L’avenir du retail ne réside pas dans la vente de produits, mais dans la construction de plateformes où les consommateurs peuvent partager leur passion. Le CEO Ben Cornelisse explique le modèle économique unique de Kamera Express.
De A à Z
Fondé il y a 25 ans dans un garage de 300 m², le spécialiste de la photo et de la vidéo Kamera Express est aujourd’hui un acteur omnichannel mature qui exploite 21 magasins physiques dans quatre pays. La part des ventes en ligne a atteint 80% pendant la crise sanitaire, alors que le chiffre d’affaires est resté à niveau. La recette de ce succès ? Une approche numérique aussi personnelle que possible du client basée sur le community building, explique le CEO Ben Cornelisse, qui a rejoint l’entreprise en 2001 alors qu’il n’était qu’un étudiant âgé de 20 ans et est désormais copropriétaire de l’entreprise.
« Nous nous sommes rendu compte que les possibilités de se distinguer étaient en réalité très limitées dans le retail. Fondamentalement, ce que Coolblue – qui est à mes yeux une entreprise formidable – n’est pas très différent de ce que fait MediaMarkt : les deux se concentrent sur la vente de produits. Selon nous, ce n’est pas le futur du retail. Que ce soit en ligne ou hors ligne : à long terme, vous devez offrir plus que des produits ou des services – car pour moi, le service relève de la vente de produits, il s’agit simplement de bien faire son travail. Nous voulons être le roi dans notre niche, et dans cette niche, nous fournissons un service de A à Z. »
Académie en ligne
Pour Kamera Express, le plus dur commence après la vente : « Nous ne voulons pas nous contenter de vendre des produits, nous voulons aussi expliquer à nos clients comment les utiliser. C’est dans ce rôle de conseil que nous nous distinguons. Nous avons par exemple mis en ligne la Kamera Express Academy : si vous achetez un appareil photo Sony chez nous, vous aurez également droit à une masterclass et un tutoriel vidéo qui vous expliquera comment exploiter toutes ses fonctionnalités, étape par étape. Nous organisons également des semaines thématiques pour inspirer nos clients. Et si vous voulez être le roi de la niche, vous devez également être actif dans la location. Nous proposons par exemple à nos clients de commencer par essayer un objectif à 3 000 euros. S’il l’achète par la suite, les frais de location lui sont remboursés. Ou tout simplement de louer cet objectif pour des vacances, par exemple. »
Et ce n’est pas tout : Car une fois qu’on a pris de magnifiques photos, qu’en fait-on ? Quand on prend des photos ou on réalise des vidéos, c’est avant tout pour les partager. Et comme ce phénomène est contagieux, nous pouvons espérer attirer ainsi un nouveau groupe cible. C’est le Saint Graal de notre concept. C’est pourquoi nous disposons également d’un laboratoire qui produit des albums de photos, des décorations murales et des tirages d’une grande qualité. Nous embarquons le consommateur avec nous et nous ne le lâchons plus. L’idée est de ne pas être un simple retailer, mais une sorte de partenaire, de constituer une communauté de photographes. C’est ce qui rend notre modèle unique. »
Du temps pour le client
Les magasins physiques jouent un rôle crucial dans le parcours du client : ils ne sont pas seulement un point d’enlèvement et de service, mais aussi un lieu de rencontre. « Nous avons aménagé nos magasins de manière à pouvoir consacrer plus de temps à nos clients. Chez nous, vous ne pouvez pas sélectionner des produits en rayon et passer à la caisse : chaque vente implique l’intervention d’un employé. Nos clients aiment voir leurs achats coûteux en personne et les essayer – et cette interaction humaine reste cruciale. La photographie, ce sont avant tout des émotions. Et une discussion commerciale est toujours très riche. Nos magasins remplissent en quelque sorte une fonction de club-house où on peut passer un peu de temps. Nous avons toujours un bon café à offrir. » Nous utilisons également nos magasins pour présenter nos services d’impression : même s’il est possible commander un album de photos ou une œuvre d’art murale en ligne, vous voudrez quand même voir à quoi ils ressemblent “en vrai”. »
Le retailer opte résolument pour une approche « long tail » : « Nous sommes le spécialiste : nous n’avons pas seulement les dix meilleurs modèles, mais les cent meilleurs appareils photo, les 200 meilleurs objectifs, les 300 meilleurs trépieds… Et cette stratégie d’assortiment étendu fait mouche. Pour exposer toutes ces merveilles, nos magasins s’étendent sur facilement 300 à 400 m², alors que les magasins de photo classiques ne dépassent pas 50 à 100 m². »
Influenceurs
Le groupe cible de Kamera Express est très actif dans la photographie. Ce sont des gens qui ne se limitent pas aux photos de vacances. Mais c’est aussi un public en pleine expansion, notamment grâce à Instagram. « Les smartphones ont mis la photographie à la portée de tous. Les clients qui en veulent plus font leurs recherches, puis viennent chez nous. C’est ainsi que nous avons accru nos ventes d’appareils photo. On a parfois tendance à sous-estimer cet aspect, mais tout influenceur sérieux travaille avec des équipements haut de gamme. »
Curieusement, la crise sanitaire n’a guère impacté Kamera Express. « C’était bien sûr très intense, mais nous reposons vraiment sur des fondamentaux omnichannel : online et offline sont totalement intégrés. En un rien de temps, nos vendeurs se sont assis devant leur ordinateur et chattaient par vidéo avec les clients. Cela nous a permis de continuer à remplir notre rôle de conseil en ligne. Nos ventes en ligne ont explosé et notre NPS n’a jamais été aussi élevé que pendant la crise sanitaire. Bien sûr, la crise a aussi eu des aspects dramatiques : les coûts ont explosé, le trafic s’est effondré, et l’impact sur les photographes professionnels a été énorme – ils se sont retrouvés sans travail du jour au lendemain. Et les consommateurs ont cessé de partir en voyage, ce qui reste le moment par excellence où l’on investit dans son équipement. Mais les activités ont rapidement repris après l’été. Nous n’avons pas perdu de chiffre d’affaires. »
Club-house numérique
Le détaillant a su réagir rapidement et cela a porté ses fruits : « Après le premier confinement, nous avons mis notre Kamera Express Academy gratuitement à disposition pour inspirer les gens. Nous avons également créé du contenu spécifique à la crise sanitaire : comment utiliser les principes de photographie depuis son bureau, comment obtenir le meilleur éclairage avec sa webcam ? Nous avons publié des cours de montage, des blogs, des vlogs… Mais nous n’envisagions pas un tel succès. Le nombre de clients actifs a augmenté de 12.000 millions pour atteindre les 80.000 millions. Inspiration et éducation ont conjugué leurs effets. » Le résultat ? Une augmentation du chiffre d’affaires en trois semaines.
Quels sont les projets du CEO ? « Pour cette année, nous voulons reprendre notre expansion, restée au point mort l’an dernier. Nous avons maintenant treize magasins aux Pays-Bas et cinq en Belgique. Nous voudrions en ajouter quatre autres dans la partie francophone du pays. « Nous avons qu’un magasin au Luxembourg et nous voulons passer de deux à dix magasins en Allemagne au cours des prochaines années. À terme, nous pourrions ainsi avoir vingt à trente magasins. » Nous souhaitons également développer notre concept à 360° : nous croyons en la création d’une plateforme communautaire où les utilisateurs peuvent interagir. Un club-house numérique où l’on pourrait poser des questions, échanger des expériences, organiser des concours, lancer des défis… C’est notre priorité pour les années à venir. »