Les Belges hors-jeu ?
La révolution digitale bouleverse à ce point le retail, qu’il est bel et bien question aujourd’hui d’un scénario ‘Switch or die’. Quiconque ne s’adapte pas à la nouvelle réalité numérique sera écrasé non seulement par les ‘pure players’ online, tels qu’Amazon et Zalando, mais également par les retailers qui auront résolument opté pour une stratégie omni-channel.
Une leçon qu’Albert Heijn a visiblement bien comprise, car après avoir constaté le recul de ses résultats, le distributeur a choisi d’évoluer vers l’omni-channel. Une stratégie que le groupe hollandais compte également appliquer en Belgique. AH fait partie de ces acteurs étrangers qui s’approprient progressivement le marché belge, alors que les retailers belges de plus en plus se voient évincés.
Handicap salarial et autres
Même pour les retailers s’étant convertis au numérique, Comeos craint le pire, comme en témoignent les chiffres avancés par la fédération : actuellement 37% du chiffre d’affaires online s’écoule vers des commerçants opérant de l’étranger ; d’ici 2018 ce pourcentage pourrait atteindre 68%.
Comment expliquer la délocalisation de l’e-commerce belge ? Comeos évoque différents facteurs pour expliquer ce phénomène, notamment le handicap salarial en Belgique (dans notre pays les coûts salariaux seraient de 20% supérieurs par rapport à certains pays voisins), ainsi que le taux de TVA applicable en Belgique qui dépasse de 6% celui appliqué au Luxembourg et de 2% celui de l’Allemagne.
Autre explication, valable surtout pour l’e-commerce : l’économie d’échelle dont bénéficie les entreprises actives sur de plus grands marchés. La Belgique, mais également des pays tels que l’Irlande, l’Autriche ou encore Chypre, entourés de voisins plus grands faisant partie de la même région linguistique, risquent davantage de se faire absorber que les pays plus isolés comme la Hongrie ou la Finlande.
Ce facteur s’applique moins aux retailers physiques, qui par contre ressentent d’autant plus la pression du changement de comportement du consommateur : pour survivre, ils DOIVENT opter pour l’online. Même si la mise au point d’une stratégie omni-channel efficace nécessite d’importants investissements, il n’y a pas d’autres alternatives possibles.
Une question de survie
Dans ce scénario les réorganisations et assainissements constituent hélas une nécessité. La décision de Makro d’économiser sur les coûts et de supprimer 374 emplois, doit être considérée comme une stratégie de survie. Par ailleurs Makro devra revoir d’urgence son offre commerciale, car seules les mesures d’assainissement ne suffiront pas à redynamiser l’enseigne.
Si nous ne voulons pas assister au énième épisode de la ‘saga Free Record Shop’, il faudra donner au retail belge les armes pour combattre dans ce « nouveau monde » peuplé d’acteurs comme Amazon, Zalando et autres business émergents. Certains estiment qu’il est déjà trop tard et que les charges dans notre pays sont à ce point élevées qu’il est devenu impossible pour les commerçants belges d’être compétitifs. Ce pessimisme est-il fondé ?
Le pouvoir d’achat résiste bien
Heureusement tout n’est pas noir. Selon une étude de l’Université d’Anvers ces, ‘charges trop élevées’ dans notre pays ont permis aux Belges de traverser le crise sans trop de dégâts. Grâce aux nombreuses institutions sociales dans notre pays, la confiance du consommateur et l’économie n’ont pas autant souffert en Belgique que dans d’autres pays.
Selon une étude de l’UE, la Belgique serait, à deux près, le pays ayant connu la plus forte croissance en Europe durant ces cinq dernières années et ce grâce à l’équilibre entre la croissance économique et le pouvoir d’achat. Ainsi le retail belge a pu limiter la casse, contrairement à d’autres pays comme les Pays-Bas par exemple où le secteur DIY a vu ses ventes chuter considérablement.
Une collaboration s’impose
Alors que la Commission européenne tablait sur une régression de 0,4% de la consommation en 2013, voire même de 0,7% selon l’OCDE, la Banque Nationale de Belgique estime que ce recul se limite à 0,3%. Ainsi la Belgique fait nettement mieux que les Pays-Bas, où de nombreux secteurs ont souffert de la baisse du pouvoir d’achat.
L’avenir du retail belge s’annonce donc rempli de défis et tous les acteurs concernés (retailers, employés/syndicats et gouvernement) doivent en prendre pleinement conscience. Seule une action conjointe vers un but commun fera de notre pays un marché compétitif et prospère, en phase avec l’ère digitale.
Prenons exemple sur ces retailers dynamiques et innovants qui parviennent à stimuler le secteur du retail. Notre pays ne manque pas d’entrepreneurs créatifs, comme en témoigneront les retailers présents au Congrès RetailDetail Omni-channel. Ils ont bien compris qu’une collaboration entre toutes les parties concernées s’impose pour mener à bien la conversion vers un environnement omni-channel de qualité.
Traduction : Marie-Noëlle Masure