La croissance belge atteint ses limites
Rien d’étonnant à ce que Colruyt souhaite s’ancrer plus solidement au niveau européen et crée un partenariat international (le siège principal de CORE se situera à Bruxelles). Dans le paysage belge actuel, la formule Colruyt aura bientôt atteint ses limites : le softdiscounter estime pouvoir ouvrir encore une vingtaine de magasins. Ensuite, la croissance devra provenir essentiellement des autres formules, comme Bio-planet, Spar, Okay, Dreamland et ColliShop.
De son côté Delhaize commence à récolter les fruits de la stratégie de son nouveau CEO, qui a opté – avec succès apparemment – pour ‘un retour aux racines’ de l’entreprise. Aujourd’hui, les analystes boursiers de Morgan Stanley ont émis un avis d’achat positif concernant l’action Delhaize, dont le cours a grimpé immédiatement après.
Les étrangers défient les acteurs locaux
Pour le moment, Carrefour forme un point d’interrogation suite au départ de Gérard Lavinay de son poste de CEO pour la Belgique. Lidl pour sa part renforce sa position sur l’échiquier. Le discounter allemand a bien compris la demande du consommateur en étendant son offre avec succès et en améliorant le vécu en magasin.
De son côté Aldi se voit contraint de consolider, car son réseau arrive pratiquement à saturation. Pour le moment, le discounter croît encore grâce aux délocalisations et à l’accroissement de la surface de vente par magasin, mais le temps des grands sauts est révolu.
En revanche le hollandais Albert Heijn est un retailer puissant qui, depuis la reprise de Bol.com, connaît également très bien le monde numérique. Avec son projet de 50 magasins par rapport aux 5200 supermarchés existants en Belgique, AH a encore un long chemin à parcourir avant que la chaîne puisse gagner de réelles parts de marché.
La numérisation ronge les distributeurs
A terme les réels défis se situent à un niveau bien plus élevé que l’échelon local. On nous en rabat les oreilles, mais il s’agit d’un fait certain : la numérisation change tout et le commerce ne sera plus jamais comme nous l’avons connu auparavant.
Premièrement, nous connaîtrons encore d’énormes évolutions en matière de points de collecte ou même de livraison à domicile. Il est intéressant de se demander lequel des deux gagnera la partie. Suite à la pression sociale, les trentenaires d’aujourd’hui ont, en moyenne, 8 heures de temps libre en moins par semaine par rapport à leurs parents au même âge. Cela se répercute dans leur comportement d’achat : il serait facile pour le consommateur de se faire livrer les produits de base à domicile via un système d’abonnement.
Même si les choses n’en arrivent pas là, l’émergence des points de collecte est à la base du changement radical des règles du jeu. Les précurseurs en matière de ‘drives’ et de ‘pick up points’ comme Auchan (France), E. Leclerc (France) et Jumbo (Pays-Bas) pourraient également s’installer en Belgique, avec toutes les conséquences que cela comporte.
Désormais, le retail est un canal parmi tant d’autres
Deuxièmement, les frictions entre les marques de distributeurs et les marques A ne cessent de croître. Etant donné que les retailers traditionnels se tournent de plus en plus vers les ‘private labels’, et ceci en raison des marges, la tension augmente.
Les marques ont besoin de canaux de distribution et tenteront de compenser la place perdue en rayon en devenant eux-mêmes des retailers : ils ouvrent des ‘flagshipstores’ et/ou des webshops. Ils vont là où le client se trouve, , notamment dans de grands magasins en ligne comme Bol.com, Amazon et probablement bientôt chez le géant chinois Alibaba.com.
En définitive, il faut que le commerce s’oriente davantage vers un business axé sur le consommateur, plutôt qu’un business axé sur le produit. Dans le passé les retailers physiques (les ‘briques’) représentaient le canal de distribution par excellence. Aujourd’hui – et certainement demain – ils figurent parmi les nombreux canaux offerts aux consommateurs. Alors qu’ historiquement le commerçant était le seul maillon direct et indispensable entre le produit et le consommateur, aujourd’hui, le consommateur est lui-même maître à bord et c’est lui qui décide où et comment il se procurera ses produits.
Faire front ensemble
Pour les marques et les retailers cette évolution est dramatique. Ils ont tout contrôlé pendant des années et aujourd’hui, suite à la numérisation omniprésente, l’ensemble du marché est soudainement devenu transparent. Le retail n’est pas seulement devenu plus transparent, mais ne connaît plus de frontières : il est tout aussi facile de commander en Chine que dans la boutique au coin de la rue. Dans cette optique, l’arrivée sur le marché américain du chinois Alibaba.com est très prometteur – c’est une attaque directe sur le leader mondial Amazon.
Préparons-nous à une lutte acharnée entre l’online et l’offline, mais également entre les différents acteurs en ligne eux-mêmes. Un combat dont souffrira à nouveau le commerce traditionnel. Faire front ensemble et renforcer sa position internationale, tel est le message, et Colruyt semble l’avoir bien compris.
Jorg Snoeck, fondateur et CEO de RetailDetail, était l’invité de Kanaal Z lundi. Il y a commenté les «menaces qui pèsent sur le secteur retail ». Cliquez ici pour visionner le reportage.
Traduction : Laure Jacobs