Les marques et les retailers osent de plus en plus adopter des positions franches : « La responsabilité sociale figure en bonne place dans l’agenda des managers, collaborateurs et consommateurs. C’est une évolution structurelle », estime Gino Van Ossel (Vlerick Business School).
Fil rouge
Impossible d’ignorer le phénomène : l’engagement social au sens large sera le fil rouge du prochain RetailDetail Day. La chaîne de mode C&A y détaillera ses nouvelles ambitions en matière de durabilité, Mars Food y illustrera sa politique d’inclusion avec le rebranding de Ben’s Original, Colruyt Group y exposera les attentes des consommateurs en matière d’Eco-Score. Sans oublier Zeeman, qui se lance dans les articles d’occasion, Dobbi qui veut contribuer à un secteur textile circulaire, Foodmaker et Oats Day Long qui s’engagent en faveur d’une alimentation saine.
« La responsabilité morale ne cesse de gagner en importance chez les consommateurs », confirme le professeur de marketing Gino Van Ossel, qui animera la conférence. « Entre les négationnistes du climat et les militants vert foncé, on trouve une majorité qui ne connaît pas les détails, mais sent qu’il y a un problème. » Les récentes inondations et autres feux de forêt n’y sont pas étrangers, mais ce constat s’applique également à des thématiques comme la pandémie, la sécurité routière ou la santé.
Trois niveaux
« Regardez-vous : avez-vous une attitude différente d’il y a cinq ans concernant ces questions ? La plupart de nos concitoyens répondront par l’affirmative. Voyez combien de personnes utilisent aujourd’hui le vélo pour des déplacements fonctionnels comme les trajets domicile-travail par rapport à il y a quelques années. Ou pensez aux voyages : pour peu qu’un membre de la famille ne veuille plus prendre l’avion, le reste ne partira sans doute pas en vacances en avion. Idem pour les végétariens : ce sont eux qui décident de ce qui est servi à table
En d’autres termes, des évolutions structurelles sont intervenues et elles se reflètent également dans le programme du RetailDetail Day. Pour les entreprises, cette évolution se manifeste à trois niveaux : le consommateur, le collaborateur et le (top)management. Et cette interaction entre ces trois éléments qui en fait une priorité », poursuit Gino Van Ossel. « Les entreprises veulent anticiper. Les managers craignent d’être cloués au pilori et prennent conscience de la nécessité de passer à la vitesse supérieure pour suivre leurs employés et les consommateurs. Pensez à l’impact de Youth for Climate avant la pandémie : le mouvement avait donné lieu à une très large pétition cosignée par de grands PDG demandant au gouvernement d’agir. »
Cohérence
Les jeunes générations, en particulier, préfèrent travailler pour une entreprise à laquelle elles peuvent s’identifier. Pour les entreprises qui se concentrent sur les coûts, la « guerre des talents » se complique. Enfin, il y a le consommateur, chez qui on peut ressentir « lentement mais sûrement » un effet. « Les consommateurs ne sont pas toujours cohérents dans leur comportement, mais la question de la responsabilité ne cesse de gagner en importances. Lorsque les magasins ont rouvert leurs portes après le confinement, c’est devant Primark et Action que se sont formées les plus longues files d’attente. Ils se rendent à vélo à leur travail, mais prennent toujours l’avion pour partir en vacances. En même temps, de nombreux concepts misent davantage sur une forme de responsabilité sociétale, et ils ont du succès. On ne peut continuer à les ignorer. »
Si certaines marques vivent par la grâce de leur positionnement éthique – Tony’s Chocolonely en est un très bon exemple –, on n’observe pas d’effet mesurable immédiat chez la plupart d’entre elles. « Mais elles sentent que c’est important pour les gens. Chez Colruyt, il s’agit toujours de proposer le meilleur prix, mais l’Eco-Score est également important, et le poulet à croissance rapide disparaît des rayons. »
Faire des choix
Cette stratégie ne comporte-t-elle pas certains des risques ? Certaines marques adoptent des positions fortes, comme Nike ou Mars Food. Elles peuvent parfois alimenter la polarisation de la société, avec des consommateurs qui sont franchement pour et d’autres qui y voient une « absurdité woke ». Comment une marque peut-elle se positionner ?
« Il faut connaître son marché : il est impossible de plaire à tout le monde. Nike sait très bien qui sont ses clients et ce qu’ils pensent. Aux États-Unis, seuls 60% de la population est aujourd’hui blanche non hispanique. C’est un fait : il est impossible d’ignorer la mixité sociale. Ensuite, il faut faire des choix. D’ailleurs, la résistance au changement n’est pas uniquement externe, mais aussi interne. Chez Nike, il a dû y avoir des discussions enflammées.
Pas de retour en arrière
« Enfin, certains retailers ont un point de vue historiquement différent. Des entreprises comme C&A et Colruyt travaillent depuis longtemps en faveur le développement durable ; elles l’ont gravé dans leur ADN depuis des années. Un Ahold Delhaize s’y est mis beaucoup plus tard, mais opère de manière structurelle et systématique. Ce n’est pas du greenwashing, c’est une priorité absolue. »
Des entreprises s’adressent davantage à certains groupes cibles qu’à d’autres. Elles peuvent alors les rallier à elles plus facilement. Simultanément, certaines entreprises osent prendre davantage leurs responsabilités. « Torfs a été l’un des premiers retailers en Belgique à autoriser le port du foulard à la caisse. Les critiques initiales se sont tues depuis. Ce mouvement est irréversible. JBC a récemment osé lancer une collection non genrée, et l’on remarque déjà beaucoup moins de réactions négatives. Et cela ouvre la porte à des collaborateurs que vous ne pourriez pas trouver autrement. Je pense qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. »
Logique financière
Si vous êtes trop en avance sur les troupes, vous resterez un acteur de niche, mais un peu d’avance ne peut pas faire de mal, affirme Gino Van Ossel. « À l’époque, certains ont dit qu’ils n’iraient plus jamais à Torfs, mais cela n’a pas duré longtemps. Quand Renault à Vilvorde a fermé ses portes, les gens n’allaient soi-disant plus jamais acheter de Renault. Après un an, les chiffres de vente avaient retrouvé leur niveau. Voyez l’introduction de produits halal dans les supermarchés : au début, ils ont été très prudents, car ils craignaient un retour de flamme. Aujourd’hui, tous les supermarchés le font et on n’en parle plus. Le temps a fait son œuvre. »
Enfin, cette tendance cache aussi – indéniablement – une logique économique et financière. « Les entreprises cotées en Bourse se voient désormais attribuer un score de durabilité qui amène ou non les institutions financières à inclure l’action dans leurs fonds. Il peut donc avoir un impact direct sur le cours de l’action, mais aussi sur les possibilités de financement : les entreprises moins durables paient plus cher pour leurs crédits. C’est un jeu de dominos, les différents aspects se renforcent. »
Networking
Envie de savoir comment les marques et les retailers abordent les questions sociétales ? Le 16 septembre, Gino Van Ossel animera un RetailDetail Day plus que copieux. La congrès marketing du secteur du retail aura lieu sur le site dédié aux événements de RetailDetail, dans le Shopping Stadsfeestzaal à Anvers.
Il s’agira d’un événement hybride : 200 billets sont disponibles pour les participants qui souhaitent assister au congrès sur place, rencontrer des collègues du secteur et réseauter en toute sécurité. Les autres pourront regarder le streaming en direct. Cliquez sur ce lien pour de plus amples informations et des tickets.