Les discussions de comptoir au sens propre ne sont officiellement réautorisées que depuis mercredi, et que constate-t-on ? Exact. Un tsunami d’opinions arrêtées sur les hausses de prix à venir. Mais des arguments ? Ne soyons pas trop exigeants… Filet Pur fait la lumière sur le spectre de l’inflation. Il fallait bien que quelqu’un s’y colle.
Stratosphérique
Avec une météo propice aux apéros en terrasse, la levée des dernières mesures sanitaires ou presque et le retour de nos petits bouts de chou à leur place – à savoir sur les bancs de l’école et non à la maison qui sert désormais de bureau –, l’humeur ne peut être qu’au beau fixe. Ce qui n’est pas sans danger : la bonne humeur rend plus sensible aux absurdités, ai-je lu cette semaine dans le journal. C’est apparemment scientifique. Mais attention, car s’il y a pénurie de matières premières, lesdites absurdités, elles, sont présentes en abondance.
Comme les prophètes de malheur. Les cours des produits agricoles atteignent des sommets stratosphériques ! Les food-retailers vont devoir augmenter la taille des étiquettes pour y caser ces prix fous ! La vie deviendra bientôt hors de prix pour le consommateur moyen !
Rien du tout
Ça mérite un petit fact-checking, non ? Parce que.. Sérieusement. De l’inflation ? Des hausses de prix historiques ? Des attaques terroristes sur le pouvoir d’achat ? Allons… Personnellement, je n’ai rien vu de tout cela. Au contraire : le lait, par exemple, n’a jamais été aussi bon marché. Il est même moins cher que l’eau. Ce n’est pas bon non plus, évidemment : les agriculteurs sont en colère contre les supermarchés, les supermarchés sont en colère les uns contre les autres, les consommateurs sont en colère sur Facebook mais se précipitent quand même chez Aldi pour faire des provisions… vous connaissez la chanson.
Ils ont d’ailleurs pu en profiter pour acheter des régimes de bananes à prix plancher. 70 cents, soit rien du tout. Quelques pièces jaunes. Mais qui y gagne encore quelque chose ? Sans doute les salariés de ces plantations en Équateur sont-ils habitués à mener une vie sobre avec une empreinte écologique réduite. Et le jeûne est sain, donc… on peut garder bonne conscience ? Voilà.
Automne brûlant
Oui, ceux qui continuent obstinément à acheter des produits de marque A peuvent avoir le sentiment de se faire avoir. Au moment de publier leurs excellents résultats trimestriels, toutes les grandes multinationales sans exception – AB InBev, Nestlé, Unilever… – se sont fendues de leur coup de semonce. Elles sont inquiètes de la hausse des prix des matières premières, qu’elles devront « inévitablement » répercuter sur leurs prix de vente aux supermarchés, et donc sur le consommateur.
Un avant-goût des futures négociations annuelles, bien sûr, mais ne mérite-t-on pas une meilleure explication ? En fin de compte, ce que les agriculteurs reçoivent pour leur dur labeur ne représente que quelques pour cent du prix à la consommation, et les chauffeurs routiers ne gagnent pas non plus des fortunes. Et malgré tout, les fabricants de produits de marque sont déterminés à creuser encore davantage l’écart de prix presque indécent avec les marques de distributeurs. Ils préféreraient le faire tout de suite, mais la plupart des directeurs des achats des supermarchés tiennent bon. La perception des prix pratiqués par les supermarchés belges est déjà assez catastrophique. Mais il est déjà certain que l’automne sera chaud.
Subtil
Et l’on observe déjà les retailers prendre position. Le ballon d’essai lancé par Lidl, par exemple, était-il sérieux ? Vont-ils réellement tenter d’appliquer des prix régionaux ? Il y a trois ans, ils se moquaient encore des écarts de prix locaux chez Colruyt, vous vous rappelez ? Ok, seuls les idiots ne changent jamais d’avis, mais quand même… D’ailleurs : si vous avez décidé de lâcher vos principes, il vaut mieux le faire lentement et en toute discrétion, comme un pet. Mais non.
Le timing est d’autant plus étrange que le leader sur marché a déjà enterré de facto le concept de local pricing en Flandre, le challenger Albert Heijn étant devenu littéralement incontournable. Mais notez le choix judicieux des mots : ils vont pratiquer des prix « régionaux », pas « locaux ». Subtil ! Faut-il traduire ? En fait, l’ancien hard-discounter annonce ainsi qu’il sera désormais un peu plus cher en Wallonie, à condition que Bébert reste à bonne distance. Communiquer clairement, c’est un métier.
Lucratif
Il n’en va pas autrement dans le reste de l’Europe. Edeka, le leader sur le marché allemand, n’a manifestement pas du tout l’intention de se laisser marcher sur les pieds : il a rassemblé autour de lui la crème du food-retail continental pour mettre la pression sur les principaux fabricants de marque européens en front uni – euh, je voulais évidemment écrire : pour formuler des propositions gagnant-gagnant dans un esprit constructif. Cela s’annonce épique.
Car qui prendra la tête de cette nouvelle organisation ? En effet, nul autre Gianluigi Ferrari, l’ancien patron d’Agecore qui est également CEO d’Everest, l’alliance d’achat d’Edeka et de Picnic. L’homme qui a perfectionné depuis Genève ce modèle commercial lucratif développé initialement à Palerme. Ça ne peut que bien se passer.
Social
Chez Intermarché et Casino aussi, on est plus que déterminé : sous le nom d’Auxo – les porteurs du projet ont fait latin-grec en humanités –, ils vont « coopérer » avec les plus grands fournisseurs de produits de marques pour préserver le pouvoir d’achat du consommateur en cette période d’hyperinflation menaçante. Une initiative louable qu’il est difficile de critiquer. Au moins les retailers assument-ils leur responsabilité sociale.
Pour ne rien arranger, l’inévitable Michel-Edouard Leclerc, du groupe de distribution du même nom, a apporté sa flamboyante pierre à l’édifice : « Les fabricants profitent de la crise », affirme-t-il sans scrupule. « Ils se livrent à de la spéculation. Plus 23% pour les pâtes ? Pas question ! » C’est ce qu’on appelle le « parler-vrai ». Pour résumer : le ton est donné. L’automne prochain respire déjà la douceur et la convivialité. Nous l’attendons avec impatience. Pas vous ? À la semaine prochaine !
Vous souhaitez recevoir chaque vendredi un résumé de l’actualité FMCG dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous ici pour recevoir la newsletter gratuite de RetailDetail Food.