Le variant brésilien de ce maudit virus rôde à Halle. Cela ne peut pas être une coïncidence : il est grand temps pour la crème du journalisme d’investigation d’intervenir. Filet Pur s’est lancé à la recherche du patient zéro. Exclusivité : c’est une conspiration !
Fanfaronner
Nous sommes tous d’accord : tout détaillant alimentaire qui enregistre une croissance du chiffre d’affaires inférieure à 11% de ses résultats d’exploitation (it’s the time of the season) est un gros loser. 11%, c’est la croissance du marché des produits de grande consommation selon GfK, durant cette fameuse année record 2020. Ce virus est arrivé comme dans un paquet cadeau pour la vente au détail de produits alimentaires. Avec un gros ruban autour. La croissance du chiffre d’affaires, c’était cadeau. On peut donc se demander si l’heure est réellement à la fanfaronnade, lorsque l’on n’est pas au sommet du marché.
Car c’est justement ce qu’a fait Carrefour cette semaine : annoncer « la meilleure performance depuis au moins vingt ans », pour « seulement » 7,8% de croissance du chiffre d’affaires. Monsieur Bompard n’a jamais rien eu contre un peu de vantardise, mais savait-il qu’ Ahold Delhaize avait déjà battu tous les records un jour plus tôt ? Un taux de croissance de 14,2 %, ça c’est jouer dans la cour des grands. Plus de 7 milliards de chiffre d’affaires en ligne également, un chiffre que le groupe fusionné n’attendait pas avant la fin de cette année. Chez Carrefour, le chiffre d’affaires en ligne a atteint 2,3 milliards. Avec un objectif de 4,2 milliards d’ici à 2022. Il faut bien le dire : voilà des chiffres plutôt contrastés.
Âmes à vendre
Félicitations aux employés de Carrefour en Belgique, qui ont bluffé leurs homologues français avec une croissance de 8,3% (c’est mieux, mais pas encore assez) et qui ont également gagné des parts de marché. Tout comme les rivaux de Delhaize, d’ailleurs, qui attribuent les gains de parts de marché au moins en partie à l’introduction de la carte SuperPlus. Les consommateurs vendraient leur âme pour une petite réduction. Ou du moins leur vie privée. Bientôt, tout le groupe Ahold Delhaize va déployer ce système ingénieux dans le monde entier. Avec pour seul objectif, rendre la population mondiale plus saine, bien entendu.
Nous constatons d’ailleurs que cette solide croissance du chiffre d’affaires n’entraîne de hausse des bénéfices chez aucun détaillant alimentaire : le coronavirus fait augmenter les coûts, et pas qu’un peu. Ces écrans en plexiglas et ces stations de décontamination des caddies sont loin d’être gratuits. En outre, la forte croissance du e-commerce handicape la rentabilité. L’énormissime Walmart en sait quelque chose. Ça promet. Car contre la croissance du commerce électronique, il n’existe pas de vaccin.
Pas de réjouissances
Mais une fois de plus, la grande question est : si Carrefour et Delhaize gagnent des parts de marché, qui en perd ? Nous recevrons une mise à jour de Halle à la mi-juin, et nous sommes impatients. Parce que le leader du marché est désormais attaqué de toutes parts. L’annonce que les prix les plus bas sont même 2% inférieurs à ceux d’avant le confinement n’a pas fait grande impression sur la concurrence. Ou peut-être que si.
Lundi, Albert Heijn a pris le taureau par les cornes, avec une brochure remplie d’offres alléchantes « 1+5 gratuits ». Cela a fait mouche. Tous les médias en ont fait un gros titre : « Hourra, la guerre des prix ! » Mais il n’y a pas eu de réjouissances frénétiques ; et pas seulement en raison de l’interdiction de Marc Van Ranst. Non, Appie n’a pas besoin de budget publicitaire, on leur offre les GRP sur un plateau d’argent… Pas même un 1+5, tout simplement gratuitement. Eh bien !
Camp de vacances
Certains se sont posés des questions sur ce coup publicitaire. Si c’était responsable. Ou si nous n’entrons pas dans une course vers le bas. Ou si les pauvres agriculteurs n’en ont pas déjà eu assez. Vous avez raison. Mais là encore, le commerce de détail n’est pas un camp de vacances. Mettons les points sur les i. Premièrement : ce n’est pas une guerre des prix, ce sont les traditionnelles ventes liées. Des ventes liées plutôt spectaculaire, mais des ventes liées quand même. C’est parfaitement légal. Ils n’en feront probablement pas une habitude hebdomadaire : la nouveauté s’estompe rapidement.
Et, deuxièmement : Albert Heijn n’est même pas le mauvais élève. C’est plutôt Intermarché, spécialisé dans la distribution de viande gratuite. Mais bon, les journalistes flamands ne regardent pas plus loin que la frontière linguistique. Autrement, ils auraient vu que les Mousquetaires offraient une promotion 1+6 cette semaine. Vraiment. Tout peut toujours aller mieux. Pour une fois, ils n’ont pas offert le mélange de viande hachée mais la sauce tomate. Comme si cela faisait une différence.
Les chiffres après la virgule
La raison d’être de tout cela est : faire la misère à Colruyt. Eh oui, si on n’y parvient pas par le prix, il faut jouer sur la perception. Parce que contre ça, Colruyt n’a pas de remède. Le fameux festival des réductions du leader du marché est presque passé inaperçu cette semaine. De nos jours, le consommateur ne sort plus de chez lui pour des réductions frugales de 15 à 33,34 % (Jef aime vraiment les chiffres après la virgule). Nous vous le résumons en une ligne : la guerre des prix est une impitoyable guerre de perception et ce ne va pas aller en s’arrangeant.
Le marché va en effet se contracter cette année, une fois que nous pourrons à nouveau nous installer en terrasse. Et pour les détaillants, cela signifie une lutte pour chaque centime d’euro de chiffre d’affaires et chaque demi-point de pourcentage de part de marché. Ils en viendront aux mains s’il le faut. Et séduire le consommateur avec des offres encore plus alléchantes. Quant à qui va payer pour tout cela, les négociations sont en cours. Mais le risque que les marges bénéficiaires diminuent davantage est bien réel.
La conspiration de Colruyt
À moins que… À moins que ce virus ne disparaisse pas. À moins que les vaccins ne fonctionnent pas. À moins qu’un nouveau virus mutant super contagieux fasse son apparition. Nous serions alors contraints de rester chez nous une année de plus. Et de cuisiner à la maison. Une aubaine pour la distribution alimentaire, n’est-ce pas ? De beaux chiffres garantis, avant et après la virgule. Bingo !
Non pas que je me permette d’insinuer quoi que ce soit, mais le fait que ce dangereux variant brésilien apparaisse maintenant à Halle, serait-ce vraiment une coïncidence ? Ou quelqu’un aurait-il donné un coup de pouce au destin ? La tentation était-elle trop grande ? Un voyage d’affaires essentiel parfaitement justifiable à Goiás pour surveiller la culture durable du soja, par exemple ? Imaginez, une conspiration de Colruyt ! Restez chez vous ! Et n’organisez pas de barbecue ce week-end ensoleillé !
Pas impossible. Pour être sûr, j’ai acheté quelques paquets en promotion de papier toilette Page chez Albert Heijn. J’ai reçu un stock de blocs WC avec lequel je tiendrai encore trois ans. Une aubaine que je ne pouvais pas laisser passer. Vous si ? À la semaine prochaine !
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