Quand les prix des denrées alimentaires s’envolent, ce n’est pas seulement à cause de ces insatiables Chinois, mais aussi de certains retailer locaux particulièrement futés, selon une nouvelle étude. Une édition du Filet Pur pas totalement neutre sur le plan climatique, mais riche en révélations.
Cerné
Les camionnettes électriques de Picnic ont le vent en poupe et desservent désormais Roosendaal et Bergen op Zoom. Tiens, c’est vraiment tout près, a-t-on pensé la rédaction de RetailDetail. On peut presque les voir circuler depuis les fenêtres du dernier étage de la Salle des Fêtes d’Anvers. Cela demande réflexion, mais quand même : Picnic n’a aucunement besoin d’un partenaire belge pour arriver sur le marché. Ils peuvent parfaitement desservir la Flandre à partir de leurs hubs du sud des Pays-Bas – après tout, c’est ce que font déjà Albert Heijn et Jumbo – et approvisionner les francophones depuis dans le nord de la France, puisqu’ils viennent de s’installer à Valenciennes.
En bref : nous sommes cernés, la grande offensive est imminente. Même s’il n’y a sans doute pas d’urgence : le potentiel de croissance sur le marché intérieur reste encore important. Aux Pays-Bas, Picnic a récemment dépassé Jumbo : le pure player pointe désormais en deuxième place après Albert Heijn en termes de présence en ligne. Pas mal pour une start-up. En parlant de Bébert : les ventes en ligne représentent déjà 10% du chiffre d’affaires, a révélé Frans Muller cette semaine. Dix pour cent, tendance orientée à la hausse. Réfléchissez-y un instant.
Vert et orange
Et tant qu’on en est aux idées folles, vous savez que Picnic a l’étrange habitude de commencer par explorer tout nouveau marché sous un autre nom. En Allemagne, ils l’ont fait sous le pseudonyme de Sprinter, en France, sous la marque TocToc. C’en est presque du comique de répétition. Mais imaginez un peu : ne seraient-ils pas en train de le faire en Belgique en ce moment même, habilement déguisés en vert et orange sous la dénomination de Hopr? Stijn Martens est-il un agent double ? Ça se pourrait bien. En tout cas, l’e-entrepreneur a récemment doublé sa zone de livraison et rapporte que les clients sont très enthousiastes à l’égard de l’application qui leur permet de suivre de près la progression de sa camionnette de livraison électrique. Comme Picnic, en effet. J’dis ça comme ça…
Et pour en revenir aux dix pour cent : c’est bien plus que les 2,4% de chiffre d’affaires que les box repas sont déjà en mesure de ravir aux supermarchés, mais quand on fait le total, cela en deviendrait presque inquiétant, non ? Le supermarché physique n’est-il pas condamné à perdre de sa pertinence ? Quelles seront les conséquences à long terme ? Parce qu’on ne peut pas continuer indéfiniment à ouvrir des magasins. Ce sont surtout les clients de Carrefour qu’HelloFresh, Foodbag et consorts parviennent à séduire, selon une analyse de l’application bancaire Cake. Les clients de Colruyt, en revanche, n’ont rien à faire de ces coûteuses nouveautés.
Petite leçon d’économie
Comment va la guerre des prix, en passant ? Pas si bien, en fait. Les prix restent un peu plus élevés qu’avant l’apparition de ce misérable virus, et une équipe d’universitaires vient de comprendre pourquoi. Pour résumer, les augmentations de prix appliquées par les supermarchés l’année dernière n’étaient pas dues à une hausse des coûts logistiques, mais à un simple déséquilibre entre l’offre et la demande. C’était votre premier cours d’économie, si vous vous en souvenez… Les supermarchés qui appliquent des prix locaux, en particulier, ont profité de la situation pour gonfler leurs marges ici et là.
Oui, c’est bien vous que je vise, Colruyt et Carrefour. Les premiers l’ont fait dans les régions où les usines à promotions bleues de Zaandam brillent par leur absence – pauvre Wallonie –, les seconds ont pis l’argent là où il se trouve : dans les poches du citoyen bruxellois aisé. Des conclusions très intéressantes des chiffres de nos bons amis de Daltix, sur lesquels nous reviendrons en exclusivité la semaine prochaine. Car dans ce contexte de cette pseudo-guerre des prix, plusieurs autres tendances émergent. Restez connectés !
Prix en sandwich
Pourtant, une vraie guerre des prix nous serait bien utile. Car que nous communique l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO pour les intimes) ? Les prix des denrées alimentaires n’ont jamais été aussi élevés depuis dix ans. Céréales, produits laitiers, viande, sucre… bientôt, tout cela sera impayable. À cause de Chinois affamés d’une part et de mauvaises récoltes au Brésil d’autre part. Et entre les deux, nous, Européens, sommes dans la position de la garniture sans défense d’un authentique idiot sandwich.
Il y a une exception : les bananes. Elles ne sont pas trop chères. Plus encore : elles seraient beaucoup trop bon marché. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le patron de Chiquita pour l’Europe du Nord. À 99 cents le kilo, il ne faut pas s’attendre à un fruit durable dans votre caddie. Mais ceux qui sont prêts à payer un peu plus peuvent désormais ramener chez eux la toute première banane Chiquita climatiquement neutre. Un scoop mondial pour les food-retailers belges, en fait. Mais croisons les doigts, car si ce fameux champignon poursuit sa progression vers les bananeraies, l’approvisionnement s’arrêtera net. Et les prix augmenteront de façon exponentielle.
Écorealisme
Les bonbons et les glaces ne sont pas vraiment bons pour la santé. Sans blague ? Nestlé, producteur de KitKat, Smarties, Cheerios, Häagen-Dazs et autres bombes à glucides, vient seulement de s’en rendre compte. Le plus grand fabricant de produits alimentaires au monde, qui aime claironner son slogan « Good food, good life » et nourrit de grandes ambitions en matière de santé, doit maintenant admettre à son propre désarroi que plus de 60% de son portefeuille de produits est dégueulasse et est sans doute voué à le rester. Ce n’était pas vraiment censé sortir : une taupe a divulgué un mémo interne. Il illustre bien le dilemme de nos multinationales en mission : officiellement, elles veulent améliorer le monde, mais ce qui compte pour les actionnaires, ce sont évidemment les chiffres en bas du fichier Excel. Et pour gagner beaucoup d’argent, il faut vendre de la malbouffe aux masses. Comme le chante si bien Mary Poppins : une cuiller de sucre aide à faire passer le médicament.
Danone ne le sait que trop bien. D’abord, ils licencient l’assistant social Emmanuel Faber, puis ils portent le fer dans l’organisation. Et c’est la division la plus saine qui sera la plus durement touchée : toutes les fonctions commerciales vont disparaître chez Alpro. Ce n’était que de vieux hippies de toute façon. La rentabilité doit augmenter, et le cours de l’action aussi. La planète, on verra après. L’écoréalisme en pratique.
Papier
Et ce n’est pas tout. Imaginez : vous êtes un consommateur bien intentionné qui souhaite modifier son comportement d’achat et qui veut être récompensé pour ses efforts. Vous installez donc cette application pratique, elle affiche vos e-deals personnels, votre solde de points en augmentation, une belle liste de vos achats et votre profil Nutri-Score pour que vous puissiez être fier de votre mode de consommation exemplaire… Et puis Delhaize vous envoie encore un carnet. Par courrier. Un carnet papier. Rempli de coupons en papier que vous devez découper. Avec des ciseaux. Et dans lequel ils vous offrent des points SuperPlus supplémentaires si vous achetez des produits ayant un Nutri-Score E rouge vif, comme des biscuits, des sodas ou de l’alcool. Si vous n’oubliez pas de les prendre au magasin, bien sûr.
Être cohérent n’est pas facile – je ne vais pas prétendre l’être moi-même – mais disons qu’il y a moyen de faire mieux. En France, qui n’est quand même pas le pays le plus progressiste au monde en matière de retail, les détaillants alimentaires testent actuellement des tickets de caisse numériques et la suppression des brochures papier. Si la Belgique pouvait suivre. Pas vrai ? À la semaine prochaine !
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