Aujourd’hui, Filet Pur commémore le premier anniversaire de la bagarre chez Colruyt. Mais votre chronique préférée met également en lumière des stratagèmes de marketing post-coronavirus. Parce que rien n’est normal dans la nouvelle bonne vieille normalité.
Malin yaourt
Vous vous souvenez : le jeudi 12 mars 2020, dans l’après-midi, le siège généralisé avait commencé ; dans la journée du vendredi 13, la plupart des supermarchés avaient épuisé leurs stocks de pâtes, de farine et de papier toilette ; le soir même, nous buvions notre dernière pinte au bar ; le 18 mars, les magasins non essentiels avaient également dû fermer leurs portes. C’était l’aube de la nouvelle normalité, une période d’essor inédit pour l’ensemble du secteur des produits de grande consommation, avec des chiffres records insolites qui ne seront plus égalés au cours de ce siècle. Pire encore : la situation ne fera que se dégrader. En effet, dès aujourd’hui, nous sommes confrontés à une base de comparaison contre laquelle personne ne peut lutter, pas même à coup de centaines de promotions simultanées 1+5 gratuits. Il faut s’y habituer.
Ou prendre le taureau par les cornes. Ici et là, nous sommes témoins de tentatives astucieuses pour maintenir le niveau du chiffre d’affaires après la crise du coronavirus. Chez Delhaize, par exemple, les couvercles en plastique transparent des emballages de yaourts ou de riz au lait ont disparu. « Ils sont inutiles », soi-disant. Il s’agirait d’une nouvelle étape dans la lutte contre le plastique. La durabilité, vous savez. N’en croyez pas un mot, nous ne sommes pas dupes : il s’agit d’une astuce marketing. Sans couvercle, le yaourt se dessèche rapidement dans le réfrigérateur. Il faut donc le manger immédiatement. Conséquence : la consommation va doubler. Bingo ! Un exemple à suivre : si on commence à supprimer tous les emballages refermables, tout ira bien, n’est-ce pas ?
Shampooing et bière
Tout aussi ingénieuse par sa simplicité, la décision prise par Unilever cette semaine : la multinationale abolit le terme « normal ». Parce qu’ils sont fatigués de tous ces discours sur la nouvelle normalité ? Non, au nom de l’inclusion, officiellement. Pour mettre un terme à la discrimination. Et à juste titre : sommes-nous tous anormaux ? Ce n’est pas moi qui dirai le contraire. Mais le groupe reste discret quant à l’aspect mercantile de cette initiative. Une entreprise mondiale de cette trempe n’est évidemment pas une organisation caritative. Faites le calcul : s’il n’y a plus de shampooing pour cheveux normaux, vous devez acheter un shampooing qui traite les pellicules. Ou qui est doux avec le cuir chevelu sensible. Ou qui donne plus de volume. Et, devinez quoi ? Oui, ils sont plus chers. Bingo ! Les primes pour 2021 ont été sauvées !
Tous les spécialistes du marketing n’ont pas le même génie. Pour certains fabricants, la pénurie de talents en marketing est même douloureuse. Prenons l’exemple de Stella, une marque réputée pour ses campagnes publicitaires. Dans les années 80, elle clamait « Arrêtez le temps, le temps d’une Stella. » Un véritable classique, incontournable dans toutes les écoles de marketing. Puis ce fut « Chez moi, c’est près de ma Stella », pas mal non plus.
Mais depuis 14 ans, rien n’a changé. « Nous avons quelque peu délaissé notre marché domestique », admet aujourd’hui humblement la marque de pils. Et qu’est-ce que propose AB InBev ? Un film 3D insipide, une mauvaise reprise de Sensualité (Axelle Red) et le slogan totalement dénué de sens « The Life Artois ». Vraiment. Dans les écoles de marketing, l’heure n’est pas encore venue d’actualiser leurs cours. La course aux économies pour Carlos Brito ? Ces chiffres de vente vont atteindre un pic au cours des prochains mois.
Un peu gêné
Chez Aldi, c’est le moment de faire le point. Les Belges se sont jetés sur les pâtes et le vin l’année dernière, et si les rayons sont restés plutôt bien garnis malgré ce triste comportement de thésaurisation, c’est uniquement grâce aux excellentes relations à long terme que le combattant des prix entretient avec ses fournisseurs, a expliqué le directeur des achats. Cela ne veut pas dire que les autres détaillants alimentaires n’ont pas d’excellentes relations à long terme avec leurs fournisseurs. C’est noté.
Certains détaillants entretiennent cependant d’excellentes relations avec leurs concurrents. Carrefour, par exemple, est un peu gêné par les bénéfices inattendus alimentés par la fermeture de l’horeca et décide de faire un geste en retour : les restaurateurs peuvent désormais commercialiser leurs plats dans les magasins du détaillant. Magnifique. Mais est-ce que cela pourrait se convertir en un projet à long terme ? Tous les restaurants sont complets à partir du mois de mai, alors même que la réouverture n’est pas encore 100% garantie. Comment ces chefs auraient-ils encore le temps d’approvisionner les magasins ? De plus en plus de signes semblent indiquer que nous allons bientôt revenir à la bonne vieille normalité.
Question rhétorique
Est-ce que faire ses courses serait plus amusant si notre caddie filmait, enregistrait et commentait tout ? C’est la question que se pose le département technologique de Jumbo. Face à une telle question, une personne normale répondrait simplement « laissez-moi tranquille ! » mais chez le Danger Jaune, ils veulent en être absolument certains, c’est pourquoi ils lancent un projet pilote. Sa raison d’être nous échappe. Pourquoi un caddie intelligent si les clients restent tout aussi bêtes ? Qu’obtient-on en combinant intelligence artificielle et stupidité naturelle ? Rien que des ennuis, non ? Cela n’empêche pas la chaîne de reprendre deux autres magasins Alvo. Ça fonctionne.
Est-ce que faire ses courses serait plus amusant si nous avions connaissance des dommages irréparables que cause chaque produit à l’environnement ? C’est la question que se pose Colruyt. Face à une telle question, une personne normale répondrait simplement « laissez-moi tranquille ! » mais à Halle, ils n’en démordent pas. Ainsi, en plus du Nutri-Score, qui cherche à nous imposer ce que nous avons le droit de manger ou non, nous avons maintenant un Eco-Score, qui nous indique ce que nous avons le droit d’acheter ou non. À commencer par notre tasse de café quotidienne : un beau gros E rouge foncé ! Le monde va mal. Au feu, ce business ! Une fois pour toutes. Le saumon fumé : tout aussi néfaste pour la biodiversité. Qu’on le mette au pilori ! Le chocolat : aux oubliettes. Et ainsi de suite. On se souciait déjà si peu de notre bien-être mental.
Regardez. Certains se demandent pourquoi Colruyt perd des parts de marché. Devons-nous désormais traiter cette question comme une question rhétorique ? À la semaine prochaine !
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