Si 2020 a été une année record pour de nombreux acteurs du food-retail, la pandémie aura également un impact durable sur leurs activités. McKinsey et EuroCommerce ont identifié trois grandes tendances qui obligeront les supermarchés à adopter de nouvelles stratégies et à innover.
Contraction
Après une année 2020 record, les CEO du food-retail s’attendent à douze mois plutôt moroses : ils prévoient un cru 2021 compliqué et riche en incertitudes, selon une enquête de McKinsey menée en collaboration avec la fédération EuroCommerce. L’enquête menée en janvier a montré que près de la moitié d’entre eux craignent une détérioration du marché.
Leur principale préoccupation est le retour du prix sur le devant de la scène : de nombreux consommateurs – qu’ils aient été touchés ou non par la crise sanitaire – semblent vouloir s’engager sur la voie du « downtrading ». Par exemple, 34% des consommateurs européens déclarent qu’ils aimeraient faire des économies sur les courses. Ils sont aussi plus d’un quart (27%) à affirmer qu’ils seront désormais plus attentifs aux promotions et un sur six à vouloir se tourner vers des produits moins chers. Si on y ajoute les attentes plus élevées des consommateurs en matière de qualité – même dans le segment le plus bas –, cette situation fait peser une forte pression sur le food-retail.
Toutefois, les consommateurs ont aussi l’intention de conserver certaines nouvelles habitudes après la pandémie. Par exemple, de nombreux consommateurs prévoient de continuer à acheter davantage au supermarché et moins dans d’autres canaux, comme l’horeca. La crainte d’une contraction globale du marché après la réouverture des restaurants n’est donc que partiellement justifiée.
30% veulent manger plus sain
On notera que dans les tranches de revenus plus élevés, les consommateurs sont généralement moins sensibles aux prix et prêts à dépenser davantage pour des produits plus sains et leur alimentation en général. En revanche, les faibles revenus se concentrent davantage sur l’aspect financier et se préoccupent moins de l’aspect santé. L’enquête confirme ainsi la polarisation croissante observée avant en 2020, bien que les mêmes tendances s’observent dans toutes les tranches de revenu.
L’importance d’un mode de vie et d’une alimentation sains constitue une deuxième évolution majeure, qui obligera le food-retail à s’adapter. La crise sanitaire a accéléré la croissance des produits plus sains, durables et locaux, et aucun ralentissement n’est en vue. En Europe, 30% des personnes interrogées prévoient d’accorder une plus grande attention à une alimentation saine en 2021, près d’un quart des répondants souhaitent dépenser davantage pour des produits régionaux et locaux, et 19% déclarent qu’ils achèteront des produits plus respectueux de l’environnement.
Internet
Parallèlement, les CEO voient dans l’essor des canaux en ligne leur deuxième priorité – après l’importance croissante donnée au prix. L’e-commerce a opéré sa grande percée durant la pandémie et la plupart des consommateurs s’attendant à acheter davantage en ligne en 2021 qu’en 2020. Et plus les consommateurs ont déjà acheté en ligne, plus ils ont tendance à augmenter la part de leurs achats en ligne.
En revanche, ceux qui ne l’ont pas encore fait ne prévoient pas de se tourner vers l’e-commerce dans l’immédiat. Il reste donc une partie des consommateurs qu’il est impossible en ligne. Lorsqu’on leur a demandé ce qui les empêchait de commander en ligne, 49% ont répondu qu’ils préféraient le contact personnel en magasin, 33% ont estimé que les frais de livraison étaient trop élevés et 22% jugent que le montant minimum par commande restait trop élevé. De leur côté, les retailers voient naturellement la nécessité d’améliorer leur rentabilité en ligne. Ils devront donc s’efforcer de gagner en efficacité et trouver de nouvelles marges pour enregistrer une croissance rentable.
Niches
Pour McKinsey, il n’y a pas de temps à perdre : si tous les food-retailers vont sans doute travailler sur ces trois tendances, reste à savoir si les efforts déployés sont suffisamment ambitieux et rapides pour sortir gagnants de la crise. Les changements sont plus amples et plus rapides que jamais, ce qui pourrait entraîner des bouleversements dans les parts de marché au cours années à venir. Les acteurs de plus petite taille pourront s’en sortir en excellant dans un ou deux domaines et en prenant soin de leur niche, mais les grandes chaînes de supermarchés éprouveront des difficultés à conserver leur part de marché à moins d’exceller dans les trois tendances.
Même si la demande de produits à haute valeur ajoutée ou de qualité atténuera quelque peu la pression, les retailers devront probablement déployer des efforts considérables pour maintenir leur rentabilité à niveau. Ils seront par exemple contraints d’encore réduire leurs coûts et d’exploiter de nouvelles marges. L’automatisation de la chaîne logistique et des processus de back-office peut être un levier pour y parvenir.
Assortiment par magasin
Une analyse avancée des données permet également de répondre à la polarisation croissante des consommateurs. Selon les auteurs de l’enquête, il est par exemple nécessaire de gagner en précision dans la planification de l’assortiment, avec même des assortiments locaux ou spécifiques à un magasin pour mieux répondre à la dynamique régionale de chaque magasin. La personnalisation des prix et des promotions peut également permettre de gagner en rentabilité.
« Ces évolutions sont autant d’opportunités de gagner de nouveaux clients », conclut le rapport. Nous voyons certains retailers faire preuve d’audace, par exemple en introduisant de nouvelles marques de distributeur axées sur la santé ou en élargissant et en améliorant leur assortiment dans les segments inférieurs. D’autres réorganisent leurs activités pour investir davantage dans l’Internet. »