Après les résultats semestriels décevants de Colruyt Group, les observateurs sont moroses. C’est comme chercher à la loupe des signaux encourageants dans les chiffres. Comment le détaillant peut-il remonter la pente ?
La part de marché se maintient
Les attentes n’étaient déjà pas très élevées, mais Colruyt Group a malgré tout fait moins bien. « La plus mauvaise performance jamais enregistrée », ont conclu les analystes de Barclays après la diminution du bénéfice d’un tiers. Jamais l’entreprise n’avait publié un rapport semestriel aussi morose. Jamais il n’y avait eu aussi peu de lueurs d’espoir offrant une perspective d’amélioration. Le détaillant lui-même l’admet : le résultat net « connaîtra une baisse significative à forte par rapport à celui de l’exercice précédent », indique le communiqué de presse.
Cependant, malgré une base de comparaison très difficile, le chiffre d’affaires n’a pas reculé, il a seulement stagné. Avec un peu de bonne volonté, on pourrait le voir comme un signe encourageant. En outre, les activités de supermarché du détaillant, Colruyt meilleurs prix, OKay et Spar, ne perdent plus de parts de marché. Un coup de pouce après une perte de parts de marché significative et inquiétante au cours d’une année coronavirus difficile.
Position délicate
Quelques commentaires à ce sujet : Nielsen a ajusté la manière dont cette part de marché est calculée, peut-être à juste titre étant donné la réalité changeante du marché, mais dans quelle mesure la comparabilité est-elle solide ? Les magasins Colruyt ont tout de même perdu 4,9 % de leur chiffre d’affaires. La période faste des magasins de proximité, qui ont connu leur heure de gloire pendant les confinements, semble être révolue. C’est une bonne nouvelle pour Colruyt meilleurs prix, moins pour Spar.
La pression sur les marges bénéficiaires, qui est en grande partie due à la concurrence croissante sur les prix et les promotions, est bien sûr beaucoup plus inquiétante. Avec sa garantie du prix le plus bas, Colruyt se trouve en effet dans une position délicate : il doit répondre à chaque initiative de chacun de ses concurrents, et cela coûte beaucoup d’argent. Les autres détaillants alimentaires ne le savent que trop bien : la concurrence a senti l’odeur du sang.
Guerre des prix ou de perception
Chez Ahold Delhaize, le pied ne relâche pas l’accélérateur : avec des promotions astucieuses et des offres personnalisées, la combinaison Albert Heijn–Delhaize mène la vie dure au leader du marché. En outre, le groupe fusionné fait de grandes avancées en ligne, tandis que Colruyt continue à tergiverser sur la livraison à domicile. Les discounters Aldi et Lidl maintiennent également la pression, avec une gamme changeante de marques A à prix compétitifs que Colruyt ne peut ignorer. Et Jumbo est encore modeste, mais il contraint le leader du marché à réagir à ses initiatives tarifaires.
Cette lutte se joue dans un contexte d’inflation anticipée élevée. Si, au début de l’année prochaine, les fortes augmentations des coûts se traduisent réellement par une hausse sensible des prix des denrées alimentaires, il faudra s’attendre à une guerre des prix, dans laquelle les concurrents auront le grand avantage de pouvoir se limiter à une guerre de perception, tandis que Colruyt sera tenu, pour son image et pour ses clients, d’être toujours le moins cher pour chaque produit.
La barre est de plus en plus haute
Tout cela est également une mauvaise nouvelle pour les fabricants qui sont actuellement toujours en négociation avec le leader du marché. Après les affrontements apparents avec Ferrero et Mondelez, et les désaccords moins visibles avec d’autres multinationales, ils ne pourront pas compter sur une attitude indulgente des acheteurs. Colruyt continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour préserver le pouvoir d’achat du consommateur et son positionnement tarifaire. Le directeur opérationnel, Marc Hofman, n’a récemment laissé aucune place au doute à ce sujet : il pointe notamment du doigt « des différences importantes et inexplicables entre les producteurs de produits similaires ». Un avertissement à ne pas prendre à la légère.
Cependant, le leader du marché doit également oser voir la réalité en face : dans plusieurs domaines, le numéro un a été devancé par des collègues plus rapides et plus agiles. Les mauvais chiffres ne sont que la conséquence du fait que Colruyt n’est plus le leader incontesté de son marché. Aujourd’hui, la barre est placée plus haut en matière d’expérience d’achat, de commodité et d’offre en ligne. Des initiatives récentes, comme un magasin autonome, des points d’enlèvement pour les repas frais et une plateforme de commande en ligne pour Spar, indiquent que le détaillant de Halle en est conscient mais, pour l’instant, c’est encore trop peu, trop tard. Un revirement nécessaire prendra du temps. Mais de combien de temps dispose Colruyt Group ?