Cela a pris un certain temps, mais c’est désormais officiel : le food-retail est à nouveau en guerre. Super. Si le virus ne nous détruit pas, nous nous en chargerons nous-mêmes… Voici en tout cas votre portion de Filet Pur, tout sauf végane.
Wallons paresseux
À quoi ressemble le majeur tendu de Carlos Brito ? On pourrait poser la question aux ouvriers de la brasserie Jupille : des Wallons paresseux qui viennent de se faire botter les fesses pour avoir soi-disant plus fait grève que travaillé. C’est en effet la raison, et la seule, pour laquelle AB InBev dit avoir décidé de délocaliser la production de Stella Artois pour le marché américain dans sa brasserie de Saint Louis, dans le Missouri.
Bien entendu, ils auraient pu se contenter d’expliquer qu’il est beaucoup plus efficace et durable de brasser la bière là où elle est consommée que de la transporter sur plus de 7 000 kilomètres, des rives de la Meuse à celles du Mississippi. Ç’aurait été une explication parfaitement valable. Mais ils ne l’ont pas fait : le brasseur voulait manifestement marquer le coup. Le message clair, trop is te veel. Ces quatre dernières années, divers mouvements sociaux ont mis la brasserie à l’arrêt pendant un mois au total, a-t-on ainsi appris Soit une moyenne d’une semaine par an : rien de bien terrible, si ? Enfin, selon les normes wallonnes en tout cas (c’est de l’humour, chers lecteurs wallons !).
Costumes cintrés
La décision coûtera 29 emplois permanents et 58 temporaires. De la petite bière par rapport à la restructuration menée par leurs collègues de Heineken, où 8000 emplois sont menacés. Environ un dixième des collaborateurs seront ainsi remerciés pour services rendus et poliment escortés jusqu’à la sortie. Pas parce qu’ils font trop souvent grève, mais parce que les ventes de bière se sont effondrées sous l’effet de la pandémie. Et ce sont moins les ouvriers que les gens en costumes cintrés des sièges sociaux qui sont concernés. Frais généraux. À l’ère des équipes autogérées, qui a encore besoin de cadres moyens ? Un algorithme est parfaitement à même de se charger des contrôles et des rapports. Ouï !
D’autres fournisseurs de l’horeca se sont pourtant montrés prudemment optimistes cette semaine. Selon grossiste en food-sercices Metro par exemple, nous pourrons reprendre une vie normale après le deuxième trimestre et nous ferons alors la fête comme jamais. Youpie ! Chez PepsiCo aussi, on estime qu’une campagne de vaccination réussie nous permettra de recouvrer notre liberté cette année. Ils sont naïfs ou quoi ?
Papier
Même discours chez Coca-Cola d’ailleurs : les vaccinations vont sauver le chiffre d’affaires cette année, affirme le CEO James Quincey. Ce type ne lit pas manifestement les journaux… Problèmes de production et de livraison au sein du Big Pharma ? Ça va s’arranger. De nouvelles mutations de ce virus, peut-être plus résistantes (la dernière en date étant un « variant de Bristol » réputé particulièrement vicieux) ? Et alors…. Bref…. Entre-temps, le fabricant de plastique a mis au point une innovation durable : une bouteille en papier. Les Hongrois seront les premiers à la tester. Si la chose ne fuit pas, notre tour viendra ensuite.
Reste à savoir si cette bouteille sauvera l’environnement. En tout cas, les experts sont divisés (comme d’hab’). Car le papier, c’est également du déchet. Et pour l’instant, la bouteille est dotée d’un bouchon en plastique. Évidemment, il n’est pas facile de vendre des sodas sans emballage. La solution la plus durable consisterait en fait à ne pas vendre de boissons non alcoolisées du tout, mais l’idée ne réjouit pas les actionnaires. Bref, il y a toujours un truc qui ne va pas.
Le prix de la vie privée
Ils pourraient éventuellement venir jeter un coup d’œil à Lochristi ou à Kessel-Lo. Delhaize et Ecover y testent un système de recharge pour les lessives et les liquides vaisselle. Les clients qui réutilisent leurs bouteilles bénéficient d’une réduction. Pour l’instant, le système ne causerait pas trop de débordements (au propre, pensez au risque de sols glissants dans les magasins) et les ventes auraient augmenté de 67%. Vous voyez M. Quincey, c’est ça, sauver l’environnement. À présent que tout le monde se balade avec une gourde réutilisable flashy, la solution est évidente. Il suffit de vouloir le voir.
Tiens, en parlant de Delhaize. Vous souvenez-vous du slogan « Delhaize n’est pas le moins cher » ? C’était l’été dernier, quand la chaîne de supermarchés a lancé son fameux programme SuperPlus. Eh bien à en croire une analyse approfondie des petits malins de Daltix, le détaillant a tenu parole : Delhaize n’est en effet pas le moins cher. Oui, ceux qui n’achètent que des aliments sains et ne font pas grand cas de leurs données personnelles bénéficient d’importantes réductions. Mais il faut bien que quelqu’un paie ces cadeaux… Et ce quelqu’un, c’est le client qui estime que Xavier Piesvaux n’a pas à savoir ce qu’il met dans son caddie. La vie privée a un prix, manifestement.
Plus que jamais.
Celui qui est toujours le moins cher, c’est Colruyt. Rappelez-vous le premier confinement : ils étaient bien embarrassés, les Hallois, quand les promotions ont été suspendues et les Prix Rouges se sont retrouvés sans la moindre utilité. Car dans ces circonstances, ce sont évidemment les « meilleurs prix » qui augmentent le plus. Et ça, ça fait mal. Mais le discounter pas soft pour un sou s’est largement rattrapé depuis : ils sont désormais encore moins chers qu’il y a deux ans. Grâce aux rivaux d’Albert Heijn, bien sûr : depuis qu’il a laissé tomber ses microscopiques ajustements locaux et décidé d’affronter les Néerlandais bille en tête, Colruyt est plus compétitif que jamais. Eh oui, c’est le grand retour de la guerre des prix (qui n’avait jamais réellement disparu, mais soit).
Bon, mais qu’est-ce qu’on mange ? Peut-être avez-vous vous aussi cherché en vain un bloc de feta dans votre supermarché ces derniers jours. Ce fromage pas toujours très grec est tout simplement porté disparu en Europe. Des rayons vides, juste parce qu’un influenceur finlandais (!) a un plat au four apparemment délicieux sur son Instagram. La vidéo est devenue virale, TikTok est devenu fou, le reste appartient à l’histoire. On vit une époque formidable. Maintenant, cuisinez tout ce que vous voulez tant que ce n’est pas du saumon : c’est un désastre pour la planète. Si le virus ne nous anéantit pas, le saumon le fera. Si cela dépendait de Nestlé, nous serions d’ailleurs tous végans dès l’âge de quelques mois. Peut-être en sommes-nous simplement arrivés à un stade où la fin du monde ne serait qu’un moindre mal, au fond… Soyez prudents et à la semaine prochaine !
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