En dix ans, Albert Heijn a complètement changé de statut en Flandre : le nouveau venu un peu exotique est désormais un foodretailer omnichannel à part entière qui revendique un rôle de locomotive dans la qualité de l’alimentation, le rapport qualité-prix et la numérisation. « Nous sommes parfaitement dans les temps. »
Un processus d’apprentissage des deux côtés
Le 16 mars, on fêtera le dixième anniversaire de l’inauguration du premier Albert Heijn belge à Brasschaat. Et si c’était le scepticisme qui prévalait à l’époque, le succès a dépassé les attentes. Quels enseignements tirer de cette aventure jusqu’à présent ? Quels sont les projets du retailer ? Nous en avons discuté avec la CEO Marit van Egmond et le Country Manager pour la Belgique Raf Van den Heuvel, qui étaient présents dès le premier jour.
« Je me suis déjà promis d’écrire un jour un livre sur ce que nous avons vécu durant ces dix ans », sourit-il. « Ce fut une aventure fantastique, incroyablement riche. Elle nous a également beaucoup appris. Bien sûr, nous avions parfaitement préparé notre coup : nous disposions dès le départ d’un bon mix entre produits belges et néerlandais, et nous n’avons cessé de l’affiner au fil des ans. Nous nous approchons de plus en plus de l’équilibre idéal : qu’est-ce que les Belges apprécient aux Pays-Bas ? Que devons-nous développer ? Où ajouter une Belgian touch ? On le voit également aux clients que nous accueillons. Nous disposons désormais d’un réseau beaucoup plus étendu : nous compterons bientôt soixante magasins. Quand nous avons inauguré notre premier magasin de Brasschaat, c’était un peu une sortie, une envie de voir ce qu’Albert Heijn avait à offrir. Aujourd’hui, c’est un supermarché où l’on fait ses courses quotidiennes. Nous allons poursuivre dans cette direction. »
Ce processus d’apprentissage est intervenu des deux côtés, embraie Marit van Egmond : « Cela fait maintenant 24 ans que je suis chez Albert Heijn, j’ai donc moi aussi vécu ces dix premières années en Belgique, même si d’un peu plus loin. Au cours de ces dix années où nous avons appris à mieux nous connaître, nous avons également transposé de nombreuses évolutions intéressantes de la Belgique vers les Pays-Bas. L’un des exemples les plus marquants est sans doute notre gamme de bières spéciales. Nous l’avons depuis adoptée aux Pays-Bas, et l’équipe belge nous a beaucoup aidés dans ce processus. Ces bières occupent désormais une belle place dans les rayons de nos magasins néerlandais. »
Grandir avec les entrepreneurs
L’expansion belge a été brièvement interrompue par un événement majeur : la fusion d’Ahold et de Delhaize, qui a notamment contraint le groupe à céder plusieurs magasins. Comment la coopération a-t-elle évolué depuis ? Les sièges sont toujours distincts, mais c’est tout à fait normal pour Marit van Egmond : « Le groupe compte encore d’autres entreprises, pensez à bol.com, Etos, Gall & Gall… Nous avons donc l’habitude de travailler avec des marques plus locales. »
Une des conclusions de ces dix années est qu’Albert Heijn et Delhaize sont désormais des formules complémentaires qui peuvent parfaitement coexister. « Willebroek en est un superbe exemple », note Raf Van den Heuvel. « Le franchisé Delhaize y a ouvert un Albert Heijn littéralement de l’autre côté de la rue. Il est très satisfait des deux formules : il porte toujours fièrement l’étendard Delhaize, mais est désormais tout aussi enthousiaste concernant Albert Heijn. Il m’a même demandé d’ajouter un deuxième magasin. Je ressens cet appétit chez tous les entrepreneurs avec qui je discute : “Nous voulons grandir !” Il est vraiment agréable de pouvoir travailler avec ses entrepreneurs dans une telle atmosphère. » Cela signifie-t-il que d’autres entrepreneurs Delhaize pourraient ouvrir un Albert Heijn ? « Ce n’est certainement pas à exclure. Mais d’autres entrepreneurs suivent aussi le mouvement. Nous sommes en train d’ouvrir notre soixantième magasin à Merchtem. Et notre XL de Malines sera inauguré à la fin de cette année. Nous entrevoyons encore un gros potentiel de croissance chez nos entrepreneurs. »
Plusieurs entrepreneurs sont aujourd’hui propriétaires de plusieurs magasins : le plus grand reste Peeters-Goovers, mais Nathalie et Marco Van Ende, les pionniers qui ont répondu présents dès les premiers jours, possèdent également quatre supermarchés. Est-ce une stratégie délibérée ? Marit van Egmond : « Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux entrepreneurs, et ils sont nombreux à se manifester. Nos entrepreneurs sont généralement très satisfaits de leurs magasins, et veulent en ouvrir un deuxième, un troisième ou un quatrième. »
Raf Van den Heuvel fait référence à la famille De Vries, qui a ouvert cinq magasins en l’espace de cinq ans dans le Limbourg. « Une superbe performance. C’est désormais une authentique entreprise familiale, puisque les deux fils et la fille ont rejoint l’entreprise. Voir de jeunes entrepreneurs évoluer avec nous me procure un sentiment unique. Mais nous ajoutons également de nombreux nouveaux entrepreneurs à notre portefeuille belge. Y compris des collègues ayant une expérience chez Delhaize, désormais. »
« Ces dix ans de présence en Belgique ont démontré la force d’Albert Heijn », estime Marit van Egmond. « Les entrepreneurs nous ont adoptés, comme beaucoup de Flamands ont adopté Albert Heijn. Et tout le monde en veut plus aujourd’hui : nous, les entrepreneurs, les clients… »
Challenger
Pour les observateurs de la grande distribution, Albert Heijn a surtout réussi à attirer un public un peu plus jeune et plus divers. Mais Raf Van den Heuvel refuse de se laisser enfermer dans des profils définis. « Nous avons énormément de succès à Brasschaat. Mais vous savez aussi que nous avons des magasins urbains à Anvers, dans des quartiers moins aisés ou plus populaires, où nous sommes également très performants. Comme Albert Heijn lui-même l’avait dit en son temps : “Je veux être là pour les riches et les pauvres.” Et je pense vraiment que nous y sommes parvenus en Belgique. Notre magasin de Brasschaat attire un public différent de celui de Hoboken. Et je trouve cela très beau. »
En sa qualité de nouveau venu et de challenger, Albert Heijn Belgique cultive peut-être une image légèrement différente de celle de l’Albert Heijn leader du marché aux Pays-Bas, une image plus rebelle… « Nos clients nous voient différemment. C’est inévitable. Pour un Belge, ces Hollandais d’Albert Heijn ont quelque chose de nouveau, d’exotique. En Belgique, nous sommes des challengers. Un Néerlandais grandit avec Albert Heijn. Pour lui, nous sommes une institution. Cela n’a rien à voir. »
« Nous n’hésitons pas non plus à secouer le marché aux Pays-Bas, mais d’une manière différente », poursuit Marit van Egmond. « Quand nous évoquons notre ambition de mettre une meilleure alimentation à la disposition de tous, cela touche aussi le rôle que nous jouons dans le domaine de l’assortiment, qu’il faut améliorer et rendre plus sain. Mais nous y travaillons depuis des années, par exemple en réduisant les teneurs en sel et en sucre. Et nous incitons ainsi les marques A et autres à nous suivre. »
Trois fers de lance
L’un des grands changements qu’Albert Heijn a apportés en Belgique est sa politique de promotion : ces offres 1+1 spectaculaires y étaient inconnues il y a dix ans. Elles s’inscrivent dans la stratégie du retailer qui s’articule autour de trois axes majeurs, explique Marit van Egmond.
« Tout d’abord, nous voulons promouvoir une meilleure alimentation : du frais, de la variété, du sain et du durable. Notre deuxième fer de lance est le rapport qualité-prix. Il est ancré dans notre ADN depuis longtemps. Ce sont nos “prix préférés”, qui sont également très visibles chez Albert Heijn Belgique. Nos offres bonus sont également très importantes dans ce domaine. Nous aimons surprendre les clients avec des offres et des promotions exceptionnelles, toutes très différentes. C’est la spécificité d’Albert Heijn : nous combinons un assortiment de base de grande qualité, proposé à des prix très compétitifs, avec des offres intéressantes, parfois très surprenantes ou très pointues. »
La troisième priorité est la technologie et la numérisation. « On le voit aussi en Belgique : nous sommes des précurseurs avec le self-scan, une application, des livraisons en ligne. Notre évolution est remarquable. Il y a dix ans, nous n’avions d’un seul magasin en Belgique. Aujourd’hui, nous sommes un foodretailer omnichannel à part entière avec non seulement des supermarchés, mais aussi des points d’enlèvement, des services livraisons, des magasins XL… Et il y a deux semaines, nous avons annoncé l’arrivée de magasins AH to go sans personnel. Cela signifie que tout ce qu’Albert Heijn a à offrir sera désormais disponible en Flandre. »
Frais et végan
La fraîcheur reste un élément central chez Albert Heijn. Depuis un certain temps, le retailer déploie son concept « vraiment frais » dans tous ses magasins. Un concept qui ne cesse d’évoluer. « Nous rénovons trois à quatre magasins par semaine selon notre dernier concept, que nous avons développé il y a deux ans. Nous apprenons en permanence. Désormais, nous donnons beaucoup plus d’espace aux produits végétariens. C’est un groupe en forte croissance aux Pays-Bas et désormais aussi en Belgique. Nous avons enlevé le végétarien des murs pour le placer au centre des magasins. Ce rayon occupe donc une place beaucoup plus importante, avec une septantaine de nouvelles références en marque propre. C’est une des forces d’Albert Heijn : l’innovation en matière d’assortiment. Et désormais, le rayon végétarien figure aussi en bonne place dans les brochures en Belgique. »
Raf Van den Heuvel : Nous sommes toujours très satisfaits des évolutions amorcées aux Pays-Bas. Elles ont toujours été bien pensées. Ces tendances ne sont pas spécifiques aux Pays-Bas ou à la Belgique : ce sont des tendances européennes ou mondiales et vous pouvez constater qu’Albert Heijn, en tant que leader sur le marché néerlandais, dicte toujours le rythme. Et en Belgique, nous sommes très heureux de pouvoir les suivre dans cette voie. »
Frontière linguistique
L’ambition est d’avoir une centaine de magasins en Belgique. La soixantaine sera atteinte cette semaine. Combien de temps faudra-t-il pour franchir la barre des cent ? « Nous avons pris le bon rythme », pense Raf Van den Heuvel. Même durant une année aussi spéciale que 2020, nous avons continué à investir et ouvert neuf magasins. Nous sommes donc parfaitement dans les temps. » Ce bon rythme, c’est huit à dix magasins par an ? « Pour moi, on peut toujours aller plus vite. J’aime les défis. Mais il n’est pas question de verser dans la précipitation. »
Albert Heijn compte désormais 25 magasins en propre et 35 franchisés appartenant à 13 entrepreneurs – dont Merchtem – en Belgique. Pour le retailer, c’est un bon mix qui offre le meilleur des deux mondes. « Les entrepreneurs ont une énorme envie d’investir et nous sommes heureux de répondre à cette envie. » Mais l’entreprise n’exclut pas l’ouverture de nouveaux magasins en gestion propre.
Et si la dénomination officielle est Albert Heijn Belgique, son champ d’action se limite jusqu’à présent à la Flandre. Et même si quelques magasins proches de la frontière linguistique accueillent également des clients francophones, comme à Wemmel ou à Zaventem, les experts sont unanimes : AH devrait tôt ou tard franchir la frontière linguistique. Est-ce une option ? Marit van Egmond ne veut rien exclure, mais… « Nous nous concentrons sur les domaines dans lesquels nous pouvons nous développer. Nous pouvons encore nous grandir aux Pays-Bas : nous venons d’annoncer notre intention d’acquérir une grande partie de Deen – toujours sous réserve d’approbation – et cela représente 39 magasins supplémentaires. Et nous voyons toujours de nombreuses opportunités de croissance dans la partie flamande. »
Raf Van den Heuvel ajoute : « Voyez le Brabant flamand par exemple : nous ne sommes pas encore présents à Louvain. Idem dans la périphérie de Bruxelles, y compris la périphérie sud… Construisons d’abord quelque chose de solide là-bas. Il y a suffisamment de projets dans le pipeline. »
Les clients omnichannel sont plus fidèles
Entre-temps, Albert Heijn poursuit son expansion en ligne : le retailer couvre désormais toute l’agglomération anversoise et ne cesse d’ajouter de nouvelles zones de livraison, comme récemment avec la région malinoise et celle du Rupel. « Tout se passe bien, les réactions sont très positives. Nous étendons nos activités code postal par code postal. Surtout en cette période, il y a une énorme demande de services en ligne », explique Marit van Egmond.
Elle n’y voit pas une mode passagère. « C’est notamment ce que je constate aux Pays-Bas. Nous y sommes légèrement en avance sur la Belgique dans ce domaine, bien que celle-ci soit en train de nous rattraper. La pandémie a donné un coup de fouet aux courses en ligne, et nous voyons maintenant que nos clients commencent à les intégrer dans leur rythme de vie normal. Je m’attends à ce qu’ils continuent sur cette voie. Nous constatons également que les clients qui achètent en ligne continuent à fréquenter les magasins. Ils combinent les deux : ils commandent certaines de leurs courses en ligne et se rendent au magasin pour d’autres, selon la situation. Nos meilleurs clients en ligne sont aussi les meilleurs clients de nos magasins. »
« Et ce qui est formidable en Belgique, c’est que nous pénétrons à présent des régions où nous n’avons pas encore de magasin », explique Marit Van den Heuvel. « C’est d’abord en ligne que nos clients entrent en contact avec la marque Albert Heijn et nos produits. J’ai grandi dans la région du Rupel : nous venons à peine de commencer à y livrer à domicile et je reçois déjà énormément de messages de parents et d’amis sur les produits Albert Heijn. Ils n’ont pas encore eu l’occasion de visiter des magasins, mais ils sont déjà très familiers d’Albert Heijn. J’en suis convaincu : dès que nous ouvrirons un magasin dans cette région, ce sera un succès retentissant. »
Marit van Egmond : « C’est aussi la force d’Albert Heijn : avec notre connaissance et nos vingt ans d’expérience des courses en ligne, nous sommes à même d’accélérer les choses pour l’équipe belge. Nous tirons profit la force de frappe d’Albert Heijn pour nous entraider. »
Agrumes et caddies remplis
Bien entendu, le retailer tire de nombreux enseignements de la crise sanitaire. Marit van Egmond souligne l’énorme croissance du self-scanning et des paiements électroniques. « Les clients ne veulent plus de pièces de monnaie. Nous avons fait un énorme pas en avant dans ce domaine. Idem en matière d’alimentation, dans le regard que nos clients portent sur son rôle dans la santé. Nous le constatons notamment à l’augmentation des ventes d’agrumes et de salades de fruits. Même si cette prise de conscience a peut-être eu lieu un peu plus tôt en Belgique – c’est aussi quelque chose que nous avons appris. Avec mon cœur Albert Heijn, j’adore voir que nos clients sont de plus en plus conscients de l’importance de bien manger, de se faire plaisir et de prendre soin de soi. La crise sanitaire a remis cet aspect au premier plan. »
Pour Raf Van den Heuvel, les caddies pleins à ras bord sont encore plus marquants : « Je vois des clients qui choisissent délibérément Albert Heijn comme le supermarché où ils peuvent trouver tout ce dont ils ont besoin : des articles particuliers, mais aussi des produits de tous les jours à des prix compétitifs. »
Une marque familière
Où Albert Heijn veut-il se trouver dans dix ans ? « Nous continuerons à investir dans une meilleure alimentation : plus végétarienne, plus saine, plus durable… La numérisation va s’intensifier au cours des dix prochaines années, notamment avec le self-scan, d’utilisation d’applications… Mais aussi dans la manière nous aidons nos clients à cuisiner et à adopter un mode de vie sain. » Je pense que le rapport qualité-prix restera important, avec les prix préférés, les offres bonus. Il pourrait même devenir plus important que jamais en cette période d’incertitude », estime Marit van Egmond.
Raf Van den Heuvel conclut : « Ma fille est née en 2014 et n’a donc jamais connu la vie sans Albert Heijn. C’est une énorme différence avec les générations qui l’ont précédée. Je suis convaincu qu’en Flandre, Albert Heijn sera une marque familière pour les générations à venir. C’est un bel héritage à laisser derrière soi. Voyez la position de cette marque aux Pays-Bas : nous sommes en train de la conquérir en Flandre. Pour la génération de ma fille, Albert Heijn fera partie du quotidien. »