Le foodretail est entré dans une phase de numérisation effrénée, alors que les consommateurs attendent de l’ultra-convenience. Quelles sont les implications de ces développements pour le mix entre magasins physiques et ventes en ligne ? Les évolutions que l’on peut observer sur le marché chinois sont à la fois surprenantes et inspirantes.
New retail
Qu’on l’appelle omnichannel, O2O, OMO ou new retail, l’idée fondamentale est la même : ventes en ligne et en magasins sont complètement imbriquées. La grande distribution aussi se numérise en réunissant le meilleur du supermarché physique et la commodité de l’e-commerce.
À long terme, il s’agit de la meilleure combinaison non seulement pour le consommateur, mais aussi pour les retailers. Walmart le prouve en Chine : des dark stores situés à des endroits stratégiques peuvent atteindre le seuil de rentabilité en six mois à peine. Amazon Fresh en a tiré les leçons pour son premier véritable concept O2O.
L’urbanisation favorise l’e-commerce
La densité de population est un facteur déterminant dans ces modèles : les prix élevés de l’immobilier dans les grandes villes favorisent l’e-commerce. Le retour en ville fait flamber l’immobilier – impossible de s’offrir de nombreux mètres carrés dans les centres urbains. Parallèlement, les problèmes de mobilité font également le jeu de l’e-commerce dans les centres-villes. Les livraisons express à vélo ou à mobylette n’ont jamais été aussi nombreuses. Avec l’automatisation et la robotisation, le même scénario se dessine dans les petites villes.
Certes, le code de la rentabilité des chaînes entièrement numérisées n’a pas encore été craqué, y compris en Chine. Mais on y travaille, avec des initiatives de filières courtes « à la chinoise » : achats groupés sur les médias sociaux (WeChat), livestreaming et marchés de producteurs numériques passent rapidement du statut de phénomènes marginaux à celui de nouvelles forces disruptives. Au point que les achats groupés sont déjà scrutés de près par des autorités chinoises. Ce n’est qu’une question de temps avant que l’Occident s’y aventure.
Diversifier les formats de magasins
Au cœur de cette tempête, les magasins voient leur rôle évoluer. Les petits magasins de proximité – de préférence sans caisse, voire sans personnel pour une efficacité optimale en termes de temps et de coûts – sont par exemple idéaux pour les emplacements stratégiques, mais coûteux. Chaque format a ainsi une fonction qui lui est propre. Y compris l’entrepôt : pour être vraiment efficaces dans les villes, les retailers déploient des dark stores et des dark kitchens autour de et parallèlement à leur réseau de distribution existant.
Ils peuvent s’établir dans des espaces non commerciaux qui sont par conséquent beaucoup moins chers : pensez aux parkings ou aux anciens immeubles de bureaux. Le potentiel est particulièrement important pour les courses et les produits non réfrigérés. Les data permettent également de composer l’assortiment parfait : les produits sont disponibles là où ils sont le plus demandés localement.
Qu’il s’agisse d’hybrides magasins/entrepôts ou de magasins entièrement dans le cloud, données et technologie sont des alliés indispensables. Chez Walmart Chine, la préparation d’une commande prend dix minutes en moyenne, et il n’est pas rare de la ramener à quatre minutes. La technologie et les données optimisent à la fois la préparation des commandes en magasin et les itinéraires. Dans les grandes villes, l’entreprise parvient ainsi à livrer en une heure – et en quarante minutes en moyenne. Tout ce que les retailers peuvent automatiser le sera : c’est une condition indispensable à leur compétitivité.
Miniplateformes ouvertes
Les magasins de proximité associés à l’e-commerce seront les moteurs du food-retail de demain. Les consommateurs attendent une ultra-convenience, avec des magasins de proximité très automatisés – le client connu n’a qu’à sortir, le paiement est automatique – pour les courses rapides et la livraison à domicile pour les achats plus importants. Les données joueront également un rôle essentiel dans l’évolution vers des services personnalisés : à partir des données d’achat, il est possible d’automatiser complètement les achats répétitifs, de sorte que le client n’a même plus besoin de se rendre au magasin. C’est le rêve d’Amazon depuis des années, mais les modèles d’abonnement sont également au centre des préoccupations des retailers.
Les supermarchés se transforment ainsi en mini-plateformes ouvertes qui peuvent également accueillir d’autres acteurs. En Chine, les retailers ont compris qu’ils devaient rejoindre un véritable écosystème – dans leur cas, celui de Tencent ou d’Alibaba – s’ils voulaient avoir une chance de gagner des parts de marché et d’estomac. L’implantation en Chine du spécialiste de l’e-commerce JD.com, membre de la famille Walmart, offre un soutien technologique et logistique à l’entreprise, tandis que les hypermarchés proposent désormais des hubs physiques locaux pour les articles non food. Sous la devise « if you can’t beat them, join them », les partenariats stratégiques se multiplient, si nécessaire avec des concurrents. Appelez ça de la coopétition. Car il vaut mieux être un petit morceau d’une plateforme gagnante qu’un leader de perdants.
Cet article est basé sur un extrait du livre « The Future of Food » de Jorg Snoeck, fondateur de RetailDetail, et Stefan Van Rompaey, rédacteur en chef, qui sera publié par Lannoo Campus et Van Duuren Management fin septembre.