Jumbo
« Une chose est sûre : Mestdagh ne peut pas continuer par ses propres moyens », déclare M. Van Rompaey. Dans le paysage hyperconcurrentiel actuel, ce n’est tout simplement pas possible. C’est une opportunité unique pour Jumbo et Albert Heijn. « S’ils veulent un jour faire la différence en Wallonie, c’est maintenant ou jamais. Ils n’auront pas de seconde chance. Ils pourraient d’un seul coup avoir un empreinte significative de l’autre côté de la frontière linguistique. Il suffit de mettre la main au portefeuille. »
Van Rompaey pense que cette opportunité est réelle. Jumbo a toujours dit qu’elle nourrissait des ambitions wallonnes et qu’elle n’avait pas peur des grands rachats, comme la chaîne l’a déjà prouvé aux Pays-Bas. Albert Heijn atteint progressivement son plafond en Flandre et dispose de suffisamment de temps pour franchir le pas tranquillement.
À moins que ce ne soit Cora et Casino ?
Carrefour et les Néerlandais semblent être les prétendants les mieux placés. Mestdagh n’a d’ailleurs pas beaucoup d’autres options, à moins que Cora ne veuille relancer sa formule Match en déployant, entre autres, un concept de magasin renouvelé. Le Groupe Casino s’était également déjà invité avec Franprix. Qui sait, peut-être vont-ils opérer un mouvement de rattrapage en Belgique ?
« Mais la question est de savoir s’ils veulent investir autant sur le marché wallon en ce moment. Carrefour a clairement le plus à perdre, les Néerlandais le plus à gagner. Ce sera en tout cas une année passionnante », déclare Van Rompaey. Reste encore à voir ce que le personnel pensera de ce revirement. Cela ne va probablement pas améliorer la paix sociale dans l’entreprise.