Le commerce de détail alimentaire continuera encore un peu à surfer sur une pente ascendante, mais la dégringolade se fera ensuite à une vitesse vertigineuse. Vous voilà prévenus. Filet Pur vous parle aussi des caddies intelligents, des clients idiots et des détaillants qui ignorent les restrictions de voyage.
Le chiffre d’affaire s’effondre
Trend setter : on l’est ou on ne l’est pas. Ce que nous avions prédit il y a deux semaines a désormais été officiellement confirmé par le bureau d’études Kantar : ce premier trimestre promet encore une belle croissance de 10% pour le secteur des produits de grande consommation, mais ensuite, la fête sera bel et bien finie. La montagne russe ne fera plus que redescendre. Et pour de bon, d’ailleurs : nous pouvons dire adieu à une telle poussée de croissance. Alors profitez-en encore un peu, car la correction sévère est imminente : la combinaison d’une récession et d’une campagne de vaccination mondiale fait chuter les ventes au détail.
Nous ne pouvons qu’espérer qu’ils aient raison : cela signifierait que les injections apporteront effectivement leur lot de soulagement. En tout cas, on connait maintenant le nom du grand vainqueur des confinements : Reckitt Benckiser, fabricant des deux marques au plus fort taux de croissance dans le monde, Dettol et Harpic. Félicitations, RB. Il faut le dire : cette entreprise était déjà gagnante avant même la pandémie. La préparation, c’est la moitié du travail.
Simples statistiques
Dès que nous serons à nouveau autorisés à fréquenter les bars, la vente d’alcool en magasin va fortement plonger, prédit Kantar. On croise les doigts. Mais nous nous rongeons aussi nerveusement les ongles : nous avons reçu des informations très inquiétantes du secteur de la bière. Nous n’aurons bientôt plus de bières trappistes. Et ce pour la simple raison qu’il n’y aura plus de pères trappistes. Profession en pénurie. La première victime est déjà tombée : Achel doit renoncer à son label. Heureusement, le breuvage est toujours disponible, mais il perd un peu de son prestige.
Jusqu’à nouvel ordre, pas de nuages à l’horizon pour Westvleteren: ils lancent même un service de livraison anti-coronavirus. Concrètement : ils ont ouvert une liste d’attente pour les personnes naïves qui pensent être nées sous une bonne étoile. Les chances de gagner le jackpot de l’Euromillions sont infiniment plus grandes que celles de mettre la main sur l’une de ces caisses. Ce ne sont que de simples statistiques.
Caddie intelligent, client idiot
Écran tactile, lecteur de cartes, scanner et balance intégrés : chez la chaîne de supermarchés américaine Kroger , les caddies sont modernisés. L’idée est que les clients scannent et paient eux-mêmes leurs courses avant de quitter le magasin. Ils bénéficient en outre d’une réduction de 5%. Cette technologie est moins chère que celle des magasins sans caisse Amazon Go, mais elle ouvre sans doute aussi de nouveaux horizons pour le vol à l’étalage.
Les caddies sont peut-être de plus en plus intelligents, mais on ne peut pas en dire autant des clients. Les incidents éclatent de plus en plus vite, car les consommateurs sont fatigués des mesures anti-coronavirus en vigueur depuis longtemps. Mais est-ce vraiment une excuse pour insulter le personnel des magasins ? En tout cas, le client qui a insulté une employée la semaine dernière dans son magasin Aldi local le regrette déjà. Contrairement au discounter : tant de publicité gratuite, ça faisait longtemps. Et, partout, les pommes Jonagold se vendent comme des petits pains.
Langage détourné
Une nouvelle enquête, relayée pour la première fois par RetailDetail, indique que la pandémie a modifié le comportement d’achat des consommateurs de manière bien plus radicale que ce que nous voulions bien admettre jusqu’à présent. L’avenir appartient aux marques qui promeuvent la durabilité, aux détaillants qui contribuent à la résilience de leurs consommateurs. L’acheteur se tourne vers les produits écologiques, à petite échelles et locaux. Bio-Planet, Ekoplaza, Ecover et Alpro sortent plus forts de la crise du coronavirus, les multinationales traditionnelles doivent se réinventer.
Le message a été largement liké et partagé, ce qui a probablement attiré l’attention du PDG d’ Unilever, Alan Jope, qui n’a pas perdu de temps : action, et tout de suite, a-t-il sûrement décrété. Rapidement, un communiqué de presse a été publié qui, bien que détourné par du jargon d’entreprise pompeux, ne laissait planer aucun doute sur le fond. La promesse est claire : Unilever va résoudre le changement climatique, s’attaquer aux inégalités sociales, donner des chances aux minorités et augmenter les salaires. En d’autres termes : l’entreprise va contraindre ses fournisseurs à augmenter les salaires. Les voilà informés.
Escale ?
Apparemment en route pour la France malgré les restrictions de voyage : Picnic. Ce pure player qui flambe rapidement pour conquérir les marchés hollandais et allemand recherche d’urgence des collaborateurs francophones. Au sud de Quiévrain, le marché est toujours dominé par le Drive, l’équivalent français du click & collect. Mais l’avenir, c’est la livraison à domicile et, le premier arrivé étant le premier servi, le temps presse. Personne ne veut confirmer si le supermarché en ligne et ses voitures électriques prévoient aussi une escale dans notre pays. Pourtant, ce ne sont pas les opportunités qui manquent : le premier supermarché en ligne belge, Hopr, reporte en effet ses plans de lancement depuis plus d’un an. Cela devrait toutefois être pour bientôt.
Apparemment en route vers la sortie malgré les restrictions de voyage : Emmanuel Faber, PDG de Danone. Un fonds d’investissement activiste estime que l’immobilisme a assez duré. Il n’y a aucune progression chez le groupe d’eaux et des produits laitiers, qui est loin derrière des concurrents comme Nestlé. Le cours de l’action reste en perte de vitesse. Tout comme celle de Carrefour , mais Alexandre Bompard ne semble pas s’en soucier. Au contraire, il s’est exprimé sur Twitter cette semaine et, fait assez exceptionnel, en affichant son côté le plus humoristique.
Bonne ambiance
Notamment en attirant l’attention sur une promotion étonnante de la chaîne d’hypermarchés : le sirop d’érable avec 34% de réduction cette semaine, accompagné d’un message subtil adressé aux lève-tôt et aux couche-tard. Nudge nudge, wink wink : c’était bien pensé. Un clin d’œil manifeste à Couche-Tard, qui renonce au rachat de Carrefour en raison de pressions politiques, mais qui souhaite continuer à travailler avec le détaillant alimentaire, dans l’espoir d’avoir une seconde chance après les élections présidentielles.
On ne sait pas encore si, dans le lointain Québec, ils doivent considérer ce tweet comme un encouragement, mais l’ambiance est plutôt bonne. Les analystes estiment que Carrefour pourrait envisager de vendre ses magasins de proximité aux Canadiens afin de se constituer son trésor de guerre pour de futures acquisitions stratégiques. Ce qui fait immédiatement resurgir un fantôme du passé : une éventuelle offre d’achat pour Casino, en proie aux difficultés financières. Un acte qui serait probablement applaudi par des politiciens chauvins. Vive la France, après tout. Mais pas par l’autorité de la concurrence.
Enfin… Jusqu’à nouvel ordre, l’Achel blonde dans mon frigo est toujours une « trappiste », donc je ne vais pas me plaindre. Où était ce décapsuleur, déjà ? À la semaine prochaine !
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