Une nouvelle qui arrive sans grande surprise, mais rendue officielle le week-end dernier par Comeos et Mode Unie : les soldes d’hiver 2020 ont été les pires de toute l’histoire des soldes d’hiver. D’où la demande de soutien supplémentaire pour le secteur de la part des deux fédérations. Mais cela devrait également motiver une analyse critique du modèle des soldes.
La discussion sur les soldes est toujours une discussion sur la période d’attente
Les soldes d’hiver et d’été sont une tradition de longue date dans notre pays. En principe, le système est logique. Il permet aux détaillants d’écouler plus rapidement leur stock de la saison en cours pour faire de la place aux nouvelles collections.
Le principal problème, c’est que ce système n’a pas évolué avec son temps. Lorsqu’il est question de soldes, la discussion porte presque systématiquement sur la période d’attente qui précède le début des soldes. Mais cette période d’attente ne s’applique pas aux Zalando de ce monde. De plus, en pratique, cela signe le coup d’envoi d’un mois de ventes liées débridées. Les règles européennes…
La crise du coronavirus en plus
Et maintenant, la crise du coronavirus est venue compliquer la situation. Il va sans dire qu’elle a eu un impact considérable sur les soldes d’hiver. Le funshopping est interdit, le secteur de l’horeca dans et autour des rues commerçantes est fermé, les voyages sont interdits, les fêtes de Nouvel An ont été proscrites, le télétravail est toujours prépondérant… Toutes les raisons de dénicher un bel ensemble « à prix réduit », évaporées en un claquement de doigt.
Peu d’arguments s’opposent à l’appel des fédérations sectorielles pour donner aux détaillants de mode une nouvelle bouffée d’oxygène financière. La traditionnelle augmentation des ventes pendant les soldes servent en principe à générer suffisamment d’argent pour payer la collection d’été commandée. Aujourd’hui, s’il n’y a presque plus d’argent qui rentre, les factures sont en attente. Le secteur traverse indéniablement une période très difficile. L’appel au soutien est sans aucun doute légitime.
Le modèle des soldes se fissure de toutes parts
Au-delà de ça, la période précédente, aussi exceptionnelle soit-elle, démontre une fois de plus que le modèle des soldes actuel se fissure de toutes parts. Le commerce électronique a explosé pendant le coronavirus. Il retrouvera son équilibre une fois la grande crise du coronavirus terminée. Mais quiconque pense que nous allons ensuite revenir à l’époque pré-coronavirus est dans l’erreur. Tout comme ceux qui pensent que nous pouvons étendre les règles des soldes actuelles, belges, au web mondial.
L’industrie de la mode évolue également à un rythme effréné. Deux modèles dominent à l’heure actuelle. Les grandes chaînes, d’une part, qui dépendent principalement de la rotation de gros volumes. Elles veulent pouvoir offrir des réductions toute l’année pour que leurs collections tournent assez vite. Elles sont particulièrement vulnérables à l’essor des détaillants de mode en ligne, comme Zalando, et ont donc tout à gagner d’un environnement aussi peu réglementé que possible.
Un meilleur combat d’arrière-garde
Et, d’autre part, les petites boutiques. Elles misent sur un service approfondi, qui assure une plus grande fidélité de la clientèle. Leur approche les rend également plus résistantes à l’essor des concurrents en ligne. Ceux-ci multiplient les expériences avec toutes sortes de modèles de cabines d’essayage virtuelles, mais cela ne vaut pas l’œil expert et les conseils d’un propriétaire de boutique chevronné. Ces petits magasins sont justement les grands défenseurs du modèle de soldes actuel, avec sa période d’attente. Une période souvent allègrement contournée, sans toutefois l’afficher ostensiblement.
La discussion sur les soldes a tout d’un meilleur combat d’arrière-garde. L’époque où les soldes, avec leur période d’attente, protégeaient les petites boutiques des grandes chaînes internationales qui avaient plus d’influence pour rivaliser sur les prix est révolue. Aujourd’hui, en tant que boutique, il faut être fou pour se lancer dans cette concurrence directe.
Des soldes au bon moment, pas seulement aux périodes autorisées
La crise du coronavirus est l’occasion idéale pour revoir en profondeur l’ensemble du modèle. La tendance à une plus grande durabilité, pour rester dans la terminologie du coronavirus, connait une accélération exponentielle. Actuellement, une période de soldes est-elle encore nécessaire pour écouler les stocks excédentaires ? N’est-ce pas simplement un modèle de production dépassé auquel nous devrions de toute façon renoncer ?
De plus en plus de boutiques et de chaînes de magasins se tournent vers des modèles plus durables, avec des collections réduites et des chaînes de production plus courtes. C’est également là qu’est l’avenir de l’industrie de la mode, notamment avec un système de réductions plus flexible qui ne repose pas sur un calendrier mais sur la réalité de chaque magasin. Des soldes au bon moment et pas seulement aux périodes autorisées, en d’autres termes. Mais toute discussion qui émane de tabous et de tradition, très présente dans le débat actuel sur les soldes, fait obstacle à cet avenir.