Les activités internationales du discounter Lidl sont en forte croissance et sont plutôt rentables, révèle une analyse des chiffres. Pourtant, les défis sont de taille : le détaillant risque de manquer le train du e-commerce.
Croissance honorable
Le chiffre d’affaires du discounter Lidl en dehors de son marché national allemand s’élève déjà à près de 57 milliards d’euros. C’est ce qui ressort des derniers comptes annuels de Lidl Stiftung & Co KG, la société qui couvre les activités internationales du discounter, représentant plus de 60% du chiffre d’affaires total. Les analystes de Barclays se sont penchés sur les chiffres de l’exercice financier 2019, clôturé en février 2020. Juste avant l’épidémie de coronavirus, donc.
Le chiffre d’affaires international a augmenté de 11,8%, une croissance plus qu’honorable, et même légèrement supérieure aux prévisions, selon le rapport. Le détaillant n’est pas entré sur un nouveau marché en 2019 : son entrée prévue en Lettonie a été reportée. Néanmoins, sur ses marchés existants, Lidl continue à ouvrir de nouveaux magasins et à rénover et agrandir les plus vieilles succursales à un rythme soutenu. Une stratégie qui coûte cher : les investissements (Capex) se sont élevés à 4,5 milliards d’euros, soit 7,9 % du chiffre d’affaires, un chiffre élevé par rapport à d’autres détaillants (4% chez Colruyt et environ 2,3% chez Carrefour). Le gros de ce montant a été consacré à l’immobilier.
Comportement de consommation changeant
Par conséquent, la marge brute a diminué pour la quatrième année consécutive, après une année record en 2015. 25,85% reste toutefois fois une très belle performance. Le groupe parvient à maîtriser les coûts salariaux et à accroître la productivité. La marge EBITDA a également légèrement baissé à 6,36%, mais la marge EBIT a augmenté à près de 4% grâce à la baisse des coûts d’amortissement. Encore une fois, ce sont d’excellents chiffres par rapport aux concurrents. Le bénéfice net a augmenté de 24% pour atteindre près de 1,6 milliard d’euros, un chiffre également supérieur aux prévisions.
Malgré cet excellent bilan, Lidl se montre très prudent quant à ses perspectives. Outre l’incertitude générée par la pandémie, le détaillant souligne le comportement de consommation changeant, avec l’importance croissante de la durabilité et de la numérisation. La croissance du commerce électronique représente notamment un défi pour les discounters, en raison de leur modèle commercial qui se concentre sur une structure de coûts simplifiée et des prix bas.
Perspectives mitigées
Les clients de Lidl peuvent désormais commander leurs courses en ligne dans six pays. Le groupe teste également le click & collect en Pologne et travaille en partenariat avec des tiers en Espagne (Lola Market) et en Irlande (Buymie). En outre, le discounter déploie son application Lidl Plus et l’application de paiement Lidl Pay dans de plus en plus de pays. Mais la progression est loin d’être rapide. Les perspectives pour Lidl sont donc quelque peu ambivalentes : d’une part, le concept discount peut bénéficier de la détérioration de la conjoncture économique dans la plupart des pays mais, d’autre part, la chaîne risque de manquer le train du e-commerce. En Allemagne, par exemple, le chiffre d’affaires des concurrents Edeka et Rewe a augmenté de 26%, contre « seulement » 20% chez Lidl, qui a donc perdu du terrain.
Les désaccords avec la société mère Schwarz sur la stratégie numérique à adopter sont peut-être à l’origine des nombreux changements au sommet chez le détaillant : depuis 2017, trois PDG se sont déjà succédé. Barclays souligne que le groupe Schwarz a absorbé la division numérique de Lidl début 2020, le discounter pourrait donc ne plus être maître de ses initiatives sur le plan numérique. Schwarz appuie-t-il plus fort sur l’accélérateur numérique ?
Guerre des prix
D’ailleurs, Lidl se porte également très bien sur son marché national : l’année dernière, le chiffre d’affaires a progressé de 5,7%, ce qui est plutôt impressionnant compte tenu du bon positionnement de la chaîne sur le marché. Mais les discounters ont perdu des parts de marché en Allemagne pendant la crise du coronavirus et se sont lancés dans une guerre des prix acharnée suite à un ajustement des taux de TVA allemands. Cela peut avoir un impact sur les marges. En Grande-Bretagne, le détaillant a récemment annoncé une augmentation de son chiffre d’affaires, qui a atteint 6,9 milliards de livres (7,8 milliards d’euros), mais également une perte avant impôts de 25 millions de livres (28 millions d’euros) en raison de l’augmentation des investissements et des embauches. La chaîne veut compter 1 000 magasins dans le pays d’ici à 2023.
Quels sont les plans à court terme ? Le détaillant confirme dans tous les cas son entrée en Estonie et en Lettonie cette année. Un centre de distribution de 51 000 mètres carrés est déjà prêt à Riga. Les résultats de Lidl Stiftung & Co KG pour l’exercice financier de l’année coronavirus 2020-2021 sont très attendus. Encore un an de patience…