Pour maintenir leur rentabilité, les pharmacies doivent se positionner comme des détaillants. Les chaînes gagnent du terrain, le commerce électronique progresse. La loi sur l’établissement devient un catalyseur de la consolidation.
Temporairement fermées
En septembre 2021, la Belgique comptait encore 5 030 pharmacies. Parmi celles-ci, 4 737 étaient ouvertes au public, tandis que 293 pharmacies étaient temporairement fermées. C’est ce qui ressort d’une analyse du spécialiste du géomarketing Sirius Insight, qui cartographie le paysage pharmaceutique belge. Un paysage qui subit un changement radical : l’importance des ventes en lignes augmente, tout comme l’impact des parapharmacies et des chaînes de pharmacies. « Les pharmaciens indépendants sont soumis à une pression croissante. Ils doivent apprendre à se positionner davantage comme des détaillants s’ils veulent préserver leur rentabilité », déclare Karolien Sottiaux.
D’année en année, le nombre total de pharmacies diminue : 83 ont disparu depuis 2017 (-1,6 %). Parallèlement, on constate une augmentation notable du nombre de pharmacies « temporairement fermées » : elles étaient 170 en 2017, contre 293 en 2021. Il y a donc 206 pharmacies ouvertes au public en moins, soit une baisse de 4,2 % depuis 2017. Néanmoins, la Belgique reste dans le top 10 européen avec 3,8 pharmacies pour 10 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 3,1.
Délocalisation ou fusion
Près de 6 % de toutes les pharmacies sont désormais fermées au public, soit 293. Par rapport à 2017, cela représente une augmentation de pas moins de 75 %. Le phénomène de ces fermetures temporaires est lié, entre autres, à la loi sur l’établissement des pharmaciens. L’ouverture de nouvelles pharmacies est en effet interdite : il faut reprendre les numéros INAMI de pharmaciens en activité et délocaliser ou fusionner les pharmacies. En prévision d’un déménagement ou d’une fusion, les pharmacies peuvent fermer temporairement, et ce même pour une période de dix ans.
Ce sont principalement les chaînes qui rachètent les numéros d’agrément des pharmacies déficitaires ou temporairement fermées. Ils sont souvent utilisés pour rouvrir des pharmacies sur des emplacements intéressants ou pour réaliser une fusion. Une modification annoncée de la loi sur l’établissement a également un impact : les pharmacies qui ne fusionnent pas auront du mal à se délocaliser plus tard. D’autre part, il serait quelque peu plus facile pour les pharmacies qui fusionnent de s’installer dans des lieux commercialement intéressants. Cela ouvre des possibilités. Les chaînes de pharmacies se préparent à ce changement depuis un moment.
Les chaînes passent à l’action
« De nombreuses pharmacies sont confrontées à un potentiel de clientèle faible à très faible, ce qui pèse sur leur rentabilité. Ce sont souvent ces pharmacies qui sont reprises. La situation est particulièrement difficile dans des régions comme Liège ou Charleroi », déclare Karolien Sottiaux. 59 % de toutes les pharmacies temporairement fermées sont situées en Wallonie. « Les pharmacies déficitaires préfèrent vendre leur numéro. Certaines chaînes en ont profité et gardent ainsi des numéros en réserve pour réaliser une fusion au moment opportun et choisir un emplacement optimal. »
En septembre 2021, 1 061 pharmacies faisaient partie d’une chaîne comptant au moins quatre pharmacies. Cela représente une part du marché national de 21 %. La part de marché des chaînes de pharmacies est la plus élevée en Wallonie et à Bruxelles. En 2021, 31 % des pharmacies wallonnes font partie d’une chaîne. Cette part est de 23 % à Bruxelles et de 14 % en Flandre. Elles sont principalement situées dans des grandes villes ou des villes moyennes. Les zones rurales sont principalement desservies par des pharmacies indépendantes.
Deux leaders du marché en ligne
Le paysage change, tout comme le comportement d’achat des consommateurs. Les données d’IQVIA révèlent une baisse de 2 % des ventes pendant la pandémie. Cette baisse concerne aussi bien les produits vendus avec que sans ordonnance. Le segment « toux et rhume » a même perdu 23 %. En revanche, les ventes de vitamines ont fortement augmenté. Les catégories comme les médicaments en vente libre et la parapharmacie sont pour bon nombre de pharmaciens un complément essentiel à la vente de médicaments vendus sur ordonnance. Mais ces deux segments sont de plus en plus sous pression sur le marché traditionnel, car les parapharmacies et les pharmacies en ligne offrent un choix plus large à des prix plus bas.
L’enquête menée par Sirius Insight montre que 25 % des consommateurs achètent occasionnellement en ligne des médicaments en vente libre, des compléments alimentaires ou des produits de soins personnels. Ce marché en ligne est dominé par seulement deux acteurs : Farmaline et NewPharma (qui fait partie de Colruyt Group). Ils comptent chacun plus de 1,7 million de visiteurs mensuels. L’écart est important par rapport à quelques acteurs de taille moyenne attirant entre 200 000 et 520 000 visiteurs par mois : PharmaMarket, Medi-Market, Multipharma et Viata. Des dizaines d’autres boutiques en ligne se partagent le reste du marché.