Le kroket’ burger est la nouvelle côtelette, un magasin a besoin de managers comme un poisson a besoin d’un vélo, et les supermarchés qui réussissent le mieux sont ceux qui suivent le modernisme minimaliste du Bauhaus. Avec Filet Pur, vous en apprenez tous les vendredis.
Passer à la caisse
On commence par une petite portion de statistiques pandémiques ? Parmi les perdants de la crise, on trouve Danone : le groupe a vendu moins d’eau et d’aliments pour bébés, mais prévoit une normalisation au second semestre – un peu comme tout le monde, quoi… Belle initiative à la marge : le fabricant remplace les mentions « à consommer jusqu’au » par « à consommer de préférence avant le », au motif qu’un pot de yaourt reste comestible plus longtemps qu’on le pense – et surtout parce que l’Europe tarde à adapter une réglementation qui pourrait pourtant faire la différence dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Sligro aussi est dans le pétrin : une chute de 40% des ventes, c’est toujours difficile à digérer. Mais le grossiste a pu renforcer sa position sur le marché – visiblement, la concurrence est encore plus mal en point. Il est temps de rouvrir les terrasses.
En revanche, ce ne sont pas les gagnants qui manquent. Procter & Gamble n’arrive plus à suivre, et vous savez très bien ce qui se passe quand la demande dépasse l’offre : les prix s’envolent, que les retailers le veuillent ou non. Passer à la caisse! Chez Nestlé par exemple, les capsules Nespresso se vendent comme des petits pains à présent que nous buvons notre tasse à la maison plutôt qu’au bureau. Même Coca-Cola pétille à nouveau – surtout grâce aux Chinois – alors que Heineken est également parvenue à maintenir ses ventes à niveau. Le géant allemand des supermarchés Rewe bat des records, comme Mercadona, le leader sur marché espagnol, qui a connu la meilleure année de son histoire. Tout le monde ne peut pas en dire autant. Pour le retailer alimentaire moyen, les terrasses peuvent parfaitement rester fermées pendant quelques semaines de plus.
Design fonctionnel
À Evere non plus, il n’y a pas grand monde pour se plaindre ces jours-ci : Carrefour a encore gagné des parts de marché au cours du trimestre écoulé. C’est à se demander à qui ils continuent d’en prendre. Ces bons résultats sont avant tout la conséquence de la mise en place d’une nouvelle méthode qui place le client et l’exécution en magasin au cœur de toute initiative commerciale, dixit Carrefour. Nous sommes obsédés par le client, affirme ainsi Hilde Decadt, directrice des opérations : le chiffre d’affaires et la part de marché n’en sont que la conséquence.
C’est un peu « Retour vers le futur ». Un air de déjà vu, en quelque sorte. Car rappelez-moi le slogan de ce bon vieux GB vers 2005 ? Effectivement : « Le client d’abord ». Recycler, c’est être durable, et il n’y a aucun sens à vouloir réinventer la roue. Et j’en ai eu la confirmation quand on m’a montré les moindres recoins du Carrefour Market récemment rénové à Etterbeek. Ce concept de boutique 4.0 ne prêche pas la révolution et ne remportera aucun prix de beauté, mais mise sur l’efficacité, la lisibilité et la facilité d’achat. Le détaillant a redécouvert le Bauhaus : Die Form folgt der Funktion, comme le disait le célèbre Walter Gropius. Pas de Filet Pur sans sa petite dose de culture.
Qui manage le manager ?
Quand il s’agit de réduire, économiser et restructurer, on peut faire confiance aux chaînes de supermarchés néerlandaises. Cela tourne au concours. D’abord Jumbo, puis Makro et maintenant Albert Heijn, qui supprime 7500 fonctions managériales. Mais tailler dans l’emploi quand on vient d’annoncer des ventes records n’est pas la meilleure façon de se rendre sympathique. Bébert n’était donc pas du tout content de la publication de l’information, lâchée par les syndicats avant que le siège n’ait eu le temps d’envoyer un communiqué officiel – peut-être parce que quelques managers devaient encore donner leur aval. Car il ne s’agit pas vraiment d’une restructuration : les managers ne seront pas mis à la porte, mais réaffectés.
Ouais… Les managers, ce sont ceux qui empêchent constamment leurs collègues de travailler vraiment en leur demandant des rapports détaillés sur ce qu’ils font, afin de remplir soigneusement de grandes feuilles de calcul Excel qui leur serviront à créer de jolis PowerPoint pour le comité de direction, lequel pourra ainsi briller devant le conseil d’administration. En bref : un magasin a besoin de mangers comme un poisson d’un vélo.
Un plan de croissance serré
Le soja est le nouveau steak. Ainsi, un gigantesque groupe brésilien de viande rachète la société néerlandaise Vivera, productrice de « kroket’ burgers » végétariens (authentiques !) et numéro 3 européen sur le marché des substituts de viande. JBS, l’acquéreur, veut entrer en Bourse et dans ce cas, il faut pouvoir promettre la croissance aux investisseurs. Une croissance qui ne viendra pas de la vente de haché mixte ou de côtelettes, mais plutôt des boulettes de légumes et du shoarma végan. Un triplement des ventes de végétal d’ici 2025, c’est un sacré projet.
Faites juste attention au petit pain dans lequel vous mettez ce kroket’ burger : le bun traditionnel contient du sésame. Et le sésame a un problème : en Inde, des millions de kilos de cette céréale ont été traités à l’oxyde d’éthylène, un gaz pesticide, avec un peu trop d’enthousiasme et sont arrivés sur le marché européen via le port d’Anvers. Depuis des semaines, les retailers doivent retirer un produit après l’autre de leurs rayons. Car ces graines à la mode se retrouvent dans tout et n’importe quoi : pain, crackers, tahini, houmous, huile, sauce, etc. Une facture qui se chiffre en millions d’euros pourrait ainsi être présentée à un importateur belge. Un épisode qui soulève également des questions sur l’efficacité des contrôles alimentaires, ça aussi.
Bande de cyber-amateurs
L’un des rares retailers à ne pas avoir Vivera dans ses rayons est Delhaize. Qui m’a envoyé un e-mail. Pour être honnête : je reçois pas mal de mails de Delhaize, puisque je les laisse volontairement m’inciter à n’acheter que des produits sains et à bénéficier de réductions Nutri-Boost (heureusement qu’il n’y a pas de Nutri-Score sur les bouteilles de vin, d’ailleurs). Mais celui-ci était différent : il avait pour objet « Ensemble, nous sommes plus forts pour protéger vos données ! » Il s’avère en fait que les clients de Delhaize ne sont pas nécessairement plus intelligents que ceux d’Aldi. Ils utilisent donc le même mot de passe basique sur chaque compte, ce qui laisse le champ libre aux pirates. Bon, tous ces efforts pour mettre la main sur un millier d’euros de points Superplus : une sacrée bande d’amateurs, ces cyber-voleurs.
Mais l’activité criminelle ne s’est pas arrêtée là cette semaine : employé de magasin est désormais une profession à risque. Les bagarres se multiplient dans les supermarchés : des clients qui refusent obstinément de porter un masque, de désinfecter leur chariot ou de laisser leur conjoint faire les courses seul – on sait tous qu’on ne peut pas leur faire confiance avec un caddie –, répondent à la moindre remarque par une violence verbale non censurée dans le meilleur des cas, et par un direct du droit sinon. Chez Colruyt, on peine à faire face aux inscriptions aux formations en gestion de l’agressivité. « Le personnel du magasin a peur de s’adresser aux clients, ce n’est pas le but », dit un représentant syndical. « La fatigue gagne tant nos clients que nos employés », reconnaît-on à Halle. Vous savez ce qu’il vous reste à faire : soyez un peu plus disciplinés quand vous irez faire vos courses… Les lecteurs de Filet Pur ne sont pas des barbares, si ? Prouvez-le dans ce cas ! À la semaine prochaine !
Vous souhaitez recevoir chaque vendredi un résumé de l’actualité FMCG dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous ici pour recevoir la newsletter gratuite de RetailDetail Food.