Ant Group, la société sœur d’Alibaba, a failli être scindée par les autorités chinoises : le concepteur d’AliPay doit recentrer ses activités. La Chine est le premier pays à faire ce que les experts du monde entier réclament depuis des années : réduire le pouvoir des géants de la technologie.
« Rectification » et scission
Dimanche, Ant Group la société mère d’AliPay, a été sévèrement prise pour cible par les autorités chinoises : le groupe financier du fondateur d’Alibaba Jack Ma est contraint de restructurer ses activités opérationnelles. Les organes de régulation et le Parti communiste chinois exigent une « rectification », écrit Reuters : Ant devra constituer une société holding distincte pour garantir que le groupe dispose d’un capital suffisant et respecte la législation.
Le groupe bancaire doit également revoir son système de notation de crédit, d’assurances et de gestion de capitaux afin de mieux protéger les données personnelles de ses clients. Si Ant veut encore accorder des prêts personnels à l’avenir, elle devra obtenir une licence officielle. Le gouvernement chinois exige également une plus grande transparence sur les paiements effectués par AliPay et demande à l’entreprise de ne pas mener de « concurrence déloyale ».
Comportements monopolistiques
Concrètement, cela signifie que l’État supervisera plus étroitement le géant de la technologie. En novembre, le président Jinping a annoncé une série de nouvelles réglementations antimonopolistiques qui devaient mettre un frein au pouvoir débridé et à la formation de monopoles des géants de la technologie, en particulier Alibaba et Tencent. Les organes de régulation occidentaux tentent également d’intervenir – l’Europe multiplie les lourdes amendes et plaide de longue date pour une scission des grandes entreprises technologiques –, mais la Chine est le premier pays à joindre le geste à la parole.
La Chine connaît en effet une situation similaire à l’Occident, où des géants comme Amazon et Google deviennent « too big too fail » et se transforment peu à peu en monopoles. En Chine, AliPay domine le marché des paiements électroniques avec plus de 730 millions d’utilisateurs mensuels. Mais ce qui préoccupe le plus le gouvernement chinois est le fait qu’Ant est désormais la porte d’entrée par excellence pour le capital en Chine : en tant que banque, elle met en relation les emprunteurs et les prêteurs et peut accorder des prêts à court terme en quelques minutes.
Jack Ma rappelé à l’ordre
Mais en Chine, une telle intervention signifie aussi que le parti communiste veut reprendre la main après avoir créé un climat qui a favorisé la naissance et la croissance de ces géants de l’Internet. Autre preuve de sa détermination : le Parti a annoncé que le multimilliardaire Jack Ma était prié de rester au pays. Le gouvernement a entre-temps ouvert des enquêtes sur Alibaba, le pôle retail du groupe, et son rival Tencent.
Ant Group a déjà annoncé la constitution d’un groupe de travail qui se penchera sur la « rectification » demandée. Le groupe veut également se conformer à toutes les réglementations. Lundi, Alibaba a annoncé pour 10 milliards de dollars de rachats d’actions propres – au lieu des 6 milliards prévus – afin d’endiguer la chute de l’action qui a perdu 7 % de sa valeur à l’annonce de l’intervention de Pékin, rapporte Reuters.
Jack Ma, qui comptait sur une introduction en Bourse de plus de 300 milliards de dollars cet automne pour Ant, connaît donc une fin d’année difficile. Il paie au prix fort ses déclarations publiques selon lesquelles les réglementations actuelles étouffaient l’innovation en Chine.