Depuis le début de la crise sanitaire, l’e-commerce est la priorité absolue du food-retail. Mais la rentabilité des activités en ligne reste un défi majeur. McKinsey définit les trois conditions d’une transformation numérique réussie.
Leviers
L’e-commerce était déjà le principal moteur de croissance du food-retail avant même l’apparition du coronavirus, et les confinements n’ont fait qu’accélérer les choses : de nombreux consommateurs l’ont adopté pour leurs achats de produits alimentaires en 2020 et ils n’ont pas l’intention de se défaire de cette nouvelle habitude. Les détaillants mettent tout en œuvre pour accélérer le développement de leurs capacités et accroître leur part de marché en ligne. Ils se retrouvent ainsi en concurrence directe avec les « pure players » et des modèles économiques innovants comme les fournisseurs de box repas et les sociétés de livraison.
Il n’en reste pas moins que les ventes en magasin physique sont toujours nettement plus rentables que les activités en ligne, qui nécessitent des investissements substantiels en infrastructures logistiques et en technologie. Comment les food-retailers peuvent-ils rentabiliser leurs activités en ligne ? C’est la question qu’aborde McKinsey dans le rapport« Disruption and Uncertainty – The State of Grocery Retail 2021 », publié en collaboration avec EuroCommerce. Les principaux leviers de la rentabilité sont l’augmentation de la commande moyenne et de la fréquence des commandes (par le biais de l’assortiment, du prix, de la personnalisation, de la facturation des frais de livraison, etc.), la vente de données et d’espace média numérique comme source de revenus supplémentaire et l’optimisation des coûts opérationnels.
Partenariat avec des pure players
Trois types de fournisseurs dominent aujourd’hui le marché des courses en ligne. Et chacun utilise des stratégies différentes.
Les pure players échappent aux contingences qui brident les détaillants offline, comme la nécessité de conserver une certaine cohérence entre les différents canaux en termes de prix, de promotions et d’assortiment. Ils ne sont pas non plus confrontés à des systèmes ou des infrastructures informatiques archaïques. Il leur est donc plus facile de se concentrer sur la différenciation et la personnalisation pour accroître le taux de conversion, augmenter le prix du panier moyen, renforcer la fidélité, etc. Ils s’appuient sur des technologies de pointe pour optimiser la chaîne d’approvisionnement et recherchent des économies d’échelle en concluant des partenariats dans les achats et la logistique. C’est par exemple le cas de l’entreprise néerlandaise Picnic, qui se présente comme une version moderne et numérisée du laitier – avec chariots électriques, centres de distribution automatisés et une centrale d’achat commune avec le groupe allemand Edeka.
Les acteurs historiques peuvent en conclure qu’il est payant de se concentrer sur la différenciation et d’adapter ses opérations à sa proposition de valeur. Si les délais de livraison ne sont pas votre priorité, il est par exemple possible de réduire le nombre de moments de livraison. Les retailers traditionnels peuvent également tirer profit d’un partenariat avec des pure players : ils réduiront ainsi leurs investissements tout en acquérant de l’expertise à moindre coût. Les plateformes de livraison, par exemple, augmentent la demande et livrent à des coûts inenvisageables pour les grands food-retailers.
Écosystèmes en ligne
Un deuxième modèle est celui des grands écosystèmes en ligne qui ont ajouté des produits alimentaires à leur assortiment. Eux peuvent exploiter les données provenant d’autres activités (non-food, services de paiement, médias sociaux…) pour optimiser leur assortiment. Leur division Food n’est pas nécessairement rentable en tant que telle, mais les achats fréquents de produits alimentaires soutiennent et renforcent le modèle économique de l’ensemble de l’écosystème. Pensez aux Freshippo, les supermarchés omnicanaux d’Alibaba, ou aux ambitions d’ Amazon dans le domaine des produits de grande consommation avec Whole Foods, Amazon Fresh et Amazon Go.
Pour les retailers traditionnels, les éléments à retenir sont une vision différente de la relation client, axée sur la « lifetime value creation » et la fidélisation par l’ajout de services et de produits pertinents. Mais cela nécessite des compétences numériques et analytiques avancées. Un partenariat avec ces écosystèmes peut apporter de l’envergure et de l’expertise, mais obligera aussi à renoncer à une partie du contrôle sur les données clients.
Développement autonome
Le troisième modèle est celui des détaillants traditionnels qui développent une activité dans l’e-commerce par eux-mêmes. Cela nécessitera non seulement des investissements importants, mais aussi des modèles économiques adaptés. Il faudra optimiser l’offre en ligne, souvent découpler les prix et promotions des magasins physiques, améliorer l’expérience client par des services personnalisés ou des programmes de fidélité et d’abonnement. Ces retailers rechercheront des revenus supplémentaires dans les primes de fournisseurs, la rentabilisation des données clients et les revenus des médias numériques. En termes d’efficacité opérationnelle, l’automatisation est indispensable.
Conclusion ? Pour réussir en ligne, les détaillants devront accomplir une transformation numérique dans trois domaines. Tous d’abord, ils devront développer une proposition de valeur et une expérience utilisateur supérieures sur tous les canaux. Ensuite, l’excellence opérationnelle est indispensable : la course à la capacité est lancée. Enfin, les détaillants devront être en mesure d’exploiter des technologies et de l’analyse des données avancées pour se différencier et générer de nouveaux revenus. Ce qui nécessite à son tour des organisations flexibles et polyvalentes.