D’après vous, quelles tendances persisteront en 2014 ?
S.V.B.: « Premièrement je m’attends à ce que le modèle d’affaires existant soit fortement ébranlé par ce que j’appelle ‘une attaque sur les flancs’. Non pas une attaque frontale venant de la concurrence elle-même, mais venant de petites organisations d’une part et de grands acteurs du numérique avec un champ d’activités très large, comme Amazon et Google, d’autre part.
Une deuxième tendance que j’observe est l’aspect prévisible du consommateur, étant donné qu’il laisse partout derrière lui des données personnelles, alors qu’il y a quelques années il était encore tout à fait imprévisible. Ainsi aujourd’hui on peut prévoir de manière quasi scientifique si un produit aura du succès ou non. Il y a moyen d’obtenir du feedback très rapidement et de réagir presqu’instantanément par rapport à ce retour d’information. Dans cette optique le marketing ne commence pour ainsi dire que lors du lancement du produit.
Troisièmement 2014 sera l’année où il faudra sa battre pour attirer l’attention du client. Suite à la prolifération des médias, il est de plus en plus difficile d’atteindre soi-même son client. Il faut donc faire le raisonnement inverse : c’est le client qui doit venir à vous. Au moment où il se rendra chez vous, il aura déjà pris sa décision, alors qu’auparavant il devait encore prendre sa décision une fois arrivé chez vous. Il faudra donc en tenir compte dans la stratégie marketing.
Une dernière tendance à noter est l’évolution considérable de la technologie portable, comme le FuelBand de Nike, les smartwatches, toutes sortes de capteurs corporels … , ce qui permettra aux gens d’enregister eux-mêmes ce qu’ils font de leur argent, de leur corps, … etc. En tant qu’entreprise il faudra tenir compte de cette tendance de certains consommateurs à tout vouloir quantifier et répertorier. L’enjeu consistera donc à se servir habilement de ce phénomène. »
Tout à l’heure vous évoquiez le changement du marketing et le fait que les entreprises devront s’adapter. Qu’entendez-vous par là exactement ?
S.V.B.: « Si les départements marketing souhaitent être en phase avec le client, ils devront former de plus petites équipes, même dans les grandes entreprises. S’ils recherchent une compétence spécifique, ils ne devront pas la chercher en interne, mais à l’extérieur auprès de plus petites entreprises avec lesquelles ils devront collaborer. Il leur faudra donc développer une sorte de réseau.
Selon moi, les entreprises devront opérer ainsi, car à l’avenir il sera très difficile de recruter des talents de haut niveau et parce qu’on aura besoin sans cesse d’autres compétences. Pour évoluer dans ce marché en mutation permanente, il faudra développer son propre réseau. »
Pensez-vous que cela concernera d’autres segments de l’entreprise ou est-ce uniquement le marketing qui doit changer ?
S.V.B.: « Non, cela s’appliquera aussi à d’autres domaines. Aujourd’hui on constate que les ressources humaines, le marketing et l’IT ont tendance à converger et s’influencer mutuellement. Les ressources humaines déterminent en grande partie la satisfaction du client, le marketing est davantage soutenu par l’IT et l’IT à son tour est de plus en plus utilisé pour garantir la satisfaction du client … Tout est donc lié. Par conséquent l’évolution dont je parlais sera perceptible dans tous ces domaines. »
Cela s’applique-t-il aussi à ‘l’extrême orientation vers le client’, que vous évoquiez précédemment ?
S.V.B.: « Non, c’est autre chose. Le réseau dont je parlais concerne la façon d’organiser l’entreprise, alors qu’une orientation extrême vers le client est plutôt une question de mentalité, qui consiste à placer le client au centre de votre organisation. A court terme cela entraînera un désavantage financier, mais à long terme vous en tirerez avantage. Il faut donc opter pour le long terme.
Le système de récompense devra lui aussi être adapté au sein de l’entreprise : si vous recompénsez les gens sur base de la satisfaction du client, le client sera automatiquement au centre des préoccupations de votre entreprise. Une orientation extrême vers le client requiert un changement de mentalité radical consistant à privilégier le client au sein de votre entreprise. Car nombreux sont ceux qui en parlent, mais peu nombreux sont ceux qui joignent l’acte à la parole. »
Parlant de technologie, on constate aujourd’hui l’omniprésence des médias sociaux. Quel rôle joueront-ils à l’avenir ?
S.V.B: « Les médias sociaux permettent de donner une voix aux gens. C’est un moyen d’interaction avec d’autres et avec les entreprises. En règle générale on constate que les nouveaux médias sociaux augmentent la force et la transparence du consommateur. L’évolution que nous percevons aujourd’hui, s’accélèrera considérablement dans les années à venir.
On voit de plus en plus souvent des consommateurs créant leurs propres petites entreprises et dans une phase suivante ils produiront eux-mêmes. A terme ils finiront par concurrencer chaque entreprise : le hobby du consommateur risque ainsi de devenir votre plus grand concurrent. Le secteur de la photographie en a été la première victime, le reste suivra. »
Pensez-vous que Facebook continuera à jouer un rôle important ou êtes-vous de ceux qui estiment que son importance diminuera ?
S.V.B.: « Non, je pense que Facebook continuera à jouer un rôle important, contrairement à ce que certains prétendent. Ce n’est pas parce que d’autres réseaux grimpent, que Facebook va chuter. D’ailleurs d’après les chiffres, Facebook est toujours numéro un. J’ignore si ce sera encore le cas dans dix ans, toujours est-il qu’aujourd’hui son impact est considérable et que les marketeurs doivent en tenir compte. »
Les retailers ont découvert l’importance des ‘big data’, mais en contre-réaction les consommateurs veulent à tout prix protéger leur vie privée. Cela peut-il poser problème selon vous ?
S.V.B: « Effectivement il y a là matière à discussion dans les années à venir : jusqu’où peut-on aller en tant que marketeur ? L’essentiel pour une entreprise est de se demander comment améliorer l’expérience client à l’aide de ces données et non comment se servir de ces données pour gagner plus d’argent. Dans ce dernier cas, je crains que le client soit lésé et que l’entreprise franchisse la ligne rouge.
Si vous partez du principe que ces données vous permettront d’améliorer l’expérience client, à terme votre démarche sera rentable. Tant que le client en tire profit et n’éprouve pas d’inconvénients à ce que l’entreprise dispose de ses données, il n’y aura pas de problème. »
Steven Van Belleghem sera l’orateur du RetailPodium du 31/01, qui aura lieu à la Retail House à Anvers. Vous souhaitez participer à cette conférence ? Inscrivez-vous sans tarder, car les places sont limitées !
Outre Steven Van Belleghem, d’autres conférenciers de renom sauront vous inspirer lors des prochaines sessions du RetailPodium :
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