Une coalition internationale menée par la NCC, une association norvégienne de défense des consommateurs, veut limiter l’utilisation des données à caractère personnel dans les publicités en ligne. Ce qui aurait des conséquences majeures pour le marketing d’un grand nombre de retailers et de marques.
Tout le monde sous surveillance
Aujourd’hui, la publicité en ligne est très personnalisée : les entreprises mettent tout en œuvre pour que leurs publicités soient diffusées au bon endroit, à la bonne personne et au bon moment, ce qui est plus que jamais possible grâce aux traces que les consommateurs laissent partout sur Internet.
Dans une lettre ouverte, plusieurs associations internationales de défenses de consommateurs, universitaires et organisations dénoncent ce qu’ils qualifient de surveillance commerciale omniprésente. « Pour individualiser et personnaliser la publicité en ligne, nous assistons à l’avènement puissance d’une économie de la surveillance où tout ce que font les consommateurs en ligne et hors ligne est suivi, agrégé et partagé », peut-on y lire. Il est pratiquement impossible de ne pas être suivi, profilé et ciblé sur Internet.
Or la majorité des consommateurs refusent ce traçage, selon une enquête menée par l’association norvégienne de défense des consommateurs NCC. Seul un Norvégien sur dix est favorable à ce que des entreprises commerciales collectent des informations personnelles à leur sujet en ligne, tandis qu’ils ne sont qu’un sur cinq à juger acceptables les publicités basées sur des informations personnelles, selon une enquête.
Ces résultats contrastent avec une enquête de l’IAB Europe, l’association professionnelle européenne de la publicité en ligne. Selon eux, 75% des Européens préféreraient l’Internet d’aujourd’hui à un Internet sans publicités ciblées.
Moment idéal pour légiférer
Les auteurs de la lettre appellent à une interdiction tant aux États-Unis qu’en Europe. Le moment serait idéal, car une législation sur les services numériques, un cadre juridique pour le commerce électronique et donc aussi pour la publicité en ligne, est actuellement débattue au sein de l’Union européenne. Une loi fédérale sur la protection de la vie privée est également envisagée aux États-Unis.
Parmi les signataires figurent plusieurs universitaires du Benelux, dont les professeurs de la VUB Gloria González Fuster et Joris Van Hoboken, mais aussi Jef Ausloos (KULeuven et Université d’Amsterdam) et Pierre Dewitte, chercheur à l’Imec. « Nous avons ainsi une occasion unique d’adopter une législation qui résoudrait de nombreux problèmes urgents », peut-on lire.
Retour de la publicité classique ?
Les signataires de la lettre ne dénoncent pas seulement les données que des tiers achètent et vendent – comme les données de ceux qui ouvrent un journal en ligne afin de placer rapidement la bonne bannière à côté – mais aussi l’utilisation des données (first-party data) par Google ou Facebook. Le ciblage des consommateurs sur la base de données personnelles sera toujours dangereux et intrusif, estime la NCC.
L’association propose en alternative un retour à la publicité « contextuelle » classique de l’ère pré-data. Comme placer des publicités pour des produits alimentaires à côté d’un article sur l’alimentation saine dans le journal ou vendre des publicités en fonction du public cible d’un site web. Une autre possibilité consiste à laisser les consommateurs choisir le type de publicité qu’ils souhaitent voir s’afficher en fonction de leurs propres préférences et intérêts.
Google fait ses adieux aux cookies
Une telle interdiction aurait en effet un impact énorme pour les retailers et les marques : les publicités en ligne ciblées et personnalisées sont notamment la base de la stratégie marketing des acteurs de l’e-commerce – pensez aux bannières Zalando ou Overstock qui suivent les internautes partout. Sans oublier Carrefour, qui vient d’annoncer un projet data à grande échelle destiné à proposer des publicités personnalisées aux fournisseurs.
Google a en tout cas décidé de cesser d’autoriser les cookies de traçage qui permettent de suivre de près le comportement des consommateurs en ligne en 2023. Google Chrome, son navigateur, sera également équipé d’un « privacy sandbox » qui perturbera le fonctionnement des cookies externes. Au lieu des publicités destinées à des utilisateurs individuels (anonymisés), Google souhaite des publicités ciblant des groupes de consommateurs qui présentent un comportement similaire en ligne. Mais cette réforme a déjà été différée : l’arrêt des cookies était initialement prévu pour 2022.